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634. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article »

Ce Poëme singulier est écrit d’un style assez pur & assez élégant, mais dépourvu de chaleur & d’images.

635. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre VI. La poésie. Tennyson. »

Il cherchait de jolies scènes rustiques, de touchants souvenirs, des sentiments curieux ou purs. […] Ceci conduit le poëte vers les légendes de la chevalerie ; voilà le monde fantastique, magnifique aux yeux, noble et pur par excellence, où l’amour, la guerre, les aventures, la générosité, la courtoisie, tous les spectacles et toutes les vertus qui conviennent aux instincts de nos races européennes, se sont assemblés pour leur offrir l’épopée qu’elles aiment et le modèle qui leur convient. […] Il leur a fait mettre leurs mains dans les siennes, jurer de respecter leur roi comme s’il était leur conscience, et leur conscience comme si elle était leur roi ; de ne point dire de calomnie et de n’en point écouter ; de passer leur douce vie dans la plus pure chasteté ; de n’aimer qu’une jeune fille, de s’attacher à elle ; de lui offrir pour culte des années de nobles actions. » Il y a une sorte de plaisir raffiné à manier un pareil monde ; car il n’y en a point où puissent naître de plus pures et de plus touchantes fleurs. […] La barque remonte poussée par la marée, « et la morte avec elle, dans sa main droite un lis, dans sa main gauche — une lettre qu’elle avait dictée, toute sa chevelure blonde ruisselant autour d’elle. —  Et tout le linceul était de drap d’or — ramené jusqu’à la ceinture ; elle-même tout en blanc, —  excepté son visage, et ce visage aux traits si purs — était aimable, car elle ne semblait point morte, —  mais profondement endormie, et reposait en souriant1538. » Elle arrive ainsi dans un grand silence, et le roi Arthur lit la lettre devant tous les chevaliers et toutes les dames qui pleurent : « Très-noble seigneur, sir Lancelot du Lac, —  moi qu’on appelait quelquefois la vierge d’Astolat, —  je viens ici, car vous m’avez quittée sans prendre congé de moi ; —  je viens ici afin de prendre pour la dernière fois congé de vous. —  Je vous aimais, et mon amour n’a point eu de retour. —  C’est pourquoi mon fidèle amour a été ma mort. —  C’est pourquoi, devant notre dame Ginèvre — et devant toutes les autres dames, je fais ma plainte. —  Priez pour mon âme et accordez-moi la sépulture. —  Prie pour mon âme, toi aussi, sir Lancelot, —  car tu es un chevalier sans égal1539. » Rien de plus ; elle finit sur ce dernier mot, plein d’un regret si triste et d’une admiration si tendre : on aurait peine à trouver quelque chose de plus simple et de plus délicat. […] Ils sont si exquis et si purs !

636. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe » pp. 81-160

Tout en elle était accompli, et je jouissais tranquillement du charme de sa personne en la regardant s’en aller, car, lorsqu’elle était devant moi, mon imagination était fascinée par ses yeux si purs et si calmes et par sa bouche si délicate. […] Tu cherchais la pure lumière, n’est-ce pas ? […] (L’aspect de cette chambre lui inspire des pensées délicieuses, mais toujours pures. […] N’as-tu pas senti alors le bonheur le plus pur ? […] Tu fais passer en revue devant moi la foule de tout ce qui a vie ; tu m’apprends à reconnaître mes frères dans le buisson silencieux, dans l’air, dans les eaux ; et lorsque la tempête mugit et gronde dans la forêt, roulant les pins gigantesques, secouant avec fracas leurs branches et déracinant leurs souches ; lorsque le bruit de leur chute fait retentir de coups sourds l’écho des montagnes, alors tu me conduis dans l’asile paisible des grottes, et les merveilles de ma propre conscience se révèlent par la réflexion à moi ; et la lune pure et sereine monte à mes yeux, apaisant sous ses rayons toutes choses… « Oh !

637. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VII »

Il y a là ces rapports de coordination si essentiels, si subtils, si ramifiés, qu’on peut appliquer à chacun de ces drames ce que Kant dit de sa Critique de la raison pure : « c’est un véritable corps vivant, dans lequel chaque partie est un organe. […] « Ô femme aimée, ô femme pure et sainte » (10)50. […] Ce sont de vieux mythes réchauffés, des aperçus théoriques de pure fantaisie, des analyses de drames cent fois refaites et toujours inutiles puisque la nature même du drame reste incomprise, et toujours les mêmes psychologies profondes sur la distinction entre l’homme et l’artiste, et autres inepties ! […] Il n’a pas de signification, étant de la pure musique, et Wagner réservant au drame sa propre expression par le concours de tous les arts. […] Le motif semble isolé du corps musical auquel il se rattache cependant par ses trois dernières notes ; en effet, c’est au motif C, qui caractérise la nécessité du sacrifice pour la rédemption, que devait adhérer le motif de l’annonce de la mission rédemptrice du Pur Simple : durch Mitleid Wissend, der Reine Thorav.

638. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VII, seconde guerre médique. »

Depuis les conquêtes de Cyrus, le culte primitif de la Perse, tout de lumière et d’idéal, pur comme le feu qu’elle adorait, avait été corrompu par les immondes mythologies sémitiques. […] Il fallait une table rase à ces créateurs de la Beauté pure pour y produire leurs merveilles ; la flamme qui la leur apprêta, fut un feu sacré. […] Ce culte très pur et très salubre dans l’ancien Iran, avait d’ailleurs contracté d’affreuses mésalliances avec les mythologies sémitiques que la conquête avait portées dans son sein. […] La Philosophie sans écoles, réduite à des conceptions solitaires, hallucinée peut-être par les rêveries orientales, aurait-elle retrouvé la voie de la raison pure ? […] L’architecture de l’Acropole, d’une perfection si simple et si pure, dont chaque ligne a la souplesse d’un beau rythme, aurait-elle pu naître à l’ombre des Babels massives de l’Asie ?

639. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Le Comte Léon Tolstoï »

Comme on le reconnaît par ces exemples, il n’y a guère chez Tolstoï de descriptions pures ; la nature n’est pour lui que le théâtre des actions humaines, un milieu montré dans la mesure où il modifie et détermine les sensations, les volontés et conditionne les actes. […] Tous les personnages qui l’entourent, se meuvent selon cette carrière, en courbes particulières ; conduits par le temps, soumis à la dure pression des faits, déformant peu à peu chaque forme de leur être, sans fixité, une pure fuite, qui ne vit que parce qu’il cesse à tout instant d’être lui-même. […] Le lecteur sent le goût amer de ce désenchantement effleurer ses lèvres ; une ironie oblique et tacite, une arrière-pensée de déplaisir, comme un immense désir d’autre chose que le réel se glisse en son esprit lentement lassé, sans qu’un aveu soit sorti du livre, sans qu’une page formule le mécompte de l’écrivain et donne au lecteur le droit d’être sûr, la joie de la création et de l’existence, la joie de la perception de la force se ranime sans cesse et s’éteint dans son esprit, comme une flamme menacée, mal entretenue, et qui brûle en pure perte. […] Mêlée de vues bornées chez Lévine et sa femme, de morgue chez Wronsky, d’exaltée amertume chez Anna, de sèche étroitesse chez Karénine, cette bonté élémentaire et comme animale éclate pure cependant et puissante chez ce groupe d’êtres de haut rang, et dans le grave tableau de la mort de Nicolas Lévine, où son frère et la femme de celui-ci viennent simplement et cordialement s’asseoir au chevet de ce pauvre agonisant à côté de la prostituée dont il a fait sa compagne et, plus haute encore et plus belle, quand Anna adultère au su de son mari, et croyant mourir des couches de la fille de son amant joint la main de l’homme pour qui elle s’est perdue à celle de l’homme qu’elle a trahi et induit Karénine à pardonner avec tant de noblesse à son ennemi que le comte Wronski reste troublé de devoir s’incliner devant celui qu’il méprisait. […] Que l’on grandisse ces facultés au point où leur manifestation devient impérieuse, que l’on y accole les qualités d’élocution et d’arrangement juste nécessaires pour composer des œuvres littéraires de forme médiocre, que l’on fasse prédominer la connaissance, le rappel, l’imagination des personnes, sur celles des actes purs, des drames, des histoires, l’on aura énuméré les causes générales dernières des œuvres de Tolstoï, de leur contenu réaliste, de leur étendue, de leur valeur plus psychologique que dramatique, et la force de ces dons sera mesurée à la grandeur de leur manifestation, à la puissance d’illusion de l’œuvre à la sympathie, au saisissement, à l’attraction qui s’en dégagent.

640. (1926) L’esprit contre la raison

Mais qui mieux que Monsieur Teste pouvait incarner les prestiges de l’intelligence pure ? […] Le jeune homme stendhalien, d’ailleurs, par sa disponibilité désespérée, son impuissance à se contenter des solutions platement humaines, est le type le plus pur de tous ceux que les faillites quotidiennes à jamais ont écartés de l’opportunisme et de ses solutions. […] Avec ce poète, Saint-John Perse, revenu des pays du Soleil levantx , des hommes dévoués à l’esprit et qui ne veulent plus des hochets anecdotiques avec quoi on a tenté de les amuser, répètent : Aux ides pures du matin que savons-nous du songe, notre aînesse ? […] I, p. 514, on lit une version légèrement différente : « Poésie pure ? […] Emmanuel Kant, « Les rêves d’un visionnaire expliqués par les rêves de la métaphysique » (1766), et « Critique de la raison pure » (1781/787) cd.

641. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

Au début d’une vie qu’on connaît à peine, tant elle fut modeste, on s’imagine que l’esprit d’Audin, gracieux, svelte et pur, devait ressembler à l’esprit et à l’âme d’une femme ; mais la religion et l’étude ouvrirent la poitrine à cet enfant bien fait et le développèrent. […] Bausset, dans ses Vies de Bossuet et de Fénelon, est agréable de diction, mais ses doctrines sont loin d’être pures ; et quant aux Vies de La Fontaine et de madame de Sévigné, par Walckenaër, elles sont plutôt de la critique ingénieuse et patiente qu’autre chose. […] De même que Roscoë, il a été séduit par ce qu’il y a de lettré, d’artiste et de grand seigneur dans le Médicis, mais, de plus que Roscoë, par la moralité élevée et pure du pontife. […] Les lettres profanes, les arts plastiques, les souvenirs de l’antiquité, les manuscrits grecs, et jusqu’à l’imprimerie, ont à ses yeux, d’ordinaire si clairs et si purs, l’importance qu’ils ont aux yeux troublés de la génération présente. […] Pour conserver leur pureté, il faut leur bâtir des maisons blanches et propres comme celles que l’on bâtit aux paons ; tandis que l’homme, quand il a l’âme pure, peut vivre impunément partout, même dans la cage aux canards ! 

642. (1903) La renaissance classique pp. -

Nos œuvres s’adressent à des hommes, non à de pures intelligences. […] Croire que nous sommes libres de nous créer un art ou une vérité de pure fantaisie, un idéal conforme à je ne sais quelle raison métaphysique, est une illusion enfantine que démentent tous les faits… Ah ! […] Même s’ils essaient de se restreindre à leur domaine propre, celui de la pure littérature, ils se trouvent encore en présence d’une telle masse de documents que le triage est pour ainsi dire impossible. […] En dehors de la race, la littérature dégénère en pur dilettantisme, elle produit des œuvres hybrides et isolées qui ne pénétreront jamais dans la vie profonde d’un peuple. […] Les races les plus pures n’ont jamais été que des aristocraties, qui se sont préservées soigneusement de tout contact avec la classe servile et les étrangers.

643. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — II. (Fin.) » pp. 361-379

Mais cela n’empêche pas (et cette contradiction même ajoute à son mérite) qu’il n’y ait en lui une veine patriarcale ou pastorale bien prononcée, qui revient sans cesse au milieu de ses sentiments publics, et qui lui faisait dire un jour, avant sa gloire, parlant à un ami : Au lieu de bruire avec fracas comme un torrent éphémère, je voudrais, si jamais je parviens à être connu, que ma réputation ressemblât au ruisseau paisible, toujours clair, toujours pur, ombragé de rameaux qu’il féconde : souvent utile, toujours riant, il est le charme et les délices des campagnes qu’il arrose… Ensuite il se perd… Voilà le coin d’idylle chez Bailly. […] Arrivé à Chaillot, où il passait les étés depuis trente ans, Bailly s’y voit l’objet d’une ovation, ou plutôt d’une fête patriarcale et champêtre, « fête sans faste, dont la décente gaieté et les fleurs firent tous les frais », et qu’on lui donne chez lui, dans les différentes pièces de sa maison et de son jardin : Je ne dis rien de trop en disant que je fus embarrassé par cette foule presque entière, qui se pressait autour de moi avec les plus vives expressions de l’amour et de l’estime, une joie pure et douce, une paix qui annonçait l’innocence : cette fête était vraiment patriarcale ; elle m’a donné les plus délicieuses émotions, et m’a laissé le plus doux souvenir. […] Tel fut Bailly ; savant ingénieux, écrivain élégant et pur, l’un des plus louables produits et des meilleurs sujets que l’Ancien Régime ait légués au nouveau ; qui n’eut rien en lui du mouvement d’initiative ni du levain révolutionnaire des Mirabeau, des Condorcet, des Chamfort, de ces novateurs plus ou moins aigris, irrités ou inspirés ; qui n’accepta dans sa droiture que ce qui lui parut juste, qui s’y tint, et qui, malgré des faiblesses de vue et des illusions de bon naturel, laisse à jamais l’idée d’un homme aussi éclairé que modéré et vertueux.

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