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16. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre VI. Suite des Moralistes. »

Voltaire a dit : « Pascal, fou sublime, né un siècle trop tôt. » On entend ce que signifie ce siècle trop tôt. […] Parmi les personnes qui ont embrassé les opinions philosophiques, les unes ne cessent de décrier le siècle de Louis XIV ; les autres, se piquant d’impartialité, accordent à ce siècle les dons de l’imagination, et lui refusent les facultés de la pensée. C’est le dix-huitième siècle, s’écrie-t-on, qui est le siècle penseur par excellence. […] La pensée est la même dans tous les siècles, mais elle est accompagnée plus particulièrement ou des arts ou des sciences : elle n’a toute sa grandeur poétique et toute sa beauté morale qu’avec les premiers. Mais si le siècle de Louis XIV a conçu les idées libérales 167, pourquoi donc n’en a-t-il pas fait le même usage que nous ?

17. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Dédicace, préface et poème liminaire de « La Légende des siècles » (1859) — Préface (1859) »

La Légende des siècles, tome premier, in Œuvres complètes de Victor Hugo. […] Les poëmes qui composent ces deux volumes ne sont donc autre chose que des empreintes successives du profil humain, de date en date, depuis Ève, mère des hommes, jusqu’à la Révolution, mère des peuples ; empreintes prises, tantôt sur la barbarie, tantôt sur la civilisation, presque toujours sur le vif de l’histoire ; empreintes moulées sur le masque des siècles. […] Pour le poëte comme pour l’historien, pour l’archéologue comme pour le philosophe, chaque siècle est un changement de physionomie de l’humanité. […] Le lecteur trouvera certainement juste d’attendre, pour les apprécier définitivement, que la Légende des Siècles ait paru en entier. […] L’épanouissement du genre humain de siècle en siècle, l’homme montant des ténèbres à l’idéal, la transfiguration paradisiaque de l’enfer terrestre, l’éclosion lente et suprême de la liberté, droit pour cette vie, responsabilité pour l’autre ; une espèce d’hymne religieux à mille strophes, ayant dans ses entrailles une foi profonde et sur son sommet une haute prière ; le drame de la création éclairé par le visage du créateur, voilà ce que sera, terminé, ce poëme dans son ensemble ; si Dieu, maître des existences humaines, y consent.

18. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hugo, Victor (1802-1885) »

Victor Hugo ne désespère pas ainsi de lui-même, de son siècle et du pouvoir de la poésie. […] Tous les génies sont frères et forment, à travers les espaces et les siècles, une famille rayonnante et sacrée. […] [Le Siècle (27 avril 1856).] […] De tous les spectacles que ce siècle nous a donnés, il n’y en a pas de plus consolant et de plus rassurant que celui-là. […] Il fut le plus grand poète de notre siècle.

19. (1839) Considérations sur Werther et en général sur la poésie de notre époque pp. 430-451

Ce ne sont pas seulement les souffrances de l’amour, mais les maladies de l’imagination dans notre siècle, dont il a su faire le tableau. […] Mais Béranger a continué dans l’art, comme avec un dessein prémédité, l’esprit du Dix-Huitième Siècle et de la Révolution. […] et toi, Goethe, après avoir dit deux fois la terrible pensée de ton siècle, tu sembles avoir voulu t’arracher au tourment qui t’obsédait, en remontant les âges, te contentant de promener ton imagination passive de siècle en siècle, et de répondre comme un simple écho à tous les poètes des temps passés. […] Il y a de l’enthousiasme, il y a de la foi jusque dans le sentiment qui a donné naissance aux plus désolantes doctrines du Dix-Huitième Siècle. […] Quand la philosophie du Dix-Huitième Siècle produisit la Révolution Française, que fit Goethe, le disciple à demi de cette philosophie ?

20. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVIII. Des obstacles qui avaient retardé l’éloquence parmi nous ; de sa renaissance, de sa marche et de ses progrès. »

Ce siècle est ordinairement nommé le siècle des grands hommes ; on l’appellerait avec autant de vérité le siècle des éloges. […] Ainsi, par la suite des siècles et des hasards, la langue française se formait, s’enrichissait, s’épurait par degrés. […] Cette erreur fut autant celle de son siècle que la sienne. […] Ne pouvant donner l’impulsion à leur siècle, ils étaient du moins capables de la recevoir. […] Les siècles avaient formé la langue ; son caractère était connu ; sa marche était fixée.

21. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre premier. De la louange et de l’amour de la gloire. »

Corneille mettait sa gloire à faire Cinna ; un courtisan de son siècle, à paraître avec grâce dans un ballet. […] Mais ces illusions sublimes n’appartiennent ni à toutes les âmes ni à tous les siècles. […] Ils oseraient peut-être rougir à leurs yeux ; ils craindront de rougir aux yeux de leur nation et de leur siècle. […] Ainsi nous suivrons de siècle en siècle les révolutions de l’éloquence et des arts, nous marquerons leur décadence ou leurs progrès. […] Quoi, même après des siècles, faudrait-il encore avoir des égards pour des tombeaux et pour des cendres ?

22. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIX. De la littérature pendant le siècle de Louis XIV » pp. 379-388

Le siècle de Louis XIV, le plus remarquable de tous en littérature, est très inférieur, sous le rapport de la philosophie, au siècle suivant. […] La littérature, dans le siècle de Louis XIV, était le chef-d’œuvre de l’imagination ; mais ce n’était point encore une puissance philosophique, puisqu’un roi absolu l’encourageait, et qu’elle ne portait point ombrage à son despotisme. […] La pureté du style ne peut aller plus loin que dans les chefs-d’œuvre du siècle de Louis XIV ; et, sous ce rapport, ils doivent être toujours considérés comme les modèles de la littérature française. […] L’indépendance républicaine doit donc chercher à imiter la correction des auteurs du siècle de Louis XIV, pour que les pensées utiles se propagent, et que les ouvrages philosophiques soient en même temps des ouvrages classiques en littérature. […] Je me borne seulement à tracer la route qui a conduit les esprits, depuis le siècle de Louis XIV jusqu’à la révolution de 1789.

23. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Et Lamartine ? »

D’autres, enfin, les plus naïfs, sont persuadés que Victor Hugo a « incarné la pensée du siècle », et qu’« on dira le siècle de Hugo comme on dit le siècle de Voltaire ». […] Et, malgré cela, ce n’est que rarement et pour la commodité du langage qu’on dit « le siècle de Voltaire ». Mais je vous jure qu’en 1900 on ne dira pas « le siècle de Victor Hugo ». […] Je confesse, pour la vingtième fois, que Victor Hugo est un des cinq ou six grands génies littéraires de ce siècle. […] Vers la fin de ce siècle, quand tous deux appartiendront également au passé, Lamartine réapparaîtra tel qu’il est, très grand.

24. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre III : La littérature du xviiie et du xixe  siècle »

Défenseur de la tradition et de la discipline, comment goûtera-t-il ce siècle d’indépendance et de liberté ? […] A l’époque de l’Esprit des Lois, l’esprit de censure ne s’était pas encore déchaîné, comme il l’a fait à la fin du siècle. […] Ce siècle ne dit rien à son cœur, il ne parle qu’à son esprit. […] Enseignez donc à ce siècle-ci le respect de la tradition, l’intelligence du passé, le goût de la stabilité, l’amour de ce qui dure, rien de mieux. […] Maintenant, l’expérience et la réflexion nous apprennent que ce siècle ne se suffit pas à lui-même, qu’il n’a pas en lui un principe d’ordre et de durée, que parmi les pensées du siècle précédent, s’il y en a qui ont pu disparaître avec le temps, il en est d’autres qui sont éternelles, et sans lesquelles aucun ordre de société ne peut durer.

25. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — De la langue Françoise. » pp. 159-174

Il a commencé à se corrompre chez les Grecs immédiatement après la mort d’Alexandre ; chez les Romains dès le règne de Tibère ; chez les Italiens à la mort de Léon X, & en France au commencement de ce siècle. […] Les écrivains de nos jours en qui l’on voyoit encore des étincelles de ce beau feu qui animoit ceux du siècle passé, ont en vain crié contre cette déraison, & voulu sauver le goût égaré en France. […] La seule raison qu’il apporte de la rencontre des meilleures plumes en un siècle plutôt que dans un autre, ce sont les efforts & les succès réitérés des personnes de génie. […] Racine, & commençant par convenir qu’il y avoit encore dans ce siècle des écrivains dignes de l’autre, il a mieux saisi & marqué les causes véritables du contraste de ces deux siècles. […] Il semble prévoir avec douleur qu’il en sera tôt ou tard des auteurs du siècle de Louis XIV, comme de ceux du siècle d’Auguste, qui, par la suite, ne furent connus que des personnes qui se piquoient d’érudition.

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