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1131. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre IV. Conclusion. — D’une république éternelle fondée dans la nature par la providence divine, et qui est la meilleure possible dans chacune de ses formes diverses » pp. 376-387

Au défaut des sentiments religieux qui faisaient pratiquer la vertu aux hommes, les réflexions de la philosophie leur apprirent à considérer la vertu en elle-même, de sorte que, s’ils n’étaient pas vertueux, ils surent du moins rougir du vice.À la suite de la philosophie naquit l’éloquence, mais telle qu’il convient dans des états où se font des lois généralement bonnes, une éloquence passionnée pour la justice, et capable d’enflammer le peuple par des idées de vertu qui le portent à faire de telles lois.

1132. (1888) Impressions de théâtre. Première série

Puis, ce public de croyants éprouvait un malaise à voir porter sur la scène un drame essentiellement religieux. […] Nous affectons d’aborder les religions antiques avec un sentiment religieux et un sérieux de tous les diables. […] un sentiment moral et religieux. — Le sillon, qui ne donne rien qu’au prix d’un labeur patient, n’enseigne-t-il pas la justice ? […] Il faut, à ces âmes incurablement chrétiennes, ce galimatias religieux pour se consoler de leur chute. […] L’Hippolyte d’Euripide, ce pur représentant de l’orphisme, a la pudeur et la gravité d’un jeune religieux.

1133. (1910) Propos littéraires. Cinquième série

sur l’éloquence de la chaire, qui est aussi peu religieuse que possible, sans que je veuille dire qu’elle soit immorale. […] La vôtre, aujourd’hui, ne m’a pas fait trop de mal ; vous paraissez moins abattu que de coutume, et ce mot : “Je suis quelquefois religieux par raison” m’a fait plaisir. […] Je sais bien ; mais M. de Gourmont a le diagnostic aigu et il sait très bien que la plupart des idées modernes ne sont que des résidus religieux, que des croyances religieuses transformées, peu transformées, et déguisées plutôt et travesties. Il sait bien, ou croit savoir, que la Révolution française est une crise religieuse ; plus précisément, est une crise du christianisme ; que liberté veut dire liberté chrétienne (?)  […] Il fut homme de famille et homme de cour ; il s’occupa un peu d’histoire ; il se refit une âme religieuse, de quoi il était un peu besoin.

1134. (1914) L’évolution des genres dans l’histoire de la littérature. Leçons professées à l’École normale supérieure

Si les circonstances l’eussent voulu, la Peinture de genre aurait-elle pu précéder la Peinture religieuse ; ou, pareillement, dans l’autre cas, le Roman de mœurs aurait-il pu précéder L’Épopée ? […] La Peinture religieuse, pour avoir paru la première, est-elle de soi nécessairement supérieure à la Peinture de paysage, par exemple ? […] En observant les différences caractéristiques qui se trouvent entre les écrits des Italiens, des Anglais, des Allemands et des Français, j’ai cru pouvoir démontrer que les institutions politiques et religieuses avaient la plus grande part à ces diversités constantes. […] Encore la querelle des anciens et des modernes, purement littéraire avec Perrault jadis ; déjà philosophique, nous l’avons vu tout à l’heure, avec Mme de Staël ; religieuse maintenant avec Chateaubriand ! […] et puisque cette société travaille à changer de structure et de forme, quoi de plus naturel que de retrouver dans l’histoire de sa littérature l’image de ses idées religieuses, politiques, sociales ?

1135. (1904) En lisant Nietzsche pp. 1-362

De là les guerres religieuses, aussi atroces que les querelles que l’amour a suscitées et suscite parmi les hommes. […] Les juifs, dont, au point de vue religieux, nous avons hérité tant de choses, sont le plus remarquable exemple de cette jalousie religieuse et de cet amour de Dieu, forme aiguë de l’accaparement. […] Comparés à ce que les hommes religieux proclament au sujet de leur savoir, de leur esprit sacré, tous les hommes probes de la science ne sont-ils pas pauvres d’esprit ? […] C’est comme si l’on disait que, tous les hommes étant religieux, il n’y a qu’une religion dans le monde. […] De là ce caractère religieux de la morale, qui fait que la morale, si elle survit à la religion, devient une religion elle-même, inspire à ceux qui l’aiment de véritables passions religieuses.

