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335. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXVIII. Caractère essentiel de l’œuvre de Jésus. »

Il a créé le ciel des âmes pures, où se trouve ce qu’on demande en vain à la terre, la parfaite noblesse des enfants de Dieu, la pureté absolue, la totale abstraction des souillures du monde, la liberté enfin, que la société réelle exclut comme une impossibilité, et qui n’a toute son amplitude que dans le domaine de la pensée. […] Mais le souffle de Dieu était libre chez eux ; chez nous, il est enchaîné par les liens de fer d’une société mesquine et condamnée à une irrémédiable médiocrité. […] La société juive offrait l’état intellectuel et moral le plus extraordinaire que l’espèce humaine ait jamais traversé. […] Jésus, pendant trois ans, put mener une vie qui, dans nos sociétés, l’eût conduit vingt fois devant les tribunaux de police. […] Un novateur, dans un tel état de société, ne risquait que la mort, et la mort est bonne à ceux qui travaillent pour l’avenir.

336. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes et la société au temps d’Auguste » pp. 293-307

Les Femmes et la société au temps d’Auguste Blaze de Bury, Les Femmes et la société au temps d’Auguste. […] Il nous donne les femmes et la société du temps d’Auguste, et pour commencer ses impertinences de dandy, que je ne hais pas, il place Cléopâtre sous Auguste, quoiqu’elle fût à côté, et quoique, des femmes sous Auguste, il n’y en ait dans son livre que deux : Livie et Julie, — plus Horace, qui, selon moi, n’était d’aucun sexe, lui, mais un impuissant de tête et de cœur, habile seulement dans l’art physique de faire des vers. […] Il n’a pas pensé seulement que, depuis ce temps-là, il s’est produit dans le monde une société chrétienne, et il ne s’est pas souvenu de beaucoup de choses que cette société dont il fait partie a dû déposer dans son esprit.

337. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Le Sage » pp. 305-321

Aux ignorants des choses espagnoles, à ceux-là qui n’avaient pas étudié les mœurs de l’Espagne chez elle, Le Diable boiteux et Gil Blas apportèrent la sensation d’une société nouvelle, et le terrible piment espagnol qui aurait emporté la bouche et qui pouvait se mêler à cette sensation, Le Sage eut la prudence de s’en abstenir. […] une canaille parfaite du plus abject accomplissement, et la société dans laquelle il fait ses pirouettes d’aventurier, en passant par tous les métiers, est aussi abjecte que lui ! […] Au degré de corruption et d’abaissement où était, au xviiie  siècle, tombée la société française, on ne pouvait plus amuser cette société basse que par des peintures aussi basses qu’elle… III Misérable occupation, pour gagner sa vie, d’un homme médiocre qui n’a pas relevé par le talent ce qu’il a fait ! […] Leurs pièces, à tous les deux, représentent des sociétés finies ; mais Beaumarchais a donné l’immortalité de l’esprit à sa peinture.

338. (1856) Cours familier de littérature. I « Ier entretien » pp. 5-78

Il se consolait par la chasse, par la lecture et par la société de M. de Vaudran et de mon père, ses voisins, de la destinée contraire qui lui avait fermé le palais épiscopal et qui le condamnait à la vie obscure d’un vicaire de campagne. […] J’ai connu le monde, je l’ai jugé, je l’ai fui ; mais, comme l’homme est un être instinctivement sociable, j’ai trouvé dans cette maison, dans l’amitié de ces deux sœurs aussi sauvages que moi, une société pour mon cœur ; et je trouve dans ces livres, rapportés de mes voyages et jetés pêle-mêle à mes pieds, une société pour mon esprit. « Cette société me suffit ; je n’en regrette ni n’en désire point d’autres. […] » XXX Il continua à me parler ainsi de cette société morte, en m’en faisant apprécier l’inestimable supériorité sur la société des vivants, jusqu’au moment où les rayons du soleil du soir, qui se retiraient un à un par les ouvertures du volet grillé, laissèrent ce cimetière intellectuel dans une silencieuse obscurité. […] Il fallait que cela fût ainsi pour qu’un solitaire qui avait traversé les foules et les bruits du monde pût se trouver plus heureux dans la société de ces morts que dans la société des vivants.

339. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre X » pp. 83-88

Boisrobert, qui veillait aux intérêts du cardinal dont il était secrétaire, eut l’adresse de se faire admettre à quelques séances de cette société ; il proposa au cardinal de lui donner une forme légale, de l’augmenter, et de s’en établir le protecteur. […] Pendant ce temps-là, la société s’accrut de dix-neuf membres, et s’éleva à vingt-huit, y compris Boisrobert. […] Rien ne m’a appris si Descartes était alors de la société de la marquise.

340. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XVI » pp. 188-192

. — Mœurs de la société d’élite. — Madame de Montausier, gouvernante de M. le Dauphin. — Mademoiselle de La Vallière, maîtresse du roi. […] Les sociétés formées des débris de l’hôtel Rambouillet, les femmes de bonne compagnie, voient sans déplaisir Molière ramener au naturel les affectations de pruderie et de bel esprit ; mais elles continuent à mettre en honneur l’honnêteté, la décence des mœurs, la pureté et l’élégance du langage, et elles parviennent à en assurer le triomphe. […] Si quelque biographe imprimait aujourd’hui cette phrase dans une vie de Louis XIV : « Le 1er novembre 1661, le roi nomme pour gouvernante de M. le Dauphin, une des personnes de la société représentée par Molière, dans ses Précieuses ridicules, et bafouée par le public depuis deux ans », ne croirait-on pas que cet écrivain est tombé en imbécillité ou en démence ?

341. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « De la peinture. A propos d’une lettre de M. J.-F. Raffaëlli » pp. 230-235

Je pourrais les citer tous et nous trouverions toujours la même chose : enthousiasme pour un caractère dominant à une époque et dans une société donnée, interprété en admiration par amour, ou en haine par amour de la vertu contraire au vice découvert. » M.  […] « Le beau de la société, écrit M.  […] Raffaëlli poursuit en exhortant à l’étude passionnée et universelle de l’homme dans toute l’étendue de la société et dans toute la série de ses conditions, de ses manières d’être, de ses mœurs et de ses types.

342. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « De la poésie de la nature. De la poésie du foyer et de la famille » pp. 121-138

Il obtint un brevet de colonel en France, et quitta bientôt le service pour se livrer tout entier aux lettres et à la société. […] Saint-Lambert, qui était surtout fait pour la société, avait certainement du goût pour la nature, et il l’a chantée de la manière dont il l’aima. […] Il avait beaucoup d’esprit et un sens exquis, un tact exquis, dans l’acception où le prenait la société de son temps : c’est l’éloge que lui accordent ceux même qui le jugeaient d’ailleurs le plus sévèrement. […] Il nie les principes de la famille, de la société, et il revêt d’une sorte d’imagination échauffée et factice ses conclusions stériles. […] C’est proprement le poète visiteur qui passe de jardin en jardin, de volière en volière : tous les beaux lieux à la mode, il les a vus, il les a fêtés, et a payé l’hospitalité d’un jour ou d’une semaine par de jolis vers que la société la plus mondaine applaudissait.

343. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Instruction générale sur l’exécution du plan d’études des lycées, adressée à MM. les recteurs, par M. Fortoul, ministre de l’Instruction publique » pp. 271-288

Cette réforme, étant une des choses les plus considérables qu’on ait tentées depuis longtemps dans l’éducation de la jeunesse, et devant avoir l’influence la plus directe et la plus profonde sur l’avenir de la société, mérite d’être exposée dans son esprit, et je tâcherai de le faire en dégageant cet examen de tout ce qui pourrait le masquer ou l’embarrasser, et sans y rien mêler qui puisse paraître injuste envers personne. Chacun sait et voit chaque jour plus nettement ce que c’est que la société moderne, et les devoirs laborieux qu’elle impose à chacun presque au sortir de l’enfance. […] Pourtant, dans une société où l’industrie, et les arts dont elle dispose, gagnaient de plus en plus et pénétraient la vie ; où les sciences physiques, dans leurs mille applications, se partageaient le monde ; où mille voies légitimes étaient offertes à l’activité et à l’intelligence humaine, il était difficile (chose singulière !) […] Qu’on veuille bien se rendre compte de l’état réel du monde et du milieu de société où nous vivons. […] quoique notre état social ait complètement changé depuis mille ans, quoique les portes de la science aient été enfoncées par les laïques, c’était encore, il y a cinquante ans, la méthode ecclésiastique que l’on suivait dans l’éducation, et il fallait une révolution comme celle de 89 et un homme comme Napoléon pour élever au-dessus des langues mortes les sciences physiques et mathématiques qui doivent être le but de notre société actuelle, car elles forment des travailleurs au lieu de créer des oisifs.

344. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Les quatre moments religieux au XIXe siècle, (suite et fin.) »

1° Il y a le moment du Consulat, la restauration du culte, faisant partie de celle de la société ; moment immortel de réconciliation et de réunion, à la fois de réjouissance sociale et de vive consolation individuelle, mais qui recélait en lui ses dangers que l’avenir fit éclore. […] Le premier moment, celui qui date de la renaissance de la société française avec le Consulat, ne mérite qu’éloge, et si on se reporte aux espérances du point de départ, la comparaison avec certains des résultats obtenus est bien faite pour donner aux esprits sérieux et animés de nobles pensées sociales d’éternels regrets. […] La société française en 1800 (et le génie civilisateur du Consul l’avait compris aussitôt) était religieuse, dans le sens du moins d’une réparation à accorder à des ministres persécutés, à des convictions proscrites, à des souvenirs respectables, redevenus plus sacrés par le malheur. […] Etait-il possible en 1801, comme l’abbé de Pradt l’expose, comme Napoléon lui-même semble depuis l’avoir reconnu, d’adopter un autre mode que celui du Concordat, une manière moins solennelle, moins éclatante, mais plus neuve, plus hardie dans sa simplicité, rentrant moins dans les anciennes ornières, constituant « une liberté protectrice et non directrice », et qui aurait suffi à donner pleine satisfaction alors à la religion et à la majeure partie de la société, sans être grosse des périls et des conflits qui succédèrent ? […] Que deviendront, on peut se le demander, ces trois courants si dissemblables d’esprit, en se rencontrant dans la société future, dans celle de demain ?

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