Lassone, premier médecin du roi en survivance, avait à ce titre l’examen des remèdes secrets ; il avait l’administration des eaux minérales et médicinales. […] En publiant en 1776 son Exposé des moyens curatifs et préservatifs à employer dans les épizooties, Vicq d’Azyr avertissait les observateurs dont on sollicitait le zèle, de vouloir bien communiquer leurs travaux à la Société et correspondance royale de médecine, qui venait d’être établie par le roi : « Cette société, était-il dit, présidée par M. de Lassone, s’assemble tous les mardis de chaque semaine, et on lui fait parvenir des mémoires en les adressant à M. […] On nomma des commissaires, on fit des démarches auprès de M. de Lassone, qui éluda poliment leurs demandes, et la Faculté se décida alors, par l’organe de son doyen, à présenter une requête au roi contre l’établissement nouveau, et à former opposition auprès du Parlement à l’enregistrement de toutes lettres patentes tendant à légitimer une institution quelconque de ce genre, avant d’avoir été elle-même entendue. […] Telle était la manière à la fois modérée et victorieuse par laquelle Vicq d’Azyr répondait aux requêtes et représentations de la faculté de Paris, qui demandait purement et simplement au roi le monopole absolu de l’enseignement et de l’examen médical, et qui disait : « Ordonnez qu’il n’y ait plus, comme il n’y a jamais eu, qu’un corps de médecine enseignant dans votre capitale ; et ce corps, jouissant de son institution, redoublera de zèle et méritera de plus en plus la protection et les bontés de son roi. » L’Ancien Régime se réformait de lui-même et se rajeunissait par parties ; bon gré mal gré, de bonne composition ou par la force, l’ère des corporations allait finir. […] Cromwell a voulu éteindre la race de ses rois, tu as voulu détruire la Faculté ; il n’a pris que le titre modeste de Protecteur, tu t’es contenté de celui de secrétaire de la Société, etc., etc. » Mais il ne faudrait pas croire que tout cela ait été dit au sérieux ; la lettre mise sous le nom d’Andry, membre de la Société royale, n’est faite que pour ridiculiser tout le monde et Andry lui-même ; celle lettre est encore de Le Roux des Tillets.
Buffon ne commence à devenir celui que l’on connaît et que nous admirons que du moment qu’il est placé à la direction du Jardin et du Cabinet du roi : jusque-là c’était un génie expectant, et à qui manquait son objet. […] Il ne l’appelait que le grand phrasier, le roi des phrasiers ; il le contrefaisait même dans l’intimité, car D’Alembert excellait aux parodies et caricatures. […] Lorsque Frédéric, le roi de bon sens par excellence, disait de Buffon : « C’est l’homme qui a le mieux mérité la grande célébrité qu’il s’est si justement acquise », Buffon transcrivait l’éloge dans une lettre à Mme Necker ; il l’avait déjà pensé auparavant, et là-dessus il dormait paisible. […] Nommé, à trente-deux ans, intendant du Jardin du roi, physicien et géomètre jusqu’alors, il est mis en demeure de s’improviser naturaliste, ce à quoi il n’avait guère songé auparavant ; il le devient, comme le grand Frédéric, quand il le fallut, devint général, par l’application d’un bon et haut esprit et d’une opiniâtre volonté. […] Voici en entier cette admirable lettre ; tout ce qu’elle a d’impérieux est puisé dans la tendresse même, dans l’amour paternel le mieux entendu, qui n’est pas séparable du sentiment de l’honneur et de la dignité : Au Jardin du roi, le 22 juin 1787.
« Cette terre, dit l’acte estimatif, est dans la mouvance du roi, à cause de son château et forteresse d’Ainay, sous la dénomination de ville de Blet. » La ville était fortifiée autrefois, et son château fort subsiste encore. […] Édit du roi de 1497 fixant cette charge, pour les habitants de Blet et tous ceux demeurant dans l’étendue de la justice, pour ceux de Charly, Boismarvier, etc., à 5 sous par feu et par an, ce qui fut exécuté. « Ce n’est que depuis peu qu’on en a cessé la perception, quoique, par les reconnaissances modernes, tous les habitants se soient reconnus sujets auxdits guet et garde du château. » 10° Droit de péage pour toutes les marchandises et denrées qui passent par la ville de Blet, sauf les blés, grains, farines et légumes. […] D’après la déclaration du roi de 1686, elle devait être de 300 livres. […] 4° Au roi l’impôt des vingtièmes. […] « Le roi et le duc d’Angoulême m’interrogèrent sur mes différentes campagnes, mais surtout sur mon voyage de circumnavigation à bord de l’Astrolabe.
Page, archer, capitaine, mestre de camp, gouverneur de Sienne, colonel général de l’infanterie, lieutenant du roi en Guyenne, maréchal de France, au bout de près de cinquante ans de guerres, il fallut une terrible arquebusade qui lui enleva la moitié du visage, pour le contraindre au repos. […] Mais pour le reste il s’est peint au naturel : noir, sec, vif, sobre, brave, cela va sans dire, mais d’une ardeur réglée par la finesse et la prudence, connaissant à fond le soldat, et sachant le prendre, très appliqué à son métier, très au courant de toutes les questions techniques, très attentif aux progrès de l’armement, un peu « Gascon » et vantard, frondeur et souple, honnête en somme autant que la guerre d’alors le permettait, dur par nécessité, homme de consigne et de discipline, dont le service du roi fut l’unique loi. […] Il fit la guerre civile comme il avait fait les guerres d’Italie, avec le même dévouement sans réserve et sans scrupules au roi son maître. […] Il servait le roi, voilà tout, et il estimait que dans la guerre civile l’extrême rigueur est commandée. Sur la fin de son commandement, toutefois, après la Saint-Barthélemy, il se décida à révéler au roi Charles IX les conclusions de son expérience : à force de pendre et de tuer, il en était venu à penser que le roi, pour rétablir son autorité et la paix, devait accorder la liberté de leur culte aux protestants, en détacher peu à peu la noblesse ambitieuse en réservant la faveur et les emplois aux catholiques, enfin user la turbulence de ses sujets dans la guerre étrangère : ce n’est pas là le discours d’un fanatique.
