On marche à tâtons à la suite de ces deux poètes, sans savoir si c’est dans la réalité ou dans la vision, dans le siècle ou dans l’éternité, qu’on avance.
La mythologie classique de l’Olympe ne me donnait pas de tels enivrements ; je sentais que ces fables étaient mortes et qu’on nous faisait jouer aux osselets avec les os d’une poésie sans moelle, sans réalité et sans cœur.
Approchez votre main de la toile, et vous verrez que l’imitation est aussi forte que la réalité, et qu’elle l’emporte sur elle par la beauté des formes.
Aussi, quand elle a vu la distance entre son rêve et la réalité, elle en a été triste à pleurer. […] D’une part, Leconte de Lisle est celui des écrivains du xixe siècle qui a fait en France les vers les plus complets, comme rendu, comme expression, comme harmonie sonore ; c’est celui qui, dans ses descriptions, s’est rapproché davantage de l’objet lui-même, de la réalité : et, d’autre part, Leconte de Lisle, tout en se soumettant à l’objet, tout en étant un descriptif exact et minutieux et tout en s’interdisant les vaines lamentations, est celui qui nous a fait le mieux comprendre l’espèce de désenchantement profond qui était dans son cœur.
Dans ces vers tirés de la réalité de chaque instant, le naturel du poète galope librement, mais sans prendre, toutefois, le mors aux dents. […] … Il n’y a point de doute pour ce qui est de la réalité des amours du poète avec Mlle de Vitry, une fille d’honneur de la reine Catherine de Médicis. […] La critique modérée disait encore au moment de la mort de Lemercier, que son Agamemnon était la dernière des belles tragédies dans le goût antique, et que Pinto avait mêlé, le premier, les sérieuses réalités de l’histoire à un excellent comique.
Il y a certainement de la faute des mœurs du temps : le xviie siècle n’était pas aussi brillant dans la réalité qu’il le paraît à distance ; mais il y a aussi le défaut de Molière, le défaut de l’artiste ; il n’avait pas la délicatesse de touche, le fini et la finesse ; Molière n’avait pas le je ne sais quoi de poétique, la source fraîche qu’avaient eue avant lui Ménandre et Térence, et que devaient avoir après lui Gresset, Sedaine, Marivaux, Beaumarchais, et même Destouches, même Piron ! […] Chénier ; elle ne nous laisse que malaisément démêler, au milieu des règles qui la contraignent, sous un langage et des sentiments d’exception, la réalité de la vie quotidienne. […] ——— Temps heureux de nos premiers rêves où l’espérance a quelque chose en soi de si plein et de si vivant que, ne fût-elle suivie d’aucune réalité, c’est assez, pour embellir encore des âges plus tristes, du souvenir de cela seulement que l’on a espéré !
Si Faustus annonce ce qui est véritablement, dit-il lui-même dans sa préface, « si ce rêve confine à la réalité, les cœurs droits et hauts n’auraient pas à s’en plaindre, mais c’est au hasard surtout qu’ils en pourraient faire honneur ». […] Elle a dit : « Chaleur, lumière, électricité, magnétisme, affinité chimique, mouvement sont les apparences diverses d’une même réalité encore inconnue. […] Je ne crois à la réalité de l’homme que parce que je crois à l’existence de Dieu.
Remarquez, nous dit-il très agréablement, dans On ne badine pas avec l’amour « la grâce toute poétique de ce milieu de convention » qui vous maintient « dans une région intermédiaire entre la réalité et le pays du rêve, et, en face de paysans si délicats, de prairies si fraîches, de sentiers et de fontaines si pénétrés de charme, vous vous sentirez bien loin des vulgarités terrestres ». […] Comme c’était bien là un retour à l’observation sérieuse et sévère de la réalité ! […] Un type vrai, d’humanité moyenne, éclatant de réalité, rencontré la veille dans la rue, retrouvé plus précis et plus saillant dans ce manuscrit, voilà ce qui avait sauté aux yeux d’Émile Augier et ce qui devait y sauter. […] C’est la Courtisane amoureuse, type très ancien dans la littérature et peut-être dans la réalité, et depuis 1852 reproduit à satiété par le roman et par le théâtre, mais qui en 1852 était nouveau sur la scène et d’une incroyable hardiesse dans la pleine vérité avec laquelle il nous était donné.
Un premier tableau se présente aux yeux qu’il est fort possible qui soit la réalité dans un siècle. […] Mais un second tableau se dessine qui, lui aussi, peut bien devenir au bout d’un certain temps la réalité.
(À propos de Tallemant des Réaux, si vous lisez ses Historiettes, — et il faut les lire pour connaître la réalité d’alors, particulièrement de 1640 à 1669, époque où Tallemant a pu raconter de visu, — vous y remarquerez diverses choses : l’abondance des individus originaux, et que les gens d’aujourd’hui semblent bien plus effacés ; le grand nombre des esprits libres ; la douceur, la bonhomie, la cordialité des mœurs bourgeoises à Paris ; enfin la multiplicité et la familiarité des relations entre la bourgeoisie et la noblesse, et l’absence totale de morgue, la morgue datant du jour où les rangs ont été légalement confondus.) […] Elle paraît avoir tenu beaucoup plus aux titres, aux honneurs et à l’argent qu’à la réalité du pouvoir. […] une gaillarde qui, dans la réalité, eût été fort capable de commettre les crimes d’Hermione, de Roxane et d’Ériphile, mais qui, peut-être à cause de cela même, préférait à la vérité de Racine l’héroïsme et le romanesque de Corneille.