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1578. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre I. Les mondains : La Rochefoucauld, Retz, Madame de Sévigné »

De ce fonds de lectures, que son esprit applique à son expérience, sortent tant de réflexions sur la vie humaine, sur les mœurs et sur les passions, qui rendent ses lettres si substantielles. […] De là encore dérive ce don rare par lequel elle fait sortir le pathétique des idées abstraites : elle a cette forme supérieure de l’imagination qui érige en symboles les objets sensibles, et fait transparaître l’universel dans l’expression du particulier. […] Par le goût, ce roman exquis, malgré sa date, est antérieur au réalisme artistique dont sortent au même temps presque tous les chefs-d’œuvre.

1579. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre II. La jeunesse de Voltaire, (1694-1755) »

Au sortir du collège, c’est un grand garçon maigre, dégingandé, à la physionomie vive, aux yeux pétillants d’esprit et de malice, dévoré du désir de jouir et du désir de parvenir, enfiévré de vanité, d’ambition, d’amour du luxe et du plaisir, enragé d’être un bourgeois, et se promettant bien de ne pas languir dans une étude et sur la procédure. […] C’est la première histoire (qui ne soit qu’histoire) qui compte dans notre littérature : pour la première fois, l’érudition et l’art, la méthode et le style concourent, et nous sortons enfin des compilations sans valeur, des romans sans autorité, et des dissertations doctement illisibles. […] A cet égard, par l’impossibilité de sortir de soi et de son siècle, Voltaire n’a pas le sens historique.

1580. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Victor Hugo, Toute la Lyre. »

Plût au ciel que j’en puisse faire d’autre et sortir de moi ! […] Voici la fin d’une de ces joyeuses énumérations : Zeb plante une forêt de gibets à Nicée ; Christiern fait tous les jours arroser d’eau glacée Des captifs enchaînés nus dans les souterrains ; Galéas Visconti, les bras liés aux reins, Râle, étreint par les nœuds de la corde que Sforce Passe dans les œillets de sa veste de force ; Cosme, à l’heure où midi change en brasier le ciel, Fait lécher par un bouc son père enduit de miel ; Soliman met Tauris en feu pour se distraire ; Alonze, furieux qu’on allaite son frère, Coupe le bout des seins d’Urraque avec ses dents ; Vlad regarde mourir ses neveux prétendants, Et rit de voir le pal leur sortir par la bouche ; Borgia communie ; Abbas, maçon farouche, Fait, avec de la brique et des hommes vivants, D’épouvantables tours qui hurlent dans les vents… etc… car ça continue. […] Imaginez je ne sais quel taureau de Phalaris d’où sortirait, amplifiée, la voix de Lucain, de Juvénal, de Claudien, et aussi de d’Aubigné, de Malherbe, même de Corneille, de tous ceux enfin qui ont le mieux eu le verbe classique.

1581. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre douzième »

Cette fidélité de l’ouvrier à l’œuvre, meilleure que l’œuvre elle-même, prouve que Diderot croyait plutôt fonder que détruire, et qu’il a plus pensé au bien qui devait sortir de l’acte corrigé par le temps, qu’au mal fait par le livre à tous les intérêts qu’il attaquait. […] S’il est sorti du bien de l’école encyclopédique, jamais il ne fut plus vrai de dire qu’il est quelquefois dans les desseins de Dieu de faire le bien par les mains les moins dignes. […] Sous sa main, la langue, parmi quelques pertes, s’enrichit, et pareille à l’arbre dont parle Virgile, si par moments son nouveau feuillage l’étonne ; elle le reconnaît comme sorti du tronc commun.

1582. (1890) L’avenir de la science « XVIII »

Or l’émancipation de l’individu est conquise, définitivement conquise, et doit être conservée à jamais. « La société, disait Enfantin, ne se compose que d’oisifs et de travailleurs ; la politique doit avoir pour but l’amélioration morale, physique et intellectuelle du sort des travailleurs et la déchéance progressive des oisifs. » Voilà un problème nettement défini. […] Tout autre aura le même sort, si une loi périodique, qui lui serait au fond plus favorable qu’on ne pense, ne vient à temps le délivrer du pouvoir. […] Il ne devient prison que du moment où l’objet moulé aspire à sortir.

