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666. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE KRÜDNER » pp. 382-410

Voilà, en effet, Mme de Krüdner, telle qu’elle aurait dû venir pour remplir toute sa destinée, pour ne pas être seulement un romancier charmant et bientôt une illuminée qui fit sourire, pour ne pas manquer, comme il lui est arrivé, cette seconde partie de son rôle et d’une vie qu’elle avait voulu rendre sans réserve à Dieu, à la charité, à l’œuvre de la sainte parole, au salut et au renouvellement du monde. […] Comme on retrouve là cette frêle et tendre adolescence jetée au bord de l’abîme, cette nature d’âme aimable, mystique, ossianesque, parente de Swedenbourg, amante du sacrifice, ce jeune homme qui, comme René, a dépassé son âge, qui n’en a su avoir ni l’esprit, ni le bonheur, ni les défauts, mais que le Comte, d’une voix moins austère que le Père Aubry pour Chactas, conviait seulement à ces douces affections qui sont les grâces de la vie, et qui fondent ensemble notre sensibilité et nos vertus ! […] En un mot, Gustave réussit véritablement à laisser dans l’âme du lecteur, comme dans celle de Valérie, ce qu’il ambitionne le plus, quelques larmes seulement, un de ces souvenirs qui durent toute la vie, et qui honorent ceux qui sont capables de les avoir. […] Elle y dénonce la plaie qui n’est pas seulement celle du grand monde, mais du monde entier, celte vieille plaie de Pilate, que Dante punissait par l’enfer des tièdes, et que, de nos jours, tant de novateurs généreux, à commencer par elle, se sont fatigués à insulter. […] Il cite les lettres à Mlle Cochelet, non pas seulement celle de 1809, mais d’autres encore qui sont tout à côté dans le même volume ; les curieux les y trouveront.

667. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (3e partie) » pp. 369-430

En sorte que le simple récit de ces deux années est le plus lumineux commentaire de toute une grande révolution, et que le sang répandu à flots n’y crie pas seulement terreur et pitié, mais leçon et exemple aux hommes. […] « L’impartialité de l’histoire n’est pas celle du miroir qui reflète seulement les objets, c’est celle du juge qui voit, qui écoute et qui prononce. […] Le pressentiment de ses malheurs, le souvenir des scènes tragiques de Versailles, les inquiétudes de chaque jour, pâlissaient seulement un peu sa première fraîcheur. […] Il n’était pas seulement le singe du peuple, il était le peuple lui-même. […] « C’est pour cela que la révolution qu’a faite l’Assemblée constituante est devenue une date de l’esprit humain, et non pas seulement un événement de l’histoire d’un peuple.

668. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (3e partie) » pp. 365-427

« La période de découvertes dans les espaces terrestres, l’ouverture soudaine d’un continent inconnu, n’ont pas ajouté seulement à la connaissance du globe ; elles ont agrandi l’horizon du monde, ou, pour m’exprimer avec plus de précision, elles ont élargi les espaces visibles de la voûte céleste. […] « L’étoile nouvelle, continue Tycho, était pourvue de queue ; aucune nébulosité ne l’entourait ; elle ressemblait de tout point aux autres étoiles ; seulement elle scintillait encore plus que les étoiles de première grandeur. […] On ne pouvait le comparer qu’à celui de Vénus, quand elle est le plus près possible de la Terre (alors un quart seulement de sa surface est éclairé pour nous). […] Seulement je puis penser, et je dois penser, puisque la pensée est la vie morale produite en moi par la vie matérielle. […] Mais ma vie ne se compose pas seulement de pensées comme celle d’un pur esprit qui n’a d’autre objet que la contemplation.

669. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Romans et nouvelles » pp. 3-80

Et, il m’est donné seulement aujourd’hui, de prévenir le lecteur que l’affabulation d’un roman à l’instar de tous les romans, n’est que secondaire dans cette œuvre. […] Il ne me paraît pas qu’elle soit morte ; j’ai seulement d’elle le sentiment d’une personne disparue. […] Zola, et peut-être moi-même, avons apportée dans le peinture du bas de la société, sera reprise par un écrivain de talent, et employée à la reproduction des hommes et des femmes du monde, dans des milieux d’éducation et de distinction, — ce jour-là seulement, le classicisme et sa queue seront tués. […] c’est peu probable… et cette préface a pour but de dire aux jeunes que le succès du réalisme est là, seulement là, et non plus dans le canaille littéraire, épuisé à l’heure qu’il est, par leurs devanciers. […] Léon Sari, et les frères Hanlon-Lee qui ne sont pas seulement les souples gymnastes que tout Paris applaudit, mais qui raisonnent encore de leur art comme des savants et des artistes.

670. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1883 » pp. 236-282

Seulement alors il demandait qu’on l’injectât de morphine, mais à des doses infinitésimales, et qui lui donnaient le repos et le calme, pendant quelques minutes, puis il revenait à sa vie douloureuse, se secouait, et disait à l’ami médecin, qui se trouvait près de lui : « Faisons un peu de gymnastique intellectuelle, causons de… » Et il nommait une thèse médicale quelconque, voulant conserver intactes les facultés de son cerveau, jusqu’au bout. […] — Un enfant qu’on ne voit jamais lire, est destiné par avance à une carrière seulement de mouvement et d’action. […] Il y a pour moi, dans cette pièce, des vraies scènes d’un théâtre moderne, seulement, parfois abîmées par les expressions littéraires en retard, de Delair. […] Je dis au ménage, ce que je crois, c’est qu’il n’y a pas au fond vraiment de question politique, mais que ça va être seulement une question de chic pour les clubs, de venir chuter la pièce, et qu’on doit s’attendre à cinq ou six représentations cahotées, après quoi, la pièce marchera. […] Daudet dit que c’est lui, qui lui a donné le la de sa pocharderie royale, en le poussant à jouer la scène, sans flageoler, sans tituber, et seulement avec l’empâtement de la parole.

671. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — La déformation  »

Alors seulement commença pour le latin cet état de fixité qui dura jusqu’à sa mort définitive, après la longue traversée du moyen âge : il y a beaucoup moins loin de Prudence à Adam de Saint-Victor que de Plaute à Prudence. […] Ces mots ne sont pas de formation populaire originale ; ils ont seulement été remaniés par le peuple à mesure qu’ils arrivaient à sa portée. […] Il est vrai qu’il y a dindon, mais seulement dans les basses-cours. […] Vaugelas disait, à propos de certains pléonasmes d’usage, que « la parole n’est pas seulement une image de la pensée, mais la chose même », laquelle se représente d’autant plus nettement que la phrase est plus descriptive de l’acte. […] J’ai seulement voulu montrer que la déformation n’est pas du tout cahotique  ; que le mauvais français du peuple est toujours du français et parfois du meilleur français que celui des grammairiens.

672. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Appendices de, la deuxième édition »

Le premier s’attachait seulement à établir la parfaite cohérence mathématique de la théorie, mais il conservait alors le paradoxe de Temps multiples et réels, — comme si l’on eût dit que Paul, revenu auprès de Pierre, se trouvait transformé en nain. […] Il importe de remarquer que M₂, ayant quitté en A le système uniforme S pour y revenir en B (ou seulement pour y passer en B), a nécessairement subi une accélération entre les événements A et B. […] Il est clair que le physicien réel se donne alors un troisième système S″ où il se suppose lui-même installé et qui est, par là même, immobilisé : c’est seulement par rapport à ce système que S et S′ peuvent se mouvoir. […] C’est d’ailleurs le parti que nous aurions pu prendre tout de suite, sans passer par un si long détour, en suivant à la lettre le texte cité et en considérant seulement le cas particulier où le système S, qu’on nous dit en translation uniforme, est animé d’une vitesse constante égale à zéro. […] Il peut fort bien y demeurer en fait : seulement il s’est transporté hors de ce système par la pensée, et il en a adopté un autre comme système de référence, dès qu’il a interprété a gravitation en termes de mouvement.

673. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger, 1833. Chansons nouvelles et dernières »

Dans notre France surtout, de ce côté-ci de la Loire, au sein des provinces centrales et passablement prosaïques de Picardie, Berry et Champagne, il n’y eut guère, à aucune époque, de poésie populaire proprement dite, de poésie vivante et chantée ; seulement la malice des fabliaux circula ; la moquerie, la jovialité de certains mystères, répondirent au bon sens railleur et matois des populations. […] Il était seulement à craindre qu’un progrès si tardif, qui transportait et concentrait sur des sujets vastes, presque désintéressés, et dans une atmosphère plus calme, les facultés du poëte, n’allât pas assez loin en richesse abondante et en fertilité majestueuse. […] Les Contrebandiers ne sont pas seulement, comme les Bohémiens, un délirant caprice de vie aventurière, de liberté sans frein et de migration sans but ; les Contrebandiers ne sont pas les enfants perdus et incorrigibles des races dispersées ; ce sont, comme Béranger le conçoit, les sentinelles avancées, les éclaireurs hasardeux d’une civilisation qui s’approche : Nos gouvernants, pris de vertige, Des biens du ciel triplant le taux, Font mourir le fruit sur sa tige, Du travail brisent les marteaux, Pour qu’au loin il abreuve Le sol et l’habitant, Le bon Dieu crée un fleuve ; Ils en font un étang.

674. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Appendice sur La Fontaine »

Personnne parmi les doctes ne songeait à eux ; il arriva seulement que leurs successeurs profitèrent, depuis lors, du bénéfice général, et participèrent aux honneurs de l’impression. […] Ce fut seulement au xviiie  siècle que les fabliaux et les romans-manuscrits devinrent l’objet d’investigations et d’études sérieuses. […] Ce n’est pas seulement à la physionomie de son style qu’on s’en aperçoit : le choix peu scrupuleux de ses sujets, et, encore plus, le déréglement absolu de sa vie, se ressentaient des habitudes de la bonne Régence ; le favori de Fouquet avait longtemps vécu au milieu des scandales de Saint-Mandé ; il les avait célébrés, partagés, et était resté fidèle aux mœurs autant qu’à la mémoire d’Oronte.

675. (1874) Premiers lundis. Tome I « Alexandre Duval de l’Académie Française : Charles II, ou le Labyrinthe de Woodstock »

Duval la justice d’avouer que sa polémique ne franchit jamais les bornes d’une contradiction décente ; son ton est empreint de douleur plutôt que de colère ; s’il récuse et condamne les doctrines, il absout les personnes, et l’on voudrait seulement qu’il reconnût un peu plus la force efficace et paisible de la vérité dans une vogue que son indulgence attribue à je ne sais quel prestige du talent13. […] La pleine décadence du Théâtre-Français, le décri absolu où est tombé surtout l’ancien genre tragique, l’ennui profond que causent à la scène, non pas seulement tant de plates amplifications de notre temps, non pas même ces tragédies de Voltaire décorées du nom de chefs-d’œuvre, mais jusqu’aux pièces si belles et si accomplies de Racine, tout cela peut se déplorer avec plus ou moins d’affliction et d’amertume, mais à coup sûr ne saurait plus se nier. […] Mais le public est patient, parce qu’il est jeune ; il semble dire à M. le directeur des beaux-arts : « Monseigneur, j’attendrai. » Seulement l’abbé de Bernis, en attendant, allait, dit-on, au cabaret, et le public du xixe  siècle va au Gymnase.

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