Il put croire que les grands effets, au théâtre, étaient produits par l’application de ces règles à tout événement tragique, plutôt que par une action qui, en se développant selon la vérité et selon la logique des passions humaines, s’adapte aux règles naturellement et comme à l’insu du poète. […] De la règle des trois unités. […] Corneille prenait ces fameuses règles un peu trop à la lettre. Leur antiquité, la mode, qui peut s’attacher même à des règles, en faisaient de son temps une chose sainte. […] Plus tard, le crédit des fameuses règles l’avait intimidé.
Toujours la « règle », vous le voyez ; toujours cette idée fausse que, les chefs-d’œuvre dans tous les genres étant conformes aux règles — puisqu’elles en sont tirées, — l’observation des règles ne saurait manquer d’engendrer de nouveaux chefs-d’œuvre. […] C’est l’ordre qui s’introduit dans le discours, c’est la logique, c’est la clarté, c’est aussi la règle. […] Suivons ces idées à l’application. — Pourquoi la Règle des trois unités ! […] C’est en effet ce livre qu’il faut surtout consulter si vous voulez vous donner le spectacle de la superstition des règles. […] Mais prenons-y garde au moins Car, il est évident d’autre part que les règles n’ont plus d’importance pour lui, et qu’au fond de sa pensée le droit de l’histoire s’est substitué à celui qu’aussi bien les règles ne tenaient que d’une fausse interprétation des modèles.
Anarchie et règle. […] Cette sorte de règle n’est certes pas nouvelle. […] Mais ce résultat est accessible par d’autres règles, (chaque poète peut avoir les siennes, comme l’a dit M. […] Une société anarchique supposerait que l’altruisme est devenu la règle de tous les hommes, qu’ils appliquent cette règle même sans le vouloir, comme, pour les stoïciens, un homme vertueux pratique la vertu. […] Il en est de même des règles.
J’écarterai les problèmes de quantité et les considérations métaphysiques, et je ne parlerai que du rythme, prétendant qu’il suffit à rendre l’émotion lyrique et qu’il peut obtenir son maximum d’intensité dans des strophes comprenant un nombre variable de vers, ceux-ci étant formés d’un nombre variable de syllabes — au gré de l’individu-poète délivré des influences et des Règles. […] La Règle étouffait cet enfant fou, le vers, d’un carcan qui pour être en or et rehaussé de joailleries merveilleuses n’en était pas moins un carcan. […] ce jour-là, la première bombe éclata dans le temple de la Règle. […] Or, la seule unité rationnelle est la strophe et le seul guide pour le poète est le rythme, non pas un rythme appris, garrotté par mille règles que d’autres inventèrent, mais un rythme personnel, qu’il doit trouver en lui-même, après avoir écarté les préjugés métaphysiques et culbuté les barrières que lui opposaient les Dictionnaires de Rimes et les Traités de Versification, les Arts poétiques et l’Autorité des Maîtres. […] On vante ses fleurs et ses procédés de culture, on s’enquiert de sa méthode, on l’invite à promulguer des Règles, et, s’il a la faiblesse de céder à ces clameurs flatteuses, on le hisse sur un pavois et on le promène à travers le pays, en chantant à l’unisson des louanges imitées de son style — quitte à le laisser choir au fossé de la route s’il finit par se prendre au sérieux.
Il existait un ensemble de règles convenues, un système de dogmes littéraires, un code officiel du beau. […] Molière disait28 : « Je voudrais bien savoir si la grande règle de toutes les règles n’est pas de plaire, et si une pièce qui a attrapé son but n’a pas suivi un bon chemin. » Et Racine, à son tour, répétait en écho29 : « La principale règle est de plaire et de toucher : toutes les autres ne sont faites que pour parvenir à cette première. » Il suit de là que toutes les œuvres qui ont plu, qui ont été qualifiées de belles, se recommandent par cela seul à l’attention de l’histoire. […] Comment nous retrouver au milieu des innombrables règles de toute espèce qu’ont multipliées les faiseurs de rhétoriques et de poétiques ? […] On peut du moins l’essayer, et, pour courir droit au résultat, l’adaptation des moyens à la fin poursuivie me paraît être, comme dit Molière, « la règle de toutes les règles ». […] Je ne dirai pas avec Guyau35 : « Lorsqu’il s’agit d’apprécier si une œuvre d’art représente la vie, la critique ne peut plus s’appuyer sur rien d’absolu : aucune règle dogmatique ne vient à son aide.
