Mais bientôt, s’échappant de ces combinaisons avortées et sans issue, il s’élançait par un autre mouvement bien naturel vers les souvenirs les plus frais, les plus purs, et son esprit s’envolait sur les cimes dorées de la jeunesse. […] Cette messe dite sur un rocher désert avait pour lui un charme qui réveillait ses souvenirs d’enfance, et qui suscitait même d’autres mémorables souvenirs inséparablement attachés à l’époque de sa plus brillante et de sa plus pure grandeur. […] Que quelques fautes inévitables dans un si vaste travail, et inséparables de la manière même adoptée par l’historien ; des redites ou ce qui semble tel, et qui tient à un besoin extrême de clarté ; quelques inexactitudes sur des points accessoires et qu’on pouvait fort bien laisser de côté, pures inadvertances, sans effet sur l’ensemble, et qui tiennent encore à l’excellente habitude de ne parler qu’avec des données positives et avec des faits, non avec des phrases ; le tout si réparable dans une seconde édition : que ces taches légères n’aillent pas obscurcir dans notre esprit, quand nous jugeons de tout le monument, la grandeur du dessin, la noblesse et l’aisance de la distribution, la lucidité des exposés, la lumière des tableaux, l’ouverture et la largeur des horizons.
« Bienheureux ceux qui ont le cœur pur, parce qu’ils verront Dieu ! […] Ce qui caractérise le Discours de la montagne et les autres paroles et paraboles de Jésus, ce n’est pas cette charité qui se rapporte uniquement à l’équité et à la stricte justice et à laquelle on arrive avec un cœur sain et un esprit droit, c’est quelque chose d’inconnu à la chair et au sang et à la seule raison, c’est une sorte d’ivresse innocente et pure, échappant à la règle et supérieure à la loi, saintement imprévoyante, étrangère à tout calcul, à toute prévision positive, confiante sans réserve en Celui qui voit et qui sait tout, et comptant, pour récompense dernière, sur l’avènement de ce royaume de Dieu dont les promesses ne sauraient manquer : « Et moi je vous dis de ne point résister au mal que l’on veut vous faire : mais si quelqu’un vous a frappé sur la joue droite, présentez-lui encore l’autre. […] Un homme estimable et savant, qui a récemment travaillé sur les Évangiles, et qui n’a porté dans cet examen, quoi qu’on en ait dit, aucune idée maligne de négation, aucune arrière-pensée de destruction, qui les a étudiés de bonne foi, d’une manière que je n’ai pas qualité pour juger, mais certainement avec « une science amoureuse de la vérité », a qualifié heureusement en ces termes la mission et le caractère de Jésus, de la personne unique en qui s’est accomplie la conciliation la plus harmonieuse de l’humanité avec Dieu : « Celui qui a dit : Soyez parfaits comme Dieu, et qui l’a dit non pas comme le résultat abstrait d’une recherche métaphysique, mais comme l’expression pure et simple de son état intérieur, comme la leçon que donnent le soleil et la pluie : celui qui a parlé de la sainteté supérieure qu’il exigeait des siens comme d’un “fardeau doux et léger” ; celui qui, révélant à nos yeux une pureté sans tache, a dit que “par elle on voyait Dieu…”, celui qui, enfin, renonçant à la perspective du trône du monde, a senti qu’il y avait plus de bonheur à souffrir en faisant la volonté de Dieu qu’à jouir en s’en séparant… celui-là, c’est Jésus de Nazareth. » Lui seul, et pas un autre au monde42 !
La guerre qui avait recommencé dans le Moyen-Age par des brutalités pures, et qui longtemps constitua le seul régime universel, essaya en vain de s’ennoblir par la sainteté du but dans les Croisades : ce n’étaient toujours que des masses se ruant à l’aventure, ou des prouesses individuelles se prodiguant aveuglément. […] En attendant, la guerre est un de ces grands faits historiques qu’il faut reconnaître et savoir étudier dans le passé : du moment qu’elle cesse d’être une pure dévastation et un brigandage, c’est un art, une science, et digne, à ce titre, de toute l’attention des esprits éclairés. […] Si l’on se reporte au xvie siècle, et en choisissant ce qu’il y a de mieux, on a, par exemple, les Mémoires ou Commentaires de Montluc que Henri IV appelait « la Bible du soldat. » Les maximes et préceptes qu’en y trouve ne sont que de détail, et applicables seulement à la guerre de partisan, de pures recettes de stratagèmes : rien qui atteigne l’ensemble des opérations.
