Je signale l’excès ; mais la raison aussi, — j’entends la raison poétique, — la fantaisie, nourrice de l’art, y trouvaient leur compte ; et lorsqu’un des adeptes se détachait de cette société si parfaitement désintéressée et si vraiment innocente dans ses fureurs, pour entrer tout de bon dans la violence, dans la conspiration et la haine, quels vers aimables et doux Théophile Gautier lui adressait, en le rappelant cette fois à la nature non distincte de l’art !
Quelques femmes françaises nous regardaient à travers leurs croisées entr’ouvertes et pleuraient… » Arrivé à Constantinople, les illusions du prisonnier continuent : il persiste à se croire en pays civilisé ou du moins non entièrement barbare ; une captivité politique ne l’effrayait pas : « Quelque fâcheux qu’il fût pour moi de me voir prisonnier, je regardais d’abord comme très-consolant d’être réuni à d’autres Français dont la société pouvait me procurer quelques douceurs.
Saint-René Taillandier) nous montre en conséquence Mme Favart « se moquant des menaces aussi bien que des promesses, en butte à de lâches intrigues, poursuivie, jetée au fond d’un cachot, gardant purs et intacts la dignité de son art et l’honneur de son nom : rare leçon donnée par une comédienne à une société corrompue !
Qu’il me soit permis, messieurs, de m’honorer à vos yeux d’une mission que je dois à l’amitié de cet homme célèbre… » Ce rapprochement de Raynal et de Franklin ne pouvait passer que grâce à l’illusion de l’amitié : Franklin, véritable patriarche, par un mélange unique de simplicité, de finesse et de douce ironie, avait offert à quiconque l’avait approché dans sa vieillesse le modèle du sage, conseillant à demi-voix et souriant, un des vrais pères ou parrains de la société de l’avenir.
On serait trop tenté vraiment, à voir le détail d’une telle vie, et quel mal infini eut de tout temps à se soutenir et à subsister cette famille d’élite et d’honneur, ce groupe rare d’êtres distingués et charmants, comptant des amitiés et, ce semble, des protections sans nombre, chéris et estimés de tous, on serait tenté de s’en prendre à notre civilisation si vantée, à notre société même, à rougir pour elle ; et surtout si l’on y joint par la pensée le cortège naturel de Mme Valmore, cette quantité prodigieuse de femmes dans la même situation et « ne sachant où poser leur existence », courageuses, intelligentes et sans pain, « toutes ces chères infortunées » qui, par instinct et comme par un avertissement secret, accouraient à elle, qu’elle ne savait comment secourir, et avec qui elle était toujours prête à partager le peu qui ne lui suffisait pas à elle-même !
M. de Canouville, un homme de la société, que les gens de mon âge ont connu, et qui avait été attaché à la cour du premier Empire, racontait l’anecdote suivante.
L’on comprend d’ailleurs ce succès ; les habitudes scolastiques données aux esprits par les théologiens et par les légistes, qui étaient les deux classes de la société spécialement littéraires, rendaient facile à comprendre et intéressante à suivre une forme de pensée et de style qui nous paraît aujourd’hui pénible autant que fastidieuse et monotone, parce que nous ne sommes plus dans un milieu imprégné de ce genre d’études et de ces distinctions quintessenciées qui étaient comme dans l’air.
La brochure politique, ou plutôt philosophique, qu’il a publiée sur l’état présent de la société, indépendamment de ce vif désir du bien qui respire à chaque ligne, révèle en lui un coup d’œil bien ferme et bien serein au milieu des ruines récentes d’où tant de vaincus et de vainqueurs ne se sont pas relevés.
Sage comme je m’imaginais l’être, je n’avais plus d’autre vœu qu’une société choisie et moins éparse, ma famille, la campagne sans l’isolement, quelques livres, surtout la poésie, celle qui répondait à mes besoins, à mes sentiments, et çà et là encore, non loin de moi, quelque liaison délicate et tendre, pour achever d’aimer.
. ; son opinion était partagée par plusieurs personnes de sa société.