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463. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIe entretien. Le Lépreux de la cité d’Aoste, par M. Xavier de Maistre » pp. 5-79

Ses maîtres s’en défiaient ; ils le regardaient comme un redoutable génie qui tournerait en bien ou en mal suivant la passion qui le saisirait au passage. […] Au bruit que fit l’officier en entrant, le solitaire, sans se retourner et sans regarder, s’écria d’une voix triste : Qui est là, et que me veut-on ? […] Soyez le bienvenu, dit alors le lépreux en se retournant tout à coup, et restez, si vous l’osez, après m’avoir regardé. […] Lorsqu’il fut à la porte du jardin, je ne pus m’empêcher de le regarder encore une fois : je le vis tourner ses yeux vers moi pour me demander un secours que je ne pouvais lui donner. […] Aussi je n’aime pas les écrivains de métier ; je les regarde comme des comédiens qui jouent un rôle.

464. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIe entretien. Molière et Shakespeare »

Il garde et promène les chevaux des spectateurs pendant que ceux-ci regardent la pièce. […] aspireras-tu à ce que tu regardes comme l’ornement de la vie pour vivre en lâche à tes propres yeux, laissant, comme le pauvre chat du proverbe, le je n’ose pas se placer sans cesse auprès du je voudrais bien ! […] Le regarder de nouveau ! […] Tout est fini, et vous êtes là à regarder une chaise ! […] Je te prie, regarde de ce côté ; vois là, vois.

465. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Les Chants modernes, par M. Maxime du Camp. Paris, Michel Lévy, in-8°, avec cette épigraphe. « Ni regret du passé, ni peur de l’avenir. » » pp. 3-19

Cet esprit, le plus contraire à celui de la grande et intelligente poésie, produit des jugements systématiques, engouement et anathème, mais le tout se passant le plus souvent entre soi, entre artistes et gens du métier : le public même celui qui s’occupe volontiers des lettres sérieuses, reste indifférent et regarde ailleurs. […] , de veiller à la liberté du théâtre (mais cela regarde l’administration publique et non l’Académie !) […] À la fin d’une tournée en Écosse, et après en avoir noté en vers les principales circonstances pittoresques, le poète des lacs, revenant au monde du dedans et maintenant à l’esprit sa prédominance vivifiante, disait pour conclusion : Il n’y a rien de doux comme, avec les yeux à demi baissés, de marcher à travers le pays, qu’il y ait un sentier tracé ou non, tandis qu’une belle contrée s’étend autour du voyageur sans qu’il s’inquiète de la regarder de nouveau, ravi qu’il est plutôt de quelque douce scène idéale, œuvre de la fantaisie, ou de quelque heureux motif de méditation qui vient se glisser entre les belles choses qu’il a vues et celles qu’il verra.

466. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires de madame de Staal-Delaunay publiés par M. Barrière »

Je suis étonnée qu’une personne si vénérable ne regarde pas les passions comme des égarements d’esprit, qui ne sont point susceptibles de l’ordre qu’on y veut admettre. […] Qu’aurait-on dorénavant à dire au monde, là où l’on en est à se dire à soi-même : « De quoi peut-on véritablement se soucier quand on y regarde de près ? […] On n’y regardait pas de si près en ce temps-là, quand il s’agissait de s’assurer les plaisirs de l’esprit.

467. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre IV. De l’amour. »

Des têtes fortes regardent les travaux de la pensée, les services rendus au genre humain, comme seuls dignes de l’estime des hommes. […] Ce funeste trait de lumière frappe la raison avant d’avoir détaché le cœur ; poursuivi par l’ancienne opinion à laquelle il faut renoncer, on aime encore en mésestimant ; on se conduit comme si l’on espérait, en souffrant, comme s’il n’existait plus d’espérances ; on s’élance vers l’image qu’on s’était créée ; on s’adresse à ces mêmes traits qu’on avait regardés jadis comme l’emblème de la vertu, et l’on est repoussé par ce qui est bien plus cruel que la haine, par le défaut de toutes les émotions sensibles et profondes : on se demande, si l’on est d’une autre nature, si l’on est insensé dans ses mouvements ; on voudrait croire à sa propre folie, pour éviter de juger le cœur de ce qu’on aimait ; le passé même ne reste plus pour faire vivre de souvenirs : l’opinion qu’on est forcé de concevoir, se rejette sur les temps où l’on était déçu ; on se rappelle ce qui devait éclairer, alors le malheur s’étend sur toutes les époques de la vie, les regrets tiennent du remords, et la mélancolie, dernier espoir des malheureux, ne peut plus adoucir ces repentirs, qui vous agitent, qui vous dévorent, et vous font craindre la solitude sans vous rendre capable de distraction. […] Ce que j’ai dit s’applique presque également aux deux sexes ; il me reste à considérer ce qui nous regarde particulièrement.

468. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le cardinal de Retz. (Mémoires, édition Champollion.) » pp. 238-254

Lors des conférences multipliées qu’il eut de nuit au Palais-Royal et ailleurs avec la reine, il est à croire que dans ces oratoires mystérieux, où elle le recevait pour conférer plus librement, il essaya s’il ne pourrait pas intéresser en elle la femme ; qu’il regarda souvent ses belles mains, dont Mme de Motteville nous a parlé ; qu’il eut l’air par instants rêveur et distrait aux questions mêmes de la politique ; mais la coquetterie de la reine ne prit pas à ce manège ; son cœur était fixé. […] On y voit que quelques amis avaient parlé au cardinal de la triste situation de Patru, et celui-ci en a regret ; car il sait « quel fardeau c’est à une âme magnanime que d’être obligée de refuser : Lorsque je devins votre serviteur, ajoute-t-il, je ne regardai point à vos mains. […] Cet homme qui, comme je l’ai dit, n’avait jamais été qu’un demi-séditieux, et non un Catilina, comme l’a nommé Voltaire, et qui, jusque dans ses plus grandes révoltes, avait toujours respecté, en ce qui regardait l’autorité royale, ce qu’il appelait le « titre du sanctuaire », était devenu le plus réconcilié et le plus zélé des cardinaux français pour les intérêts de Louis XIV.

469. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Essai, sur, les études en Russie » pp. 419-428

Cela s’appelle la promotion, à laquelle, comme à tous les actes publics, on donne dans ces écoles un grand air d’importance et de publicité, ce qui est excellent pour entretenir l’émulation et enflammer la jeunesse, qui s’accoutume dès lors à se regarder comme la portion la plus intéressante et la plus précieuse de la nation, puisque c’est sur elle que repose la durée de sa gloire6. […] L’étudiant qui arrive choisit d’abord une des trois premières facultés suivant l’état auquel il se destine, mais ses premières études regardent pourtant principalement la philosophie. […] Il est donc bon de les établir dans des villes qui ne soient ni capitales, ni résidences, ni port, parce que la présence du souverain absorbe tout, parce que le trop grand mouvement et le bruit ne causent que des distractions, parce qu’il est bon que l’université soit tout dans les endroits où elle est établie, et que l’habitant regarde l’étudiant avec quelque considération, ce qui arrivera toutes les fois que la ville tirera un profit sensible du séjour de la jeunesse.

470. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIIe entretien. Balzac et ses œuvres (3e partie) » pp. 433-527

Je bénissais mon abandon, et me trouvais heureux de pouvoir rester dans le jardin à jouer avec des cailloux, à observer des insectes, à regarder le bleu du firmament. […] Un soir, tranquillement blotti sous un figuier, je regardais une étoile avec cette passion curieuse qui saisit les enfants, et à laquelle ma précoce mélancolie ajoutait une sorte d’intelligence sentimentale. […] me dit-elle. — Je regardais une étoile. — Vous ne regardiez pas une étoile, dit ma mère qui nous écoutait du haut de son balcon ; connaît-on l’astronomie à votre âge ? […] Mon hôte me regarda. […] Cette crainte avivait la tentation, et j’y succombais, je les regardais !

471. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

Restif ne peut pas être regardé comme un réaliste, mais je considère son étude comme utile aux réalistes ; Restif a vu quelque chose ; il a mal vu, il a surtout mal rendu ce qu’il voyait, mais je crois que Restif nous a donné Balzac ! […] La description la plus importante est celle de l’homme ; tout homme a une physionomie qui est en rapport avec son caractère, ou plutôt qui en est la conséquence ; je regarde donc le portrait comme le complément du caractère. […] » Casimir regardait piteusement les nuages. « Quand tu regarderas le ciel ! […] Les amateurs de poésie tiennent à ce qu’on la vante toujours pour conserver le plaisir innocent de se réjouir de leur facilité à faire ces bouts-rimés, si estimés qu’ils sont regardés comme le suprême effort de l’esprit humain.

472. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

Wolsey lui donne des fêtes251 « de façon si coûteuse et si splendide, que c’est un ciel de les regarder. […] Puis les folles têtes regardent, s’ébahissent, font des grimaces, montent sur les bancs pour voir cette belle cérémonie. […] À force de regarder un objet sous toutes ses faces, de le retourner, d’y pénétrer, on le déforme. […] Avez-vous regardé la chute de la neige Avant que la fange l’ait souillée ?  […] S’il regarde un paysage, au bout d’un instant il le voit tout autre.

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