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27. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — I. » pp. 224-245

Quelques bons juges ne se laissèrent point prendre à de si pauvres raisons, et ils reconnaissaient la main de Richelieu en plus d’un passage ; pourtant la question ne fut tout à fait éclaircie qu’en 1823, lorsque M.  […] Tout s’éclaircit alors : les pensées de Richelieu, dont on n’avait que des lambeaux, se rejoignirent, ses paroles prirent toute leur autorité et leur accent : on reconnut son style, car il en avait un, et un tel homme ne pouvait pas ne pas en avoir. […] Elles sont pourtant la seule moralité supérieure qui serve de garantie dans les personnes publiques, qui les sauve du pur machiavélisme ; et on aime à retrouver le signe de cet esprit religieux sous une forme ou sous une autre, ce sentiment sacré d’une divinité singulière invoquée et reconnue de tous les grands chefs et fondateurs d’États et des conducteurs de peuples. […] Elle choisit pour cette exécution Thémines, dont Henri IV lui avait dit « qu’il était homme à ne reconnaître jamais que le caractère de la royauté », et à n’obéir qu’à elle : qualité qui devenait si rare ! […] Ce procédé vigoureux du roi, et qui « sentait plus sa majesté royale que la conduite passée », n’était pas néanmoins reçu des peuples comme il aurait dû l’être, à cause du maréchal d’Ancre : tout ce qui, sans lui, eût été reconnu avantageux au service du roi et au bien de l’État, était pris en mauvaise part et envenimé par les mécontents ; ce fut là l’écueil et le point ruineux du premier ministère de Richelieu, et lui-même le reconnaît.

28. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre premier. Impossibilité de s’en tenir à l’étude de quelques grandes œuvres » pp. 108-111

Nous avons montré enfin à quels signes on peut reconnaître la supériorité d’un œuvre littéraire. […] Pour répondre à cette question, il faut se rappeler qu’un individu n’a d’action sur la masse d’un peuple que si on lui reconnaît une certaine supériorité. Il faut, par conséquent, se rendre compte des conditions auxquelles un homme est reconnu pour supérieur et comme sacré grand homme de son vivant. […] On connaît ce mot plaisant prêté à je ne sais plus quel chef de bandes indisciplinées : « Il faut bien que je les suive : je suis leur chef. » De même un grand homme n’est aussi reconnu pour tel qu’à condition d’aller dans le sens du courant qui l’entraîne et le porte.

29. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Note sur les éléments et la formation de l’idée du moi » pp. 465-474

Les sensations nouvelles ne trouvent plus de série antérieure où elles puissent s’emboîter ; le malade ne peut plus les interpréter, s’en servir ; il ne les reconnaît plus, elles sont pour lui des inconnues. […] Un malade dit129 que, « lorsqu’il parlait, sa propre voix lui semblait étrange ; il ne la reconnaissait pas, il ne la croyait pas sienne. Lorsqu’on lui parlait, il se sentait étourdi comme si plusieurs personnes lui parlaient à la fois… Il ne reconnaissait ni le goût ni l’odeur des mets, et ne distinguait pas les objets au toucher, les yeux fermés. […] « Je ne pouvais plus, dit-il, m’orienter en la quittant, ou du moins il me fallait faire un long et pénible effort pour me retrouver. — Souvent il lui est arrivé de se trouver à une courte distance de sa demeure et de ne pouvoir reconnaître son chemin qu’après de longs efforts de réflexion ; deux ou trois fois, il s’assit sur la route, désespérant de retrouver sa maison, et se mit à pleurer à chaudes larmes. » Un autre malade130 écrit : « J’avais horreur d’aller à Divonne, pays nouveau pour moi. […] Sur ce point, presque tous emploient le même langage : « Je me sentais si complètement changé, qu’il me semblait être devenu un autre134 ; cette pensée s’imposait constamment à moi sans que cependant j’aie oublié une seule fois qu’elle était illusoire. » — « Quelquefois il me semble n’être pas moi-même, ou bien je me crois plongée dans un rêve continuel. » — « Il m’a littéralement semblé que je n’étais plus moi-même. » — « Je doutais de ma propre existence, et même par instants je cessais d’y croire. » — « Souvent il me semble que je ne suis pas de ce monde ; ma voix me paraît étrangère, et, quand je vois mes camarades d’hôpital, je me dis à moi-même : “Ce sont les figures d’un rêve.” » — Il semble au malade « qu’il est un automate » ; « il sent qu’il est en dehors de lui-même ». — Il ne « se reconnaît plus ; il lui semble qu’il est devenu une autre personne ».

30. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre deuxième »

C’est donc seulement dans le récit qu’il faut chercher et pour ainsi dire épier les premiers mouvements de l’esprit français, et reconnaître sa langue naissante. […] Depuis six cents ans, la France ne s’est pas moins reconnue à ces hauts faits d’armes qu’à la simplicité, à la probité historique du narrateur. […] On y reconnaît l’imitation, non du latin parlé, comme dans Villehardouin et Joinville, mais du latin des clercs, du latin écrit. […] Il suffit qu’on reconnaisse ce tour d’esprit romanesque dans Froissart, et cette marque des mœurs de la société féodale. […] Il reconnaît la main de Dieu dans cette chute si rapide de la maison de Bourgogne, et dans les emportements du dernier de ces grands vassaux qui depuis un siècle, tenaient en échec leur suzerain.

31. (1870) La science et la conscience « Chapitre I : La physiologie »

Il ne paraît pas reconnaître une autre psychologie que celle qui résulte de l’histoire de l’homme comparée à l’histoire des animaux. […] C’est encore là, nous le reconnaissons, une méthode excellente d’éducation, bien que fort incomplète. […] Cela le conduit nécessairement à reconnaître tout un nouvel ordre de faits et un nouveau mode d’observation. […] Il le sent si bien qu’il se reconnaît coupable de la faute ou du crime qu’il commet. […] Il y a de la spontanéité même dans la nature, et, s’il y en a là, comment ne la point reconnaître dans l’homme, ce type supérieur de la vie organique ?

32. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — II. (Fin.) » pp. 281-300

Il est pourtant un côté qu’il importe de bien mettre en vue et de reconnaître : Bourdaloue, vivant et parlant, eut beaucoup plus de variété et d’à-propos que l’on ne suppose, et, s’il ne semble appliqué qu’à semer le bon grain dans les âmes, il est à remarquer qu’il savait pénétrer dans ces âmes et ces esprits de ses auditeurs, et les entrouvrir, par des tranchants assez vifs et assez inattendus. […] Bourdaloue parut, et, sous sa forme grave, il eut un à-propos, une adresse, une justesse d’application qui fit que toutes ces passions en scène se reconnurent, que toutes ces sensibilités tressaillirent, et que la doctrine théologique rivale eut désormais un adversaire digne d’elle, un émule et parfois un juge. […] Despréaux lui-même ne se reconnaissait que le copiste, l’écolier et presque le singe de Bourdaloue lorsque, dans sa satire des Femmes, il esquissait portraits sur portraits. […] Toute cette maladie nouvelle et qui n’est que plus subtile et plus intérieure en ce qu’elle se croit une guérison, est développée par Bourdaloue dans une description admirable, et il offre en quelque sorte un miroir dans lequel ceux qu’il a en vue ne peuvent s’empêcher d’être reconnus et devaient eux-mêmes se reconnaître, Il rappelle excellemment « à ces sages dévots, à ces dévots superbes qui se sont évanouis dans leurs pensées », que la vraie austérité du christianisme consiste à être abaissé, à être oublié (Ama nesciri) : Car voilà, s’écrie-t-il, ce qui est insupportable à la nature : On ne pensera plus à moi, on ne parlera plus de moi ; je n’aurai plus que Dieu pour témoin de ma conduite, et les hommes ne sauront plus, ni qui je suis, ni ce que je fais. […] Dans le sermon Sur la prière, c’est le mysticisme de Fénelon qui est signalé avec ses périls, et il ne tient qu’à nous de reconnaître l’auteur des Maximes des saints confondu avec ceux qui, sous prétexte d’être des âmes angéliques et choisies, s’estiment assez habiles pour réduire en art et en méthode ces mystères d’oraison, pour en donner des préceptes, pour en composer des traités, pour en discourir éternellement avec les âmes.

33. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN FACTUM contre ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 301-324

remy très-digne de ce rôle mixte, à la fois sérieux et point pédant ; il a eu pourtant au début une inspiration malheureuse, selon nous : il y avait peut-être à faire un meilleur usage de ses acquisitions classiques que de commencer par les tourner contre André Chénier, et de venir déclarer en suspicion une muse en qui le parfum antique est universellement reconnu. […] Anacréon dit qu’il y a un petit signe auquel on reconnaît les amants ; il y a aussi un petit signe, un je ne sais quoi auquel se reconnaissent d’abord ceux qui ont un parti pris de ne pas aimer. […] remy veut bien nous désigner sans nous nommer), ont, il est vrai, reconnu dans André Chénier le parfum exquis de l’Hymette : eh bien, tous se sont trompés et ont jugé à la légère : M. […] De plus, lorsqu’un poëte, un peintre, a un style à lui et une manière reconnue, on lui passe d’ordinaire quelque mélange : ainsi La Fontaine se laisse souvent aller dans ses plus franches peintures à je sais quelles teintes du goût Mazarin. […] il me semblait reconnaître un écho du maître aimable.

34. (1890) L’avenir de la science « I »

C’est la grande opposition du corps et de l’âme, reconnue par toutes les religions et toutes les philosophies élevées, opposition très superficielle si on prétend y voir une dualité de substance dans la personne humaine, mais qui demeure d’une parfaite vérité, si, élargissant convenablement le sens de ces deux mots et les appliquant à deux ordres de phénomènes, on les entend des deux vies ouvertes devant l’homme. Reconnaître la distinction de ces deux vies, c’est reconnaître que la vie supérieure, la vie idéale, est tout et que la vie inférieure, la vie des intérêts et des plaisirs, n’est rien, qu’elle s’efface devant la première comme le fini devant l’infini, et que si la sagesse pratique ordonne d’y penser, ce n’est qu’en vue et comme condition de la première. […] Que ce soit là une nécessité de l’état actuel de l’esprit humain, nul ne peut songer à le nier ; il faut toutefois reconnaître qu’un tel système de vie, bien qu’excusé par sa nécessité, est contraire à la dignité humaine et à la perfection de l’individu. […] Il faut pourtant reconnaître que le secret pour allier ces éléments divers n’est pas encore trouvé.

35. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 41, de la simple récitation et de la déclamation » pp. 406-416

Ce plaisir cesse même dès qu’on applique son attention à la lecture, et l’on ne s’apperçoit plus alors de la beauté de l’impression que par la facilité que les yeux trouvent à reconnoître les caracteres et à rassembler les mots. […] N’est-ce pas reconnoître que le plaisir d’entendre la récitation en impose à notre jugement, que de remettre à prononcer sur le mérite d’un poëme qui nous a plû, en l’entendant réciter, jusques à la lecture que nous en voulons faire, comme on dit, l’oeil sur le papier ? […] Plus un ouvrage plaît, moins on est en état de reconnoître et de compter ses défauts. […] On se prévient contre celui qu’on reconnoît n’être point ému.

36. (1860) Ceci n’est pas un livre « Les arrière-petits-fils. Sotie parisienne — Deuxième tableau » pp. 196-209

Je ne l’ai probablement jamais vu, mais je suis sûr qu’il me reconnaîtrait, lui. […] je vous reconnais, vous êtes tous des arrière-petits-fils… Ils viennent, ils m’enveloppent… je les vois… partout, partout. […] Maître, mon pauvre maître, chassez ces visions, reconnaissez votre fidèle… […] Oui, je te reconnais.

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