C’est aux endroits où ils sont modérés, où leur humeur n’est pas plus forte que leur raison, qu’on reconnaît une première image complète de cet esprit français, le plus libre et le plus discipliné qui soit au monde. […] C’était la première fois que ces saintes matières étaient dégagées des ténèbres dont les avait couvertes le moyen âge, et que la raison et la science rendaient compte des vérités de la foi. […] Dans Rabelais, c’est l’humeur qui trouble les lumières de l’intelligence : dans Calvin, la raison est dupe du raisonnement. […] De là, dans notre histoire, des exemples de cruauté politique sans fureur et sans haine, et la passion persuadée que parce qu’elle raisonne, elle est la raison. […] Tout vient de sa raison souvent émue par la grandeur des vérités religieuses, souvent trompée par l’intérêt de ce moi qu’il croyait avoir dépouillé, parce qu’il avait réduit son corps aux seuls soins qui pussent empêcher la mort immédiate.
Être utile aux hommes dans ce qui leur est le plus utile, voilà la loi que j’écoutai : une seule idée d’un philosophe, l’expression heureuse d’un sentiment avantageux a peut-être plus fait pour l’avancement de la raison et du bonheur des hommes que les travaux réunis de cent mille citoyens obscurs qui se sont vainement agités. […] Mais toutes ces réfutations, empruntées à l’ordre économique ou à l’ordre providentiel, sont également vaines quand la société n’a pas la force en main pour appuyer les raisons. […] Elle applique assez pour distraire ; elle n’exige pas assez d’application pour être impossible à un homme dont le malheur n’a pas affaibli la raison. 2º Depuis longtemps je désirais m’exercer à la langue latine que j’ai mal apprise dans ma jeunesse : ce que je comprends de Tacite, de Tite-Live, de Salluste, d’Horace et de Virgile m’a donné une grande curiosité pour le reste. 3º Hobbes m’a paru avoir un mérite éminent comme écrivain politique, etc. […] Jamais il n’abjura le fonds d’idées de 1789 ni la conquête de certains résultats civils, politiques, auxquels sa raison ne pouvait renoncer ; il continua d’être le citoyen résolu d’une société sans privilèges : mais il devint plus méfiant dans sa poursuite du mieux ; sa logique, inflexible apprit à connaître les obstacles, les limites ; il ne fit plus abstraction de la nature et des passions des hommes dans cet art social qui s’applique avant tout aux hommes mêmes, qui opère sur eux et par eux. […] Il suivra encore une fois Sieyès dans ses évolutions principales, mais il le suivra de son propre mouvement, par ses raisons propres et sans servilité.
À Vienne, à Milan, à Naples, on sent autrement : mais Beyle, à force de nous expliquer cette différence et d’en rechercher les raisons, d’en vouloir saisir le principe unique à la façon de Condillac et d’Helvétius, que fait-il autre chose lui-même, sinon, tout en frondant le goût français, de raisonner sur les beaux-arts à la française ? […] Il n’entre pas dans la raison et dans le vrai de certains préjugés qui ne sont point pour cela des erreurs. […] La Harpe fut utile en 1800, quand presque tout le monde, après la Révolution, eut son éducation à refaire : est-ce une raison pour éterniser les jugements rapides qu’on a reçus de lui ? […] Cela dit, il faut, pour être juste, reconnaître que le théâtre moderne, pris dans son ensemble, n’a pas été sans mérite et sans valeur littéraire ; les théories ont failli ; un génie dramatique seul, qui eût bien usé de toutes ses forces, aurait pu leur donner raison, tout en s’en passant. […] Quand il ne fait que se prendre corps à corps aux adversaires du moment, à ceux qui parlent de Shakespeare sans le connaître, de Sophocle et d’Euripide sans les avoir étudiés, d’Homère pour l’avoir lu en français, et dont toute l’indignation classique aboutit surtout à défendre leurs propres œuvres et les pièces qu’ils font jouer, il a raison, dix fois raison.
Ce sont de simples marques de son estime, honorables par cette raison, et nullement profitables. […] Il craint toute espèce de dépendance, et par cette raison il a mieux aimé, étant en France, gagner sa vie en copiant de la musique, que de recevoir les bienfaits de ses meilleurs amis qui s’empressaient de réparer sa mauvaise fortune. […] Vous vous y livrez contre toute raison, vous qui eussiez dû vous refuser à l’évidence même et démentir jusqu’aux témoignages de vos sens. […] Ne sont-ce pas des êtres de raison ? […] Hume avait mille fois raison sans doute ; mais Rousseau était atteint de folie, et M.
Mais ici le développement se montre dans chaque lettre, abondant, naïf, continu ; on suit à vue d’œil l’âme, le talent, la raison, qui s’empressent d’éclore et de se former. […] Elle a, dit-elle, été prévenue (prévenue par la Grâce, style de Nicole), un peu après son amie ; elle a agi jusqu’à onze ans par cette espèce de raison, encore enveloppée des ténèbres de l’enfance : ce n’est qu’alors que le rayon divin a commencé de luire. Mais l’amour-propre, le grand et détestable ennemi, n’est pas abattu pour cela : « Je l’appelle détestable, écrit-elle, et je le déteste aussi avec beaucoup de raison, car il me joue souvent de vilains tours ; c’est un voleur rusé qui m’attrape toujours quelque chose. […] La grand’mère, dans son oracle de La Bruyère, allait un peu loin sans doute, mais n’avait-elle pas à demi raison ? […] Roland qui, prudent observateur, s’en doute peut-être, qui ne s’en inquiète d’ailleurs qu’autant qu’il le faut, et qui s’avance, tardif, rare et sûr, comme la raison ou comme le destin.