— Le Cousin du Roi, avec Philoxène Boyer (1857). — Odes funambulesques, édition revue et augmentée (1859) […] Mais Banville est le roi des rimes, Les rimes sont parfois maussades ; Il les faut alors supplier, Les noyant d’autant de rasades Qu’en eût pu boire un templier ; Elles sont dures à plier À de si savantes escrimes Où Boileau n’est qu’un écolier : Mais Banville est le roi des rimes. […] Mais Banville est le roi des rimes. […] Mais Banville est le roi des rimes.
Les chefs-d’œuvre recommandés par le manuel au baccalauréat, les compliments en vers et en prose, les tragédies plafonnant au-dessus de la tête d’un roi quelconque, l’inspiration en habit de cérémonie, les perruques-soleils faisant loi en poésie, les Arts poétiques qui oublient La Fontaine et pour qui Molière est un peut-être, les Planât châtrant les Corneille, les langues bégueules, la pensée entre quatre murs, bornée par Quintilien, Longin, Boileau et La Harpe ; tout cela, quoique l’enseignement officiel et public en soit saturé et rempli, tout cela est du passé. […] Son apothéose des rois est bonne à faire des régicides. […] Il est curieux de rapprocher de ce mot l’avis donné par Voltaire au duc de Choiseul, conseil au ministre, insinuation au roi : « Laissez les badauds lire nos sornettes. […] Qu’est-ce qu’un grand roi comme le roi de France peut craindre ? […] Voltaire, griffes cachées, faisait le gros dos aux pieds du roi.
Les philosophes voyageaient pour venir l’entendre ; les princes étaient curieux de le voir ; et les oracles, dans les temples, lui rendaient les mêmes hommages qu’aux rois. […] non, le jour où vous avez dit une parole qui doit être la leçon éternelle des rois, ne peut être un jour perdu. […] « Il ne tient qu’à eux, dit-il, de déraciner la haine et d’apprivoiser la fureur. » Dans un autre discours adressé au même prince, après la cinquième année de son règne, on trouve un long morceau sur les finances ; il respire cette philosophie pleine d’humanité, qui devrait être celle de tous les rois. […] « Celui, dit-il à Valens, qui dans la guerre poursuit avec acharnement, et veut détruire, ne se montre que le roi d’une nation ; celui qui, après avoir vaincu, pardonne, se montre le père et le souverain de tous les hommes. Cyrus n’aimait que les Perses, Auguste les Romains, Alexandre les Grecs ; aucun n’aimait les hommes, aucun n’était vraiment roi.
Mais comme la noblesse était devenue un don de la fortune, du milieu des nobles même s’éleva l’ordre des pères qui par leur âge étaient les plus dignes de gouverner ; et entre les pères eux-mêmes, les plus courageux, les plus robustes furent pris pour rois, afin de conduire les autres, et d’assurer leur résistance contre leurs clients mutinés119. […] C’est en cela que le peuple romain surpassa tous les autres, c’est par là qu’il mérita d’être le peuple roi. […] Dion Cassius assimile la loi à un tyran, la coutume à un roi. […] Ces rois des aristocraties ne doivent pas être confondus avec les monarques.
En laissant Berlin, M. de Ségur traversa la Pologne, qui du moins alors, toute démembrée qu’elle était, avait encore un roi de sa nation sinon de son choix, roi gracieux mais faible, tel qu’est d’ordinaire le dernier roi d’un empire.
« Toutefois, il avait soixante-trois manières d’en trouver tousjours à son besoin, dont la plus honorable et la plus commune étoit par façon de larrecin furtivement faict ; malfaisant, pipeur, buveur, batteur de pavez, ribleur s’il en étoit à Paris ; au demeurant le meilleur fils du monde et toujours machinoit quelque chose contre les sergeants et contre le guet. » Et après ce portrait sommaire, viennent à la débandade, les mille aventures drolatiques où ce véritable héros de Rabelais se dessine à gros traits, menant à Paris le train bouffon de l’écolier de l’époque, puis partant pour les pays de la fable contre le roi des Dipsodes, puis s’embarrassant dans cette épineuse question du mariage, et parcourant pour s’amuser dans son dessein tout l’archipel d’îles peuplées à souhait des innombrables êtres allégoriques dont Rabelais tenait à rire ; en somme la plus durable et la plus humaine des caricatures énormes qui s’étalent dans le bréviaire des « beuveurs très illustres et et vérolez très prétieux ». […] Sous François Ier, il parodie la royauté, fait d’Arnache roi des Dipsodes pris à la guerre, « gentil crieur de saulce verte » et l’expérience réussit »à souhait : « et fut aussi gentil crieur, qui fût oncques vu en Utopie ; mais l’on m’a dit depuis que sa femme, le bat comme plâtre, et le pauvre sot ne s’ose défendre, tant il est niais. » Ni l’Église, ni les gens de loi, les papimanes, les papegauts, les evegauts, les saintes décrétales, les chats fourrez et chicanous, ne lui inspirent plus de retenue. […] Ni l’exaltation à propos de questions métaphysiques, ni le respect de la force ou du droit, n’ont dominé en France au point de garantir la religion, les rois et les juges.