/ 2008
297. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre V. Suite des précédents. — Héloïse et Abeilard. »

Qui ne sent combien elle est belle et dramatique, cette opposition que Pope a voulu faire entre les chagrins et l’amour d’Héloïse, et le calme et la chasteté de la vie religieuse ? […] Revenons aux idées religieuses, si nous attachons quelque prix aux œuvres du génie : la religion est la vraie philosophie des beaux-arts, parce qu’elle ne sépare point, comme la sagesse humaine, la poésie de la morale, et la tendresse de la vertu.

298. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Méry »

Mais ce que nous avons vu avec bonheur, et ce que la Critique marquera comme un affermissement de l’intelligence de Méry dans une voie où cette intelligence devait s’avancer hardiment en raison même de l’élévation de sa nature, c’est la mâle et saine manière de penser sur les choses religieuses qui sont le fond de cette grande histoire, que Gibbon, malgré un talent qui approchait du génie, n’a pas su juger parce qu’il n’était pas chrétien. […] Il n’y avait, en effet, que le catholicisme, cette religion de Palestrina, de Raphaël et du Tasse, qui pût étancher la soif d’adoration extérieure et de beauté plastique dont est naturellement dévoré ce poète méridional, à moitié italien et à moitié grec, ce Virgilien, cet Homéride, imagination profondément religieuse comme toutes les grandes imaginations !

299. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Discours sur le système et la vie de Vico » pp. -

— sous le rapport religieux : ne fallait-il pas que l’homme passât par cette religion des sens, pour arriver à celle de la raison, et de celle-ci à la religion de la foi ? […] La jurisprudence, la science de ce droit divin, ne pouvait être que la connaissance des rites religieux ; la justice était tout entière dans l’observation de certaines pratiques, de certaines cérémonies. […] Aux actes religieux qui composaient seuls toute la justice de l’âge divin, et qu’on pourrait appeler formules d’actions, succédèrent des formules parlées. […] On vit les rois catholiques revêtir les habits de diacre, mettre la croix sur leurs armes, sur leurs couronnes, et fonder des ordres religieux et militaires pour combattre les infidèles. […] Le caractère religieux de la Science nouvelle a disparu.

300. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Jouffroy »

Cette génération dont l’âge actuel est environ quarante ans, et dont la presque totalité lutta, sous la Restauration, contre l’ancien régime politique et religieux, occupe aujourd’hui les affaires, les Chambres, les Académies, les sommités du pouvoir ou de la science. […] Jouffroy envisageait le dogme religieux, ce semble, encore plus que le dogme politique ; il annonçait en termes expressifs la religion philosophique prochaine, et avec une ferveur d’accent qui ne s’est plus retrouvée que dans la tentative néo-chrétienne du saint-simonisme. […] Un tel morceau, puissant de chaleur et minutieux de souvenirs, où revivent à côté des circonstances individuelles les émotions religieuses et politiques d’alors, serait la révélation biographique la plus directe, tant sur les deux amis que sur toute la génération d’élite à laquelle ils appartiennent. […] Jouffroy initiait philosophiquement son ami qui n’avait pas, jusque-là, secoué tout à fait l’autorité en matière religieuse ; M.  […] Il cherchait à tirer des antécédents historiques, des conditions géographiques et de l’esprit religieux des peuples, la loi de leur mouvement et de leur destinée.

301. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, Les Feuilles d'automne, (1831) »

Toutefois, pour être juste, il reste encore à la critique, après le triomphe incontesté, universel, du génie auquel elle s’est vouée de bonne heure, et dont elle voit s’échapper de ses mains le glorieux monopole, il lui reste une tâche estimable, un souci attentif et religieux : c’est d’embrasser toutes les parties de ce poétique développement, d’en marquer la liaison avec les phases qui précèdent, de remettre dans un vrai jour l’ensemble de l’œuvre progressive, dont les admirateurs plus récents voient trop en saillie les derniers jets. […] Il y a donc, en ce livre de notre grand poëte, progrès d’art, progrès de génie lyrique, progrès d’émotions approfondies, amoncelées et remuantes ; mais de progrès en croyance religieuse, en certitude philosophique, en résultats moraux, le dirai-je ? […] Or le poëte, qui possède cependant une vertu de volonté si efficace et qui en donne chaque jour des preuves assez manifestes dans le cours de son infatigable carrière, semble en être venu, soit indifférence pratique, soit conscience de l’infirmité humaine en ces matières, à ne plus appliquer cette volonté à la recherche ou à la défense de certaines solutions religieuses, à ne plus faire assaut avec ce rocher toujours instable et retombant.

302. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Ernest Renan, le Prêtre de Némi. »

Renan, développer une pensée analogue à celle du messianisme hébreu, c’est-à-dire la foi au triomphe définitif du progrès religieux et moral, nonobstant les victoires répétées de la sottise et du mal. » Voyons donc sous quel aspect se présente l’acte de foi de M.  […] Questions sociales, religieuses, sont autant de saignées faites à la force vive de la patrie  Titius : Oui, on meurt par le fait de trop vivre, comme par le fait de ne pas vivre assez  Voltinius : Albe, je crois, mourra par le gâchis  Titius : On va bien loin avec cette maladie. » Nous sommes maintenant dans le vestibule du temple de Diane. […] Point : c’est l’ancien clerc de Saint-Sulpice qui a conservé l’imagination catholique  S’il témoigne de son respect et de sa sympathie pour les choses religieuses, pour les mensonges sacrés qui aident les hommes à vivre, qui leur présentent un idéal accommodé à la faiblesse de leur esprit, nous y voulons voir une raillerie secrète.

303. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXIII » pp. 378-393

Elle écrit à sa fille, le 29 avril 1676 : « La reine a été deux fois aux Carmélites avec Quanto (madame de Montespan).Cette dernière se mit à la tête de faire une loterie ; elle se fit apporter tout ce qui peut convenir à des religieuses ; cela fit un grand jeu dans la communauté. […] J’ai eu mille fois envie d’être religieuse. […] Je me suis mal expliquée si vous avez compris que je songeais à être religieuse.

304. (1818) Essai sur les institutions sociales « Addition au chapitre X de l’Essai sur les Institutions sociales » pp. 364-381

Les lois, qui furent traditionnelles avant d’être écrites ; les préceptes religieux ou moraux, les connaissances primitives, sources des traditions ; les formes de l’intelligence humaine, l’intuition des vérités nécessaires, la faculté de pénétrer l’essence des êtres et des choses, pour imposer les noms, l’insufflation divine pour imprimer mouvement à la sensation et à la pensée : c’est dans tout cela que j’avais cherché les éléments de la parole ; c’est cet ensemble que j’avais signalé comme étant la révélation du langage. […] Il est un autre reproche sur lequel j’ai besoin de m’expliquer ; c’est celui de n’avoir pas osé m’élever dans la sphère vaste et religieuse par excellence de l’infini, au lieu de rester fixé dans la sphère étroite et funeste du fini. […] L’accusation portait donc à faux : je ne m’étais point perdu dans le fini ; s’il est une préoccupation qui m’ait dominé, c’est bien plutôt la préoccupation religieuse.

305. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Montmorency » pp. 199-214

Sa Madame de Montmorency 20, dont il s’occupait avec un soin presque religieux, cette histoire qui commence par la Cour, l’éclat et le monde, et qui finit par l’affliction et une cellule, sa Madame de Montmorency a été pour lui pendant longtemps comme une espèce d’oratoire littéraire dans lequel il revenait à la dévotion de toute sa vie : l’amour des choses de l’esprit et des recherches de l’histoire. […] Assurément, depuis Denise de Montmorency, qui sous Charles VI défendit si vaillamment le château de son mari contre les Anglais, jusqu’à cette vieille abbesse de Montmorency, qui mourut sur l’échafaud en 1794, après avoir béni, comme si elle avait été dans sa stalle de chœur et la crosse à la main, la religieuse qui portait sa croix et qui mourut après elle, on peut ranger bien des Montmorency, de nom ou d’alliance, qui eurent aussi, comme celle d’Amédée Renée, l’éclat dans la vie, la force de l’âme, le malheur, et le cloître pour dôme à tout cela, — le seul dôme qui aille bien à toutes nos poussières. […] Elle devint religieuse.

306. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Dargaud »

En effet, depuis que le symbole de nos pères a cessé d’être pour la majorité d’entre nous le vrai et l’unique symbole, et que la Foi, comme un flambeau renversé, s’est éteinte dans la poussière des traditions abandonnées, il s’est élevé une nombreuse race d’hommes qui se disent religieux pourtant, et qui ont remplacé les formes nettes et les dogmes arrêtés du catholicisme par les aspirations maladives d’une vague religiosité. Esprits sans hardiesse, moitiés d’athées qui s’arrêtent, d’horreur ou de lâcheté, dans le déisme, comme déjà Bossuet le leur reprochait dans son temps, ils s’imaginent que la lettre d’une loi religieuse, cette lettre qui prescrit et qui fonde, est un voile destiné à tomber devant l’esprit, et pour cette raison ils la rejettent. […] Lorsque les bêtises de la Révolution allèrent rejoindre ses horreurs dans le même océan de mépris, ils soutinrent, avec Benjamin Constant, en un livre maintenant oublié, mais alors fameux, la thèse invariable et qui leur est si chère du sentiment religieux contre toutes les religions positives.

/ 2008