1136. (1895) Le mal d’écrire et le roman contemporain

Au fond c’est la même œuvre, car Chateaubriand dans ses Martyrs fut bien plus artiste que théoricien religieux. […] On constate de toutes parts des tendances mystiques et une sorte de réaction religieuse. […] La foi religieuse nous emporte dans des régions qui dépassent la terre. […] Amélie lui parlait « des douceurs de la vie religieuse et lui disait qu’elle n’avait que lui qui la rattachât au monde ». […] Elle vécut libre, et malgré ses velléités de vocation religieuse, ce n’est que longtemps après qu’elle songea à se retirer dans un couvent.

1137. (1903) Légendes du Moyen Âge pp. -291

L’article sur le Juif Errant a paru en 1880, au tome VII de l’Encyclopédie des sciences religieuses que dirigeait M.  […] Le Venusberg et le Tannhäuser écartés, reste la légende religieuse. […] Je crois donc, pour ma part, que la légende, dans sa forme religieuse, s’est constituée en Italie et a de là passé en Allemagne. […] C’est un homme religieux, de vie sainte ; ses paroles sont rares et circonspectes ; il ne parle que quand des évêques et des personnes religieuses le lui demandent. […] Paul d’Eitzen, qui doit à cette lettre une célébrité que ne lui aurait pas assurée la part qu’il prit aux luttes religieuses de son temps, était un fervent disciple de la Réforme.

1138. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

… Il parlait d’une voix basse, concentrée, religieuse, une voix de temple ou d’église. […] — Sans doute, continua l’abbé, de cette voix blanche qui démonétise les mots, les émousse, les annule presque, c’est un jeune homme sans principes religieux, que la pensée de l’adultère (il pesa avec intention sur ce mot) ne ferait pas hésiter ? […] que les Égyptiens, faute de ressort, sont nécessairement soumis à des étrangers, la Turquie est la seule puissance musulmane qui soit, malgré sa faiblesse, en mesure de profiter des circonstances ; les relations religieuses seront alors d’un grand poids. […] Partout ils avaient ouvert des écoles primaires, des écoles secondaires pour répandre leur langue au détriment de la nôtre, établi des communautés religieuses qui exerçaient une incontestable influence sur l’opinion de là bourgeoisie et de l’aristocratie bureaucratique des villes. […] De nos jours, l’action des métaphysiques remplace l’action religieuse.

1139. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome III pp. 5-336

Étudions donc les nobles auteurs qui ont consumé leur existence à éterniser par leurs talents les mémorables exemples religieux, politiques, et militaires. […] Les factions politiques n’ont pas de haines plus acharnées que les sectes religieuses : jamais la rage qui anime dans les états les oppresseurs et les opprimés alla-t-elle plus loin que celle des catholiques et des protestants ? […] Concluons de ces exemples que les faits sacrés ou profanes conviennent à l’épopée sérieuse, lorsqu’ils tiennent à de grandes époques, et aux principales révolutions politiques, militaires et religieuses. […] L’illusion que produit la vraisemblance du merveilleux s’accroît de la confiance que nos opinions nous donnent en ses ressorts : elle est conséquemment plus forte quand il s’accorde avec les idées religieuses du lecteur. […] Nous avons remarqué l’infériorité des machines allégoriques à côté de ces machines célestes dont les ressorts agissent d’une manière inexplicable, parce qu’ils tiennent aux systèmes religieux.

1140. (1905) Pour qu’on lise Platon pp. 1-398

La plèbe athénienne était très religieuse, sinon « foncièrement croyante », comme le dit M.  […] Il a détesté les prêtres et les dieux ; et, non seulement c’est un esprit religieux et un esprit mystique ; mais c’est un prêtre et c’est un mythologue et un mythopoète et comme un démiurge de mythes. […] Il faut donc sauver l’esprit religieux si l’on veut que la morale ne soit pas perdue. […] Il domine selon les dieux ; il domine selon la loi religieuse, il domine selon la loi sociale ; il n’a pas l’air de dominer selon lui-même. […] Ou elle a une essence mystique et une origine religieuse, ce qui serait difficile peut-être à prouver, ou elle n’est pas autre chose que ce que nous venons de dire.

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