1583. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre X. La littérature et la vie de famille » pp. 251-271

Si nous sortons du théâtre pour entrer chez les précieuses, la souveraineté de la femme est article de foi à l’hôtel de Rambouillet comme chez Mlle de Scudéry. […] En un mot, les serviteurs tendent à sortir de la famille, à n’y être que des auxiliaires passagers. […] Le sort veut qu’il soit maintenant au service : mais ne l’appelez pas laquais !

1584. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — Y. — article » pp. 529-575

D’après leurs prédications, l’Univers reconnoît un seul Maître : le monde n’est plus qu’une figure qui passe, ses biens qu’une vapeur qui se dissipe ; la vie qu’un passage à un autre plus durable, & dont l’usage de la premiere fixera le sort : l’Homme, cet être auparavant si foible, triomphe de ce que le monde a de plus flatteur & de plus redoutable : les combats qu’il est contraint de livrer à ses passions, sont la source de son repos & de celui de ses semblables ; le mariage est rappelé à son institution primitive : les Loix qui n’arrêtoient que la main, agissent sur le cœur : la bienséance devient un devoir général, même à l’égard des ennemis : le disciple d’Epicure embrasse cette morale mortifiante & austere : on ne reconnoît plus l’Homme dans l’Homme, comme l’a dit Bossuet ; mais dans cette étonnante révolution, on reconnoît le doigt de Dieu. […] Comme l’ordre de la Société exige pour son propre soutien de la subordination, de la dépendance, de la fatigue ; comme la corruption de l’humanité répand sur le général & sur les particuliers, des afflictions, des peines, des travaux, des oppressions, des injustices : quel homme pourroit se soumettre aux rigueurs d’un partage si cruel à la Nature, sans une lumiere qui lui apprît à supporter les amertumes de son sort ; sans un contrepoids qui réprimât les soulévemens d’une sensibilité trop souvent juste ; sans une loi de soumission qui lui fît accepter, par des vûes sur-humaines, tout ce qui peut blesser son esprit & révolter son cœur ? […] Les écouter n'étoit pas le moyen de sortir de mon incertitude.

1585. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — I. (Dialogues inédits.) » pp. 1-28

Elle sortit brusquement après la première contredanse que Mirabeau dansa avec Mme de Saint-Belin : elle emmena les trois jeunes personnes, et cette sortie eut précisément pour effet de rendre manifeste à tous les témoins ce que Mme de Ruffey voulait cacher. […] Mirabeau sortit donc de France, au mois de juin 1776. […] Mirabeau fut enfermé au donjon de Vincennes, où il resta prisonnier quarante-deux mois, pour n’en sortir que le 13 décembre 1780.

1586. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « André Chénier, homme politique. » pp. 144-169

C’est comme si, dans l’Antigone de Sophocle, un jeune homme du chœur sortait tout à coup des rangs, transporté de pitié pour la noble vierge, invectivait le tyran au nom de la victime, et méritait que Créon l’envoyât mourir avec elle. […] Pour lui, il ne fera point ainsi : tout résolu qu’il était d’abord à ne point sortir de son obscurité, à ne point faire entendre sa voix inconnue au milieu de cette confusion de clameurs, il a pensé qu’il fallait triompher de ces réserves d’amour-propre plutôt encore que de modestie, et payer, coûte que coûte, son tribut pour le salut commun : J’ai de plus, ajoute-t-il, goûté quelque joie à mériter l’estime des gens de bien en m’offrant à la haine et aux injures de cet amas de brouillons corrupteurs que j’ai démasqués. […] Quand les tréteaux, les tavernes et les lieux de débauche vomissent par milliers des législateurs, des magistrats et des généraux d’armée qui sortent de la boue pour le bien de la patrie, il a, lui, une autre ambition ; et il ne croit pas démériter de sa patrie en faisant dire un jour : Ce pays, qui produisit alors tant de prodiges d’imbécillité et de bassesse, produisit aussi un petit nombre d’hommes qui ne renoncèrent ni à leur raison ni à leur conscience ; témoins des triomphes du vice, ils restèrent amis de la vertu et ne rougirent point d’être gens de bien.

1587. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1859 » pp. 265-300

Quand la feuille est venue, que nos personnages paraissent vivants, que notre dialogue nous semble une voix, nous sortons de ce papier, échappé de nos entrailles et que nous corrigeons avant de nous coucher, — nous sortons avec une vraie fièvre qui nous retourne deux ou trois heures, sans sommeil, dans notre lit. […] Parfois je m’imagine Fragonard sorti du même moule que Diderot.

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