Si Catherine refuse, ce n’est pas du tout parce qu’elle est une fille raisonnable, je veux dire une fille à qui l’idée ne serait jamais venue d’aimer un duc (car, outre que, dans la réalité, l’occasion en est si rare que ce n’est pas la peine d’en parler, ces idées-là ne viennent que quand on le veut bien). […] Puis, la joyeuse outrance des types laisse encore voir les attaches qu’ils gardent avec la réalité. […] Mais, au lieu que, dans la réalité, ils se contenteraient d’user docilement des quelques locutions colorées et canailles qu’ils ont apprises, les personnages du Nouveau Jeu en trouvent continuellement d’inédites ; et leur langage est comme un tissu de métaphores cocasses, de synecdoches débraillées, et de familières et violentes hypotyposes. […] Il a ce grand mérite, de soulever fréquemment des cas de conscience, sans s’en douter peut-être, et rien que par la façon dont il observe et traduit la réalité. […] L’artifice consiste d’abord à mettre dans la bouche des personnages de hideuses paroles, conformes peut-être à leur hideuse pensée secrète, mais que jamais, dans la réalité, ils ne prononceraient.
Tout poème doit son caractère proprement poétique à la présence, au rayonnement, à l’action transformante et unifiante d’une réalité mystérieuse que nous appelons poésie pure. […] La poésie pure étant ce par quoi le poétique se distingue du prosaïque, il va de soi que la réalité mystérieuse qui répond à la notion de poésie pure, doit se retrouver à un degré quelconque dans toute œuvre vraiment poétique, passée, présente ou future. […] Que le poète le sache ou non, définir, peindre, émouvoir, choisir et disposer ses mots, tout cela n’est pour lui qu’un moyen de se libérer de la force mystérieuse qui le possède, de s’approprier la réalité, d’ailleurs ineffable, que l’inspiration lui a offerte. […] Le son, pris en soi, ne nous unirait à aucune réalité. […] Il y a peut-être moins de réalité diffuse dans les couleurs, dans les notes mêmes que dans les mots.
Suite, Empires est un discours possible, répond à certaines articulations de la réalité littéraire, à certaines nécessités de l’histoire littéraire, explicatives, didactiques, organisatrices. […] Ce coup de pouce à l’aiguille des chiffres, retenons-le et adoptons-le comme une intention de créer cette réalité : la génération de Napoléon. […] Car par les Mémoires, Chateaubriand a introduit dans la littérature une réalité nouvelle, et qui a eu des suites : l’homme stylisé. […] La réalité sociale, c’est la famille. […] En poésie, le frêle renouveau classique de 1843 doit être tenu pour la conscience de ce malaise ou de cette carence, autant et plus que pour une réalité positive.
Or il est naturel que cet esprit se représente la réalité autrement que ne fait le nôtre, puisqu’il est d’une autre nature. […] Mais la réalité n’évolue vers la précision du drame que par l’intensification de l’essentiel et par l’élimination du surabondant. […] Il sera donc bien établi que le mot circonscrit cette fois une réalité. Une réalité qui débordera quelque peu, il est vrai, vers le bas et vers le haut, la signification usuelle du mot. […] Elle était réelle, mais d’une réalité qui n’était pas sans dépendre de la volonté humaine.
Dans le caractère d’Ulysse, principal sujet de l’Odyssée, ils firent entrer tous les traits distinctifs de la sagesse héroïque, la prudence, la patience, la dissimulation, la duplicité, la fourberie, cette attention à sauver l’exactitude du langage, sans égard à la réalité des actions, qui fait que ceux qui écoutent, se trompent eux-mêmes.
Bourget, et dans sa compagnie l’on ne se sent pas menacé par l’intrusion formidable de la réalité. […] Son propre est d’atteindre profondément la vérité des sentiments et de l’esprit en négligeant absolument la réalité des faits. […] Montfort présente les réalités qu’il a découvertes et étreintes. […] Sa vision est d’une extrême acuité ; la curiosité du détail caractéristique ne l’empêche pas de toucher la réalité profonde. […] Poursuivant l’insaisissable réalité, il se dépayse sans cesse.
« Elle a voulu, en écrivant, exprimer ce qu’elle avait dans lame bien plus qu’exécuter des ouvrages d’art » ; ou encore : « Corinne est l’idéal de Mme de Staël, Delphine en est la réalité durant sa jeunesse ». […] Mais, quand ce ne serait que par l’intermédiaire des prétentions historiques qu’elles affichent, un peu de réalité rentre dans le drame, et le théâtre aspire pour ainsi dire en elles à retrouver sa loi. […] Ce ne sont point ses impressions qu’il nous donne ; c’est la réalité qu’il tâche à ressaisir, et la réalité tout entière ; l’ampleur de son dessein l’indique ; et dans sa Comédie humaine, mettant à s’oublier lui-même autant de gloire que les romantiques à nous fatiguer d’eux, son ambition n’a été que de nous offrir, de l’histoire de son temps, le miroir le plus fidèle, et à peine un peu grossissant. […] Puisque la réalité n’est pas toujours conforme à l’idée que nous nous en faisons ; puisque cela se démontre ; puisque même l’un des caractères habituels de la vérité scientifique est de contredire au témoignage de nos sens, l’individu n’est donc pas la « mesure de toutes choses » ; la sincérité de nos impressions ne nous en garantit pas la justesse ; et nous n’en sommes que le théâtre, mais le juge en est en dehors et au-dessus de nous ! […] Mais, dans sa décadence, ce qu’elle essaie de faire, elle aussi, qui fut Valentine et qui fut Indiana, c’est de « serrer la réalité de plus près » ; elle descend de son nuage ; et avec une modestie qui l’honore, elle se met maintenant à l’école de Flaubert.
Une telle proposition d’histoire et de monument, de reconnaissance, une telle proposition de réalité ramassée, de réalité arrivée est à une proposition théorique pure ce qu’une campagne de Napoléon est à un cours de l’École de guerre. […] Il n’y a que l’être et la réalité qui trouvaient que ce n’était pas le même être. […] L’inlassable réalité avait beau fournir inépuisablement du présent. […] Et les urnes de la réalité ne coulent plus que pour les carafes de l’intellectualisme. […] Il consiste à les modeler constamment sur la réalité dont il s’agit à chaque fois.
La donnée est prise dans la réalité quotidienne. […] Elle paraît avoir tenu beaucoup plus aux titres, aux honneurs, — et à l’argent (elle était fort avare), — qu’à la réalité même du pouvoir. […] La représentation des réalités vilaines ou même des réalités vulgaires est profondément inutile. […] Les valeurs imaginaires, les valeurs d’opinion, sont les plus sûres de toutes, puisqu’elles ne craignent point les démentis de la réalité. […] C’est peut-être bien que le monde est ainsi fait, qu’on risque moins de s’éloigner de la réalité moyenne en s’attachant au laid qu’en recherchant l’agréable.
Mais, ce qu’ils disent, dans la réalité ils le pensent. […] Saisissez-vous, dans ce dernier vers, le retour du symbole concret à la réalité invisible dont il était la figure, et comme cette figure et cette réalité s’engendrent et se ramènent naturellement l’une l’autre ? […] ça ne se passe jamais ainsi dans la réalité. […] Regardez autour de vous : la réalité est pleine de surprises. […] Son rôle vaut mieux, pris dans sa signification, que pris dans sa réalité.