Les raisons en sont assez confuses ; nous tâcherons ici d’en démêler quelques-unes. […] » Pressé sur ses raisons, il ne fit pas difficulté de les dire, et une longue amitié s’ensuivit, durant laquelle le philosophe modeste n’épargna pas d’utiles conseils, des conseils qui se rapportaient tous à la vérité, au naturel, à la propriété de l’expression. […] Elle lui écrivait : Enfin, vous voulez que l’on vous écrive, contre toutes sortes de raisons. […] La maison de Mlle Le Couvreur, à certains jours, devait être du petit nombre de celles où l’esprit et la raison avaient chance de se rencontrer. […] Ce n’est pas que je désire qu’il dise vrai ; j’ai cent fois plus de raisons pour souhaiter qu’il soit fou.
Avaient-ils donc raison contre toutes nos hardies idées d’alors, contre nos jeunes espérances ? et leur donnerons-nous raison à notre tour ? […] Il n’a pas, en parlant de Jésus-Christ, cette naïveté et cette tendresse que Pascal avait eue et avait notée comme les signes distinctifs de l’esprit chrétien : il n’a pas les raisons du cœur, celles que le raisonnement ne sait pas. […] Il y avait longtemps qu’il s’était dit : « C’est par l’état social des femmes qu’on peut toujours déterminer la nature des institutions politiques d’une société. » On peut regretter seulement que, là comme ailleurs, il ait compliqué les excellentes raisons de tout genre qu’il produisait, par d’autres trop absolues, trop abstruses et trop particulières. […] Cette maxime est incomplète, et il aurait dû ajouter : « Les grandes et légitimes affections viennent de la raison.
Necker, en rentrant dans la politique, conserve toute son honnêteté et sa pudeur première, mais il retrouve sa susceptibilité, sa « fière raison », son « cœur orgueilleux » (c’est lui qui les nomme ainsi), ce dédain qu’il oublie aisément dans une méditation solitaire et tranquille, mais qui se réveille en présence des hommes. […] Eut-il tort ou raison de ne point assister à la séance royale du 23 juin, où le roi tint un discours qu’il désapprouvait ? […] Chacun de ces instants est gravé dans ma mémoire… J’avais obtenu le retour de la paix, je l’avais obtenu sans autre moyen que le langage de la raison et de la vertu : cette idée me saisissait par toutes les affections de mon âme, et je me crus un moment entre le ciel et la terre. […] On peut dire que l’esprit français a fait insensiblement l’office d’un Voltaire universel, qui a eu raison, à la fin, du savant défaut dont il s’agit. […] si la justesse de l’esprit, si la perfection de la raison, si l’exactitude du jugement étaient les seuls titres à la bienfaisance céleste, il n’est aucun de nous qui ne dût détourner à jamais ses regards de toute espérance.
Mais aussi, dès que l’emportement était passé, la raison le saisissait et surnageait à tout ; il sentait ses fautes, il les avouait, et quelquefois avec tant de dépit qu’il rappelait la fureur. […] N’allez pas lui parler des choses qu’il aimait le mieux il n’y a qu’un moment : par la raison qu’il les a aimées, il ne les saurait plus souffrir. […] Quand elle le prend, on dirait que c’est un ressort de machine qui se démonte tout à coup : il est comme on dépeint les possédés ; sa raison est comme à l’envers ; c’est la déraison elle-même en personne. […] Dans sa fureur la plus bizarre et la plus insensée, il est plaisant, éloquent, subtil, plein de tours nouveaux, quoiqu’il ne lui reste pas seulement une ombre de raison. […] Mais, lors même qu’il gronde et châtie, comme tout cela rit et parle à l’imagination en même temps que cela va droit à la raison !
Mais ces petites résistances intérieures sont aujourd’hui vaincues, je l’espère ; on en a eu raison sans trop d’effort ; les légèretés de la jeunesse sont excusables. […] Viollet-Le-Duc montre que les Grecs, plus souples, plus avisés que les Romains, et surtout que les imitateurs des Romains, ne s’y soumettaient pas rigoureusement, et que cette symétrie, pour eux, cédait quelquefois à des raisons fines et d’un ordre supérieur. […] Pour lui, sinon pour vous, je donnerai les raisons qui m’ont guidé, afin qu’il sache qu’un architecte athénien, soigneux de sa réputation, mais plus encore de la gloire d’Athènes, ne fait rien sans avoir mûrement réfléchi sur les dispositions et les apparences qu’il doit donner aux monuments dont la construction lui est confiée. […] Vous savez si je pouvais me permettre de toucher au sol vénéré que je devais protéger ; les deux sanctuaires consacrés à Neptune et à Minerve sont sous un même toit, etc. » Suivent les raisons solides, de haute convenance et d’art, subtilement déduites. […] Beulé, dans le même journal du 1er février, et enfin la brochure spirituelle, polie, riche en faits et en raisons, de M.