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343. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — II » pp. 39-56

Je vous demande donc, mon très cher père, si l’on conserve dans Saint-Victor la même mortification intérieure et extérieure, telle qu’elle était dans son origine… Je vous demande encore si les frères de Saint-Victor, c’est ainsi qu’on les appelait, allaient à la campagne chez leurs amis, chez leurs parents, passer des trois semaines entières et des mois entiers ; s’ils allaient par la ville rendre des visites ; s’il en recevaient de toutes personnes et de tout sexe ; s’ils changeaient d’habits, s’ils en prenaient de plus propres et de plus mondains quand ils sortaient pour se montrer en public ; s’ils affectaient de ces airs libres et dégagés, pour ne pas dire licencieux, qui sont si contraires à la tristesse sainte de la modestie religieuse ; s’ils parlaient indifféremment et sans scrupule dans les lieux réguliers ; s’ils s’entretenaient de contes, d’affaires, d’histoires du monde, de plaisanteries, de nouvelles, qui sont choses qui doivent être entièrement bannies des cloîtres. […] Santeul publiait leurs lettres pour se justifier et s’en décorer, et en même temps il ne perdait pas l’occasion de faire amende honorable à Bossuet dans une pièce de vers imprimée, en tête de laquelle une vignette le représentait à genoux, et reçu à pénitence par le grand évêque de Meaux. […] Il avait cherché à le rassurer dès ses premières démarches, en lui disant « qu’il avait lu sa justification avec plaisir, et qu’il était fort aise de recevoir de ses lettres, parce qu’elles étaient pleines d’esprit et réjouissantes ». […] Avant de partir pour ce dernier voyage de Bourgogne, Santeul avait été en visite à la Trappe ; « il avait trouvé du goût pour tout ce qu’il y avait vu » ; mais ce goût avait été passager comme tout ce qui faisait impression sur cette organisation mobile ; et l’abbé de Rancé, en apprenant sa mort, que lui annonçait l’abbé Nicaise, écrivait (3 octobre 1697) : Il est vrai, monsieur, que je n’ai point reçu le paquet que vous me mandez que vous m’avez envoyé, et que ces paroles, Santolius Burgundus, me sont toutes nouvelles.

344. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise par M. Taine. »

Il se juge lui-même admirablement et avec une modestie charmante, et je résumerai presque ses pensées autant que les miennes, en disant : D’une génération formée par la solitude, par les livres, par les sciences, il n’a pas reçu (comme nous autres plus faibles, mais plus croisés, plus mélangés), la tradition successive. […] Taine a reçu quelque chose de ces informations contemporaines qui redressent ou qui abrègent ; mais cela n’a pas été fréquent ni assez habituel. […] Lorsqu’au sortir de cette fournaise intellectuelle de l’École normale il retournait dans ses Ardennes en automne, quelle brusque, profonde et renouvelante impression il en recevait ! […] Et si elles ont reçu le don en naissant, si elles sont douées de quelque talent d’imagination, elles sauront créer des êtres à leur image.

345. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. »

Michel Nicolas, je me suis adressé à lui-même pour avoir les moyens, à mon tour, de remonter directement aux sources ; j’ai questionné par lettres des membres de la famille de Jean-Bon qui avaient gardé des récits de tradition orale ; j’ai reçu, de Montauban, la communication de pièces originales et rares, difficiles à retrouver29. […] En vingt-six mois ses études furent terminées, et il reçut la consécration. […] Il nous faut des maîtres plus sensibles qu’instruits, plus raisonnables que savants, qui dans un lieu vaste et commode, hors des villes, hors de l’infection de l’air qu’on y respire et de la dépravation des mœurs qui s’introduit par tous les pores, soient les égaux, les amis, les compagnons de leurs élèves ; que toute la peine, que tout le travail de l’instruction soit pour le maître, et que les enfants ne se doutent même pas qu’ils sont à l’école ; que dans des conversations familières, en présence de la nature et sous cette voûte sacrée dont le brillant éclat excite l’étonnement et l’admiration, leur âme s’ouvre aux sentiments les plus purs ; qu’ils ne fassent pas un seul pas qui ne soit une leçon ; que le jour, la nuit, aux heures qui seront jugées les plus convenables, des courses plus ou moins longues dans les bois, sur les montagnes, sur les bords des rivières, des ruisseaux ou de la mer, leur fournissent l’occasion et les moyens de recevoir des instructions aussi variées que la nature elle-même, et qu’on s’attache moins à classer les idées dans leur tête qu’à les y faire arriver sans mélange d’erreur ou de confusion. » Vous voyez d’ici le tableau idéal et enchanteur de toutes ces écoles primaires et rurales de la République française, où chaque enfant serait traité comme Montaigne, Rabelais ou Jean-Jacques ont rêvé de former et de cultiver leur unique élève. […] Mais, mes chers amis, faites tout ce qui dépendra de vous pour que les impressions qu’il va recevoir ne lui nuisent point ; travaillez à nourrir sa sensibilité.

346. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. (Suite) »

Voici ce que le roi très chrétien m’écrit, mot pour mot, dans la lettre que j’ai reçue hier, et qui est de sa main d’un bout à l’autre : « Ne serez-vous point fâché de ce mariage, mon cher maréchal ? […] Il y fut reçu comme on peut imaginer après sa récente victoire. […] Mme de Pompadour lui avait écrit à l’origine pour le prévenir et comme pour parer le coup : « Ce 3 octobre 1746. — Vous serez sans doute étonné, mon cher maréchal, d’avoir été aussi longtemps sans recevoir de mes nouvelles ; mais vous ne serez pas fâché quand vous saurez que j’ai toujours attendu une réponse que le roi voulait faire à la lettre que vous m’écriviez. […] Enfin, le duc de Richelieu, d’abord si peu désiré à Dresde, y arrive : on a été bien préparé, et sa vanité de courtisan et de grand seigneur est flattée de l’accueil qu’il y reçoit.

347. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre II. Du goût, de l’urbanité des mœurs, et de leur influence littéraire et politique » pp. 414-442

Le peuple se moque du peuple tant qu’il n’a point reçu l’éducation de la liberté, et l’on n’aurait fait que se rendre ridicule en France si, même avec des idées fortes, on eût voulu s’affranchir du ton qui était dicté par l’ascendant de la première classe. […] Il fallait et parler et se taire comme les autres, connaître les usages pour ne rien inventer, ne rien hasarder ; et c’était en imitant longtemps les manières reçues qu’on acquérait enfin le droit de prétendre à une réputation à soi. […] Il était souvent nécessaire, sous la monarchie, de déguiser une censure hardie, de voiler une opinion nouvelle sous la forme des préjugés reçus ; et le goût qu’il fallait apporter dans ces différentes tournures exigeait une finesse d’esprit singulièrement délicate. […] Quoique la littérature doive s’affranchir dans la république, beaucoup plus facilement que dans la monarchie, de l’empire du ton reçu dans la société, il est impossible que les modèles de la plupart des ouvrages d’imagination ne soient pas pris dans les exemples qui s’offrent habituellement aux regards.

348. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre VI. Science, histoire, mémoires »

Je suis donc obligé d’indiquer approximativement l’extension que la littérature a reçue de là. […] Il a reçu l’éducation ecclésiastique, et il a gardé l’âme ecclésiastique : une âme de douceur, de finesse, de nuances, et puis — ce qui est le grand point — dans la perte de la foi, le sens de la foi, le respect de la foi. […] Il semble aussi que son éducation esthétique soit au point qu’il est apte à extraire lui-même d’une matière brute les possibilités de plaisir littéraire qu’elle contient, et qu’il se plaise à faire ce travail plutôt qu’à le recevoir tout fait d’un artiste habile. […] Il se fit recevoir agrégé de philosophie, puis docteur ès lettres.

349. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres inédites de la duchesse de Bourgogne, précédées d’une notice sur sa vie. (1850.) » pp. 85-102

La princesse qui arrivait en France à l’âge de onze ans, avait déjà reçu en Savoie une certaine éducation, surtout celle qui était nécessaire aux princes, et que la nature toute seule donne aux femmes, l’envie et le soin de plaire. […] Louis XIV était parti de Fontainebleau après son dîner, et se trouvait à Montargis avec son fils, son frère et les principaux de sa Cour, pour la recevoir. […] Le roi descendit de son appartement, et la reçut au bas de son carrosse, et me dit : Pour aujourd’hui, vous voulez bien que je fasse votre charge. […] Je l’ai été recevoir au carrosse ; elle m’a laissé parler le premier, et après elle m’a fort bien répondu, mais avec un petit embarras qui vous aurait plu.

350. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Droz. » pp. 165-184

Joseph Droz, né à Besançon, le 31 octobre 1773, d’une famille de magistrats et de jurisconsultes honorablement connue dans la province, avait reçu de ses pères comme par héritage la droiture de l’esprit, la douceur du cœur et la disposition au bien. […] Droz fut reçu par Carnot, qui, voulant lui être agréable, lui permit de passer quinze jours à Paris. […] Il racontait souvent avec énergie l’impression qu’il reçut de l’état de terreur qui pesait alors sur la grande cité : « Cet état de prostration et de stupeur était tel (c’est lui qui parle), que si l’on avait dit à un condamné : Tu iras dans ta maison et là tu attendras que la charrette passe demain matin pour y monter, il serait allé et il y serait monté. » Ce qui n’est pas moins remarquable chez quelqu’un qui avait senti à ce degré l’horreur des crimes, il ne fut point dégoûté de la liberté ; il n’entra point, au sortir de là, dans la crainte et l’aversion des progrès modérés et des lumières. […] Ce point important de l’histoire a depuis reçu le dernier degré de lumière par la publication des lettres mêmes et des notes de Mirabeau adressées à la Cour (1851).

351. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Patru. Éloge d’Olivier Patru, par M. P. Péronne, avocat. (1851.) » pp. 275-293

Tandis que je m’interrogeais ainsi sur Patru, j’ai reçu, par une favorable rencontre, son Éloge tout récemment imprimé, et qu’a prononcé, le 30 novembre dernier, M.  […] Il narrait avec une grâce infinie ; toutes ces femmes sortaient charmées ; et l’auditoire grossit enfin à un tel point que, n’y ayant plus de quoi recevoir tout ce qui se présentait, les assemblées furent rompues. […] Dans la salle fort belle où l’on reçut la princesse, on n’avait oublié qu’une chose, c’était d’y faire mettre ce portrait d’elle qu’elle avait donné à la compagnie et devant lequel, durant son absence, Patru avait juré à la romaine qu’on ferait des sacrifices ; mais, en ce jour d’extraordinaire, la précipitation empêcha d’y songer. […] Il avait fait, en y entrant, un Remerciement qui avait paru si beau et si flatteur, qu’on en voulut encore, et qu’on avait obligé depuis tous ceux qui étaient reçus d’en faire autant.

352. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Étienne, ou une émeute littéraire sous l’Empire. » pp. 474-493

Lebrun-Tossa, et dont il parlait aussi négligemment que possible, n’était autre, à très peu près, sauf changement du nom des personnages, que la pièce de Conaxa retrouvée à la Bibliothèque impériale ; il ne croyait pas qu’on pût prendre la mesure exacte du secours qu’il avait reçu, dont il n’avait point parlé jusque-là et dont il ne parlait même alors que le moins possible. […] Étienne, dans sa préface de la quatrième édition des Deux Gendres, préface qu’il s’était empressé depuis de retirer et de supprimer, avait dit de son ancien collaborateur qu’il en avait reçu « un projet de canevas de pièce en trois actes » ; M.  […] je vous ai donné trois aunes de bon drap d’Elbeuf, et vous jurez n’avoir jamais reçu que l’échantillon d’un échantillon de drap !  […] Il eut cela de piquant dans sa vie d’être reçu deux fois à l’Académie française.

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