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563. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome IXe. » pp. 138-158

Après les justes merveilles de l’installation du Consulat, le gigantesque apparaît et sort presque aussitôt ; on le retrouve dans cette expédition d’Angleterre, qui avait tant de chances aussi d’être une aventure ; car il se pouvait certes que, réussissant à débarquer, sa flotte fût détruite peu après par Nelson, et qu’il eût son Trafalgar le lendemain de la descente, comme il avait eu son Aboukir le lendemain de l’arrivée en Égypte. […] Mais, même dans le civil, le gigantesque se retrouve bientôt à la fondation de l’Empire ; je le vois surgir dans cet échafaudage improvisé d’un trône à la Charlemagne, dans cette machine exagérée et ruineuse d’un Empire de toutes parts flanqué de royautés de famille. […] Thiers, n’avait ressemblé à ce siège, et il fallait, dans l’Antiquité, remonter à deux ou trois exemples comme Numance, Sagonte ou Jérusalem, pour retrouver des scènes pareilles.

564. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de La Tour-Franqueville et Jean-Jacques Rousseau. » pp. 63-84

Mais c’est là aussi, c’est dans cet entourage où tout se reflète et s’exagère, qu’il est parfois commode et piquant de connaître un auteur et de le retrouver. […] J’en suis charmé pour votre sexe, et même pour le mien ; car, quoiqu’en dise votre amie, sitôt qu’il y aura des Julie et des Claire, les Saint-Preux ne manqueront pas ; avertissez-la de cela, je vous supplie, afin qu’elle se tienne sur ses gardes… Puis tout à coup il s’enflamme à l’idée de retrouver quelque part une image des deux amies inséparables qu’il a rêvées ; l’apostrophe, cette figure favorite qui est son tic littéraire, lui échappe : « Charmantes amies ! […] On la retrouve, après la mort de Rousseau, essayant encore de défendre sa mémoire, et brisant pour lui des lances dans les journaux du temps.

565. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur Bazin. » pp. 464-485

Il se retrouve homme de lettres sur ce point : entre deux ridicules, selon lui, et deux inconvénients, il choisit le moindre, et, pour le coup, il dirait volontiers comme cet autre de ma connaissance : « J’ai, pour un homme de lettres, le malheur d’appartenir à une nation qui n’est jamais plus fière que quand elle a un pompon sur la tête, et qu’elle obéit au mot d’ordre d’un caporal. » Son bourgeois de Paris nous est présenté par lui comme ayant éprouvé aux affaires du mois de juin (1832) un double accident : « il a gagné une extinction de voix et la croix d’honneur, deux malheurs dans la vie d’un homme raisonnable, qui craint également la médecine et le ridicule ». […] Son esprit qui, dans l’appréciation des faits eux-mêmes, se retrouvait positif et excellent, rectifia ses propres impressions anticipées, ou du moins les astreignit aux règles du bon sens et de la justice. […] « Peu de temps après ce rapprochement, dit l’historien sans avoir l’air d’y toucher, la princesse fut reconnue enceinte, et avant sept mois elle accoucha d’un enfant qui ne vécut pas. » Cela veut dire en bon gaulois que la princesse passait pour être déjà enceinte, quand elle jugea nécessaire de venir retrouver son mari.

566. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Notice historique sur M. Raynouard, par M. Walckenaer. » pp. 1-22

La première empreinte locale se retrouve en lui jusque dans ses travaux d’érudit et de publiciste. […] Dans les années qui suivirent, Raynouard essaya de pousser sa veine tragique en s’attachant à des sujets historiques nationaux : il donna Les États de Blois (1810)4, qu’il publia ensuite avec toute sorte d’accompagnements et de pièces justificatives ; mais il ne retrouva plus la même chance. […] Raynouard ; mais, tout en suivant et caressant cet enfant gâté, l’érudit laborieux et sagace déchiffrait des manuscrits, recueillait d’anciens textes, retrouvait des poésies charmantes ; il trouvait même, sans trop le dire, ou du moins en ne le disant qu’incidemment, des grammaires en vieux langage où étaient indiquées avec précision les règles de l’ancienne langue des troubadours : il s’en prévalait adroitement pour dénoncer ces règles, pour les découvrir, pour remettre l’ordre et la régularité là où, au premier coup d’œil, on aurait été tenté de ne voir que hasard et confusionb.

567. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — I. » pp. 224-245

On le retrouve mieux dans son caractère et dans le ton qui lui est facile, lorsqu’il écrit la lettre suivante à un de ses grands vicaires, qui s’était un peu trop émancipé auprès de lui : (1610.) […] Elles sont pourtant la seule moralité supérieure qui serve de garantie dans les personnes publiques, qui les sauve du pur machiavélisme ; et on aime à retrouver le signe de cet esprit religieux sous une forme ou sous une autre, ce sentiment sacré d’une divinité singulière invoquée et reconnue de tous les grands chefs et fondateurs d’États et des conducteurs de peuples. […] Avenel fait remarquer en même temps ce terme bref de huit jours : quelque chose du caractère impérieux du cardinal se retrouve, même quand il s’agenouille et s’humilie : il semble prescrire un terme à Dieu même32.

568. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — I. » pp. 287-307

Sur ces entrefaites, Mme d’Épinay eut une affaire de famille désagréable : sa probité fut mise hautement en doute par ses proches ; la pauvre femme, qui avait été chargée par une belle-sœur mourante de détruire des lettres compromettantes, était accusée d’avoir brûlé un papier d’affaires important ; ce papier se retrouva depuis. […] Tel se retrouvait Rousseau dans sa liaison avec Mme d’Épinay, dont il paraît bien (quoiqu’il s’en défende) qu’il était plus ou moins amoureux par accès, lorsqu’il ne l’était pas de sa belle-sœur, Mme d’Houdetot. […] Les mois qu’il avait passés à Genève auprès de la malade, et dans une intimité de chaque jour, lui semblèrent un dernier bonheur, et qui ne devait jamais se retrouver à ce degré.

569. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre quatrième. L’expression de la vie individuelle et sociale dans l’art. »

Les personnages créés par Shakespeare sont symboliques en même temps que réels ; plus d’un même, comme Hamlet, est surtout symbolique, et Hamlet renferme pourtant encore assez de réalité humaine pour que chacun de nous puisse y retrouver quelque chose de soi. […] Ajoutons que le signe d’un sentiment spontané et intense, c’est un langage simple ; l’émotion la plus vive est celle qui se traduit par le geste le plus voisin du réflexe et par le mot le plus voisin du cri, celui qu’on retrouve à peu près dans toutes les langues humaines. […] Recommencer toujours à vivre, tel serait l’idéal de l’artiste : il s’agit de retrouver, par la force de la pensée réfléchie, l’inconsciente naïveté de l’enfant.

570. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre II : Rapports de l’histoire de la philosophie avec la philosophie même »

Elle établit une tradition en philosophie : à travers tant de systèmes changeants, elle retrouve et essaye de dégager ce que Leibniz appelait la philosophie perpétuelle, perennis philosophia. […] Au reste, ce travail de restauration, qui consiste à retrouver et à préserver la tradition philosophique, à sauver cet héritage successivement accru par les âges, mais trop souvent renversé et détruit par les révolutions et les réactions, les révoltes et les coups d’État, les anarchies et les dictatures (car les écoles passent par les mêmes crises que les États), ce travail conservateur et réparateur ne doit pas être confondu avec ce que l’on a de nos jours appelé l’éclectisme. […] L’histoire de la philosophie les retrouve et les transmet à la philosophie elle-même, qui les classe et les emploie.

571. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Appendice sur La Fontaine »

L’école de Malherbe, par son dédain absolu pour le passé, n’était guère propre à réveiller le goût des curiosités gauloises, et on ne le retrouve un peu vif que chez Guillaume Colletet, Ménage, du Cange, Chapelain, La Monnoye, tous doctes de profession. […] Il y a dans un recueil manuscrit du xvie  siècle une fable du Renard et du Corbeau, et dans cette fable on lit ce vers : Tenait en son bec un fourmage, qui se retrouve tout entier chez La Fontaine.

572. (1875) Premiers lundis. Tome III « Nicolas Gogol : Nouvelles russes, traduites par M. Louis Viardot. »

La trace de Boulba se retrouve bientôt en effet : il est retourné parmi les siens ; il les a soulevés sans peine au récit de ses douleurs, et cent mille Cosaques reparaissent en armes sur les frontières de l’Ukraine. […] La petite histoire intitulée un Ménage d’autrefois, et qui peint la vie monotone et heureuse de deux époux dans la Petite-Russie, est pourtant d’un contraste heureux avec les scènes dures et sauvages de Boulba : rien de plus calme, de plus reposé, de plus uni ; on ne se figure pas d’ordinaire que la Russie renferme de telles idylles à la Philémon et Baucis, de ces existences qui semblent réaliser l’idéal du home anglais et où le feeling respire dans toute sa douceur continue : Charles Lamb aurait pu écrire ce charmant et minutieux récit ; mais vers la fin, lorsque le vieillard a perdu son inséparable compagne, lorsque le voyageur, qui l’a quitté cinq années auparavant, le revoit veuf, infirme, paralytique et presque tombé en enfance, lorsqu’à un certain moment du repas un mets favori de friandise rappelle au pauvre homme la défunte et le fait éclater en sanglots, l’auteur retrouve cette profondeur d’accent dont il a déjà fait preuve dans Boulba, et il y a là des pages que j’aimerais à citer encore, s’il ne fallait se borner dans une analyse, et laisser au lecteur quelque chose à désirer. — En homme, le nom de M. 

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