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441. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Edmond et Jules de Goncourt »

Renée Mauperin n’est pas un type observé par un moraliste qui peint austèrement un vice ou un ridicule social. […] Elle n’a pas le goût d’un terroir social, mais de la cigarette… que fument MM. de Goncourt et qu’ils lui font fumer. […] Il faut bien le reconnaître, là est le roman vrai, là est la moralité sociale de ce roman de Renée Mauperin, et Renée Mauperin, qui le nomme, n’est plus qu’une arabesque de ce livre, qui ne dit pas ce qu’il veut dire mais ce qu’il ne veut pas dire, et qui le dit si bien. […] Selon M. de Goncourt, le Réalisme et le Naturalisme — son expression dernière — ne tiennent pas essentiellement à la vidange sociale dans laquelle ils pataugent et dans laquelle ils semblent nés. […] Une âme délicieuse et même héroïque peut très bien exister dans un clown, et, dramatiquement, elle ferait plus d’effet si elle y était que si on la rencontrait dans un homme qui, par l’éducation, la pensée, la méditation, les habitudes, le milieu social, a développé les forces de son âme comme le clown n’a développé que celles de son corps… Seulement, il faut qu’une pareille âme soit dans le clown du roman qu’on veut faire, et dans celui de M. de Goncourt, elle n’y est pas !

442. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Mémoires du général La Fayette (1838.) »

De même, lorsqu’on aborde la philosophie religieuse et sociale de MM.  […] Homme unique dans l’histoire jusqu’à ce jour, homme de gouvernement, de pouvoir, de direction nationale et sociale, et en même temps homme de liberté, d’une intégrité morale inaltérable. […] Un des tristes résultats de tant de violences précédentes avait été la nécessité généralement reconnue d’un coup d’État de plus pour sauver la liberté et l’ordre social. […] Il eut cette idée, et elle est grande ; elle est digne en elle-même de tout ce que l’antiquité peut offrir de stoïque au temps des triumvirs, et elle a de plus l’inspiration sociale, qui est la beauté moderne. […] — C’est ainsi que son expérience acquise se concilia du mieux qu’elle put avec son inaltérable faculté d’espérer et avec sa foi morale et sociale persistante.

443. (1895) Le mal d’écrire et le roman contemporain

On se plaît à signaler les revendications sociales d’un quatrième état ? […] On a beau vanter le profit du coudoiement social, c’est par la concentration et non par l’éparpillement que le talent se dégage. […] Taine, pour se transformer en psychologie sociale sous la plume autorisée de M.  […] Taine a tant exagéré l’importance des milieux et des influences sociales. […] Quelle est, par exemple, la condition sociale la plus ordinaire ?

444. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Heureusement que c’était à un poète lui-même qu’elle l’adressait ; car il se trouva que la Préface, mise en tête de ces humbles Essais, et qui n’était probablement pas de l’auteur des vers, se ressentait plus qu’il n’aurait fallu de l’existence de prolétaire à laquelle elle se rattachait, et avait un certain goût de doctrines sociales réputées dangereuses. […] Elle est d’une plume que cette question de l’intérêt et de l’avenir des Lettres et de la Poésie, auxquelles les brusques mouvements sociaux se montrent parfois si malfaisants, a toujours sensiblement et personnellement touchée. […] Les préoccupations politiques et sociales ne vous empêchent pas de vous intéresser à une âme vibrante que la pauvreté et les misères de la vie ne purent abattre. — Il fallait également pouvoir faire entrer dans un journal une étude d’un relief si fin. […] Sainte-Beuve définissait et décrivait, en toute connaissance de cause, ce qu’il a nommé lui-même L’ouvrier littéraire ; et on peut reconnaître à certains traits que, sans en avoir l’air, il se rangeait dans cette catégorie de travailleurs  ; il en a été, malgré la dignité de sénateur, jusqu’à la fin de sa vie (voir à la fin d’un premier article sur la Réforme sociale en France, par M. 

445. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Michelet » pp. 167-205

III Mais, encore une fois, à cela près de cette Introduction, si nette dans sa pitié lucide pour des misères sociales que les inventions humaines, quand elles ne seront qu’humaines, ne soulageront pas ; à cela près, de cinq à six belles pages peut-être, où l’écrivain, quittant la Femme, se retourne vers un point d’histoire (voir le passage sur l’Afrique à propos de la négresse), et, sortant du pathos sentimental et physique, reprend des lambeaux de puissance et ranime son éclair éteint dans les larmes d’un attendrissement par trop continu à la fin, il n’y a plus, tout le long de ce livre qui en rumine un autre, que ces idées dont nous avons brassé déjà le vide et qui font de Michelet quelque chose comme une tête de femme hallucinée, — comme la madame de Krudner, par exemple, d’un naturalisme mystico-sensuel, tout à la fois très mélancolique et très burlesque. […] Mais, pour ne pas parler des formes politiques que nous avons traversées et pour aller d’un trait et par le plus court à la question terrible, que le doux Michelet, l’ancien professeur de rhétorique, appelle le divorce social et qui est la question éternelle, effroyable, béante et menaçante comme une gueule, de ceux qui n’ont pas contre ceux qui ont, les étudiants de 1847 travaillés par Michelet ont-ils essayé de la résoudre ? […] Le croiront-ils, ceux-là qui prennent Michelet sur le pied du divinateur historique et du rénovateur social qu’il se donne, dans ce Cours de 1847 ? […] Le gouvernement du temps le suspendit et il ne fut pas repris, mais il avait été préparé dans l’hypothèse où il pourrait l’être… Ce Cours, que ses amis n’auraient pas dû publier, nous apprend mieux, à nous, ce que nous savions en le résumant, en nous montrant en une seule fois le bloc d’idées de Michelet, qui n’est pas bien gros, comme vous le voyez… L’éclatant et criminel historien qu’est souvent Michelet quand il tient les faits sous sa plume et qu’il les colore à son gré, cachait, avant ce Cours, l’inanité du philosophe, de ce pauvre inventeur en ressources et en médications sociales qui n’a pas de système, mais de vagues aspirations vers une fraternité que le Christianisme a pu, seul, établir, dans un monde si évidemment en chute, qu’en y faisant intervenir Dieu.

446. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 111-112

Il est difficile de concilier avec un acharnement aussi peu mesuré, la haute idée qu’on veut nous donner des vertus sociales de ce Dissertateur.

447. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » p. 200

Rousseau, deux hommes dont l’amitié fait honneur à ses qualités sociales : le dernier lui a adressé une de ses Odes.

448. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre IV. Des femmes qui cultivent les lettres » pp. 463-479

Éclairer, instruire, perfectionner les femmes comme les hommes, les nations comme les individus, c’est encore le meilleur secret pour tous les buts raisonnables, pour toutes les relations sociales et politiques auxquelles on veut assurer un fondement durable. […] Examinez l’ordre social, lui dirait-on, et vous verrez bientôt qu’il est tout entier armé contre une femme qui veut s’élever à la hauteur de la réputation des hommes.

449. (1890) L’avenir de la science « Sommaire »

XIV L’État doit patronner la science, comme tout ce qui est de l’humanité et a besoin de l’aide de la société, État social où la science remplacerait les cultes. […] XXI La science est indépendante de toute forme sociale.

450. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — La synthèse »

Il convient d’en compléter l’explication par l’examen des procédés qui permettront, après analyse, de restaurer l’œuvre et les hommes dans leur unité totale, dans le jeu des forces naturelles et sociales qui les forment, les meuvent et les heurtent. […] Les contemporains, les auteurs de mémoires, les comiques et les moralistes du temps, les représentations graphiques, des tableaux aux caricatures, les mille faits épars de la vie de tous les jours, la reconstitution architecturale et géographique des lieux, des monuments et des villes, tous les départements de la vie publique, de la politique à la théologie, seront mis à contribution, fouillés en quête de détails typiques et significatifs ; ces notions sur le vêtement, la demeure, le séjour, sur les habitudes intimes et sociales, sur le type ethnique, sur les relations célestes et humaines, sur toute la vie en somme du groupe formé autour d’une œuvre ou autour d’une famille d’œuvres, groupe qui comprendra tantôt tout ce qui est notable d’une nation, tantôt toute une classe, tantôt enfin un nombre épars d’individus dont il faudra rechercher les points d’union, — seront dégagés, fondus ensemble, ordonnés, et plaqués enfin sur la sorte de squelette psychologique que l’on aura obtenu antérieurement par l’ordre de recherches que nous avons exposé au précèdent chapitré.

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