Fontanes, connu par des débuts poétiques purs et touchants, s’en retire bientôt, s’endort dans la paresse, et s’éclipse dans les dignités : c’est là une fin non poétique, assez discordante, et que l’imagination n’admet pas. […] Des sentiments de famille naturels et purs, une facilité de talent non combattue, bientôt l’émotion rapide, mobile, du plaisir et de la rêverie, c’est là le fonds entier de sa jeunesse, ce sont les caractères qui, en simples et légers délinéaments, pour ainsi dire, vont passer de l’âme de Millevoye dans sa poésie. […] Aussitôt, pour te paraître belle, L’eau pure a ranimé son front, ses yeux brillants : D’une étroite ceinture elle a pressé ses flancs, Et des fleurs sur son sein, et des fleurs sur sa tête, Et sa flûte à la main……… La muse de Millevoye est bergère aussi, mais sans cet art inné qui se met à tout, et par lequel la fille de Chénier, sous sa corbeille, s’égale aisément aux reines ou aux déesses.
Weiss fait une terrible consommation de superlatifs absolus. ) Puis voici un mystère : « Perrault en écrivant les Contes, fit du pur moderne… Oh ! […] « La langue d’Amphitryon est la plus souple, la plus épanouie, la plus polie, la plus savoureuse, la plus riante, la plus pure qu’on ait écrite. » Quand il nous parle de Labiche, il n’y a plus que Labiche et son rire épique ; et quand il nous parle d’Octave Feuillet, il n’y a plus qu’Octave Feuillet et son délicieux romanesque, consolateur de l’homme dont le cœur est supérieur à sa fortune. […] Écoute ceci, et dis-moi si l’esprit, le pur esprit, l’esprit tempéré et fin, l’esprit qui se contient et se gouverne, la plus intime essence de nous-mêmes enfin, gens de Paris, de Gascogne et de Champagne, ne peut pas être une source de poésie tout aussi bien que l’imagination exaltée, les passions furieuses, le cœur qui se ronge et l’hypocondrie !
En face des tapageurs de Murger, il y a le Marius peint par Hugo dans les Misérables, avec une vérité autrement humaine, il y a Berlioz portant son pain dans la rue avec la sérénité d’un sage, il y a Wagner logeant dans le quartier des Halles et faisant sa partie dans des orchestres de cafés-concerts en méditant Lohengrin, il y a la belle, la silencieuse, la grave et pure misère des beaux créateurs d’art. […] Quel clubman, élevé dans les pures traditions de la gentry, désavouerait l’élégance vive et sérieuse de M. […] Il en fera uniquement l’homme qui passe, indifférent aux lieux, aux langages et aux foules, qui passe porteur d’une âme plus pure, d’un caractère plus beau, d’une éloquence et d’une charité plus altières, l’homme qui détient le secret des lois et des méthodes psychologiques, les raisons du cœur humain, les analogies et les idées générales de la société, l’homme qui, parmi les actifs du domaine transitoire, médite les vérités permanentes et les définit à travers les fluctuations de leurs formes.
Cependant Voltaire n’était pas un pur Descartes, il avait besoin aussi de l’amitié, des arts, des excitations sympathiques de chaque jour. […] Voilà Voltaire pur esprit. […] Quand on s’y met une fois, ce n’est pas pour peu : « Nous avons compté hier au soir, écrit Mme de Graffigny, que, dans les vingt-quatre heures, nous avons répété et joué trente-trois actes, tant tragédies, opéras, que comédies. » C’étaient des excès après un carême : « C’est le diable, oui le diable, que la vie que nous menons. » Dans ces grands jours et durant ces semaines dramatiques et féeriques, Voltaire est à l’état de pur génie.
Il me faut un plaisir pur et sans peine ; et je tourne le dos à un peintre qui me propose un emblème, un logogriphe à déchiffrer. […] Je ne saurais souffrir, à moins que ce ne soit dans une apothéose ou quelque autre sujet de verve pure, le mélange des êtres allégoriques et réels. […] Et puis l’un est pur et simple imitateur, copiste d’une nature commune ; l’autre est, pour ainsi dire, le créateur d’une nature idéale et poétique.
D’un autre côté, ces vérités ne subsistent pas en elles-mêmes ; elles ne seraient ainsi que de pures abstractions, suspendues dans le vide et sans rapport à quoi que ce soit. […] Ce qu’on exprime dans le langage ordinaire, en disant qu’entre les parties de l’espace pur il n’y a aucune différence. […] Vous avez employé l’abstraction pour isoler cette étendue et la considérer pure.
L’auteur, appelé par les devoirs de sa haute charge domestique à assister à la dernière maladie de Louis XV, en note tous les détails et les alentours avec cette vérité entière et inexorable qui ne fait grâce de rien ; le sentiment qui l’anime n’est pas une curiosité pure, et, dans ce qui semblerait même repoussant, sa probité s’inspire à une source plus haute : témoin de l’agonie d’un monarque et d’une monarchie, il veut flétrir ce qui en a corrompu la sève et ce qui en pourrit le tronc. […] C’est de la sorte seulement qu’on s’explique bien la chute des vieilles races, et la facilité avec laquelle, au jour soudain des colères divines et populaires, l’orage les déracine, sans que la voix tardive des sages, sans que les intentions les plus pures des innocentes victimes, puissent rien conjurer.