Donnons quelques exemples de cette double critique, d’un côté large, éclairée, vraiment philosophique, de l’autre trop restreinte et trop circonspecte, trop jalouse de maintenir au détriment du libre génie, la règle et l’autorité. […] Le meilleur, c’est-à-dire sa raison, n’a d’autre règle qu’elle-même : elle ne se soumet qu’à l’évidence. […] Personne n’a jamais été moins dans la règle commune que Descartes : ni sa personne, ni sa pensée, ne sont les expressions du sens commun. […] Nisard devrait avoir le courage de sacrifier Pascal, comme il a fait pour Fénelon, à la règle de la discipline. […] Nisard pour Descartes et Pascal un démenti donné à sa théorie de la discipline et à son goût de la règle.
La discussion morale est un prétexte que prend l’instinct égoïste pour résister sournoisement à l’instinct social et pour ruser avec la règle. […] La casuistique est regardée par ses ennemis comme une sophistique au service de l’instinct de liberté et d’anomie morale ; comme un prétexte qu’invoque trop aisément l’instinct égoïste toujours disposé à se dérober à l’autorité de la règle. […] Mais dans les limites d’un « type social » donné, les règles morales s’imposent à l’individu avec la nécessité d’une contrainte objective. […] Durkheim, les règles morales expriment une force souveraine et toute-puissante devant laquelle l’individu n’a qu’à s’incliner. […] Delbos : « La science objective des mœurs ne peut produire aucune règle définie qui prescrive à la volonté des fins à choisir — sinon par addition arbitraire. » (Cité par M.
On ne ruinerait pas moins aisément la prétendue règle des deux unités. […] Ce sont les règles qui ont formé les modèles ! […] Il y a en ce cas deux espèces de modèles, ceux qui se sont faits d’après les règles, et, avant eux, ceux d’après lesquels on a fait les règles. […] d’Aubignac a suivi les règles, Campistron a imité les modèles. […] Du reste, ces règles-là ne s’écrivent pas dans les poétiques.
À vrai dire, on parle des règles, et ces règles sont, dans le particulier, celles que donne l’Art poétique : mais qu’est-ce que ces règles, séparées des principes qui leur donnent sens et vertu, abstraction faite du naturalisme et de la notion d’art ? […] Le monde interprète les règles selon l’esprit mondain : il y voit des « convenances » dont il n’y a pas à demander la raison, et qui sont souveraines parce qu’elles sont. […] Car si les règles sont des moyens, Boileau peut encore concéder qu’on y renonce pour mieux atteindre au but de l’art : mais aujourd’hui que le but, c’est précisément l’emploi des règles, il ne peut plus y avoir d’exception ni de privilège pour personne. […] Subjectif et lyrique par essence, le romantisme est assurément irréductible à l’art classique, objectif, et oratoire, ou dramatique : d’autant que se proposant de le ruiner, il fait son affaire de le contredire, et prend partout le contre-pied des règles, sans autre raison parfois que le besoin de leur donner un démenti. […] Nous aimons qu’on nous parle de l’homme, qu’on note ses humeurs, qu’on règle sa conduite.
Mais l’exception, qui est négligeable, n’entame pas, ici, la règle. […] C’est la règle du contexte140, règle fondamentale de l’interprétation. […] — 2° Quelles étaient les règles officielles ? […] Leur contenu (règles du droit) ? […] Et surtout en quoi les règles différaient-elles de la pratique (abus de pouvoir, exploitation, conflits entre les agents, règles non observées) ?