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365. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Platon, et Aristote. » pp. 33-41

Aristote est dur & sec en tout ce qu’il dit ; mais ce sont des raisons que ce qu’il dit, quoiqu’il le dise sèchement : sa diction, toute pure qu’elle est. a je ne sçais quoi d’austère ; & ses obscurités naturelles ou affectées dégoûtent & fatiguent les lecteurs. […] Il faisoit le monde éternel, le Hasard maître de tout, l’ame matérielle, & croyoit la vertu pratiquée en pure perte.

366. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — I »

Le voilà donc pendant tout l’hiver de 1661, le printemps et l’été de 1662, à Uzès ; tout en noir de la tête aux pieds ; lisant saint Thomas pour complaire au bon chanoine, et l’Arioste ou Euripide pour se consoler ; fort caressé de tous les maîtres d’école et de tous les curés des environs, à cause de son oncle, et consulté par tous les poëtes et les amoureux de province sur leurs vers, à cause de sa petite renommée parisienne et de son ode célèbre sur la Paix ; d’ailleurs sortant peu, s’ennuyant beaucoup dans une ville dont tous les habitants lui semblaient durs et intéressés comme des baillis ; se comparant à Ovide au bord du Pont-Euxin, et ne craignant rien tant que d’altérer et de corrompre dans le patois du Midi cet excellent et vrai français, cette pure fleur de froment dont on se nourrit devers la Ferté-Milon, Château-Thierry et Reims. […] C’était donc moins que jamais pour Racine le moment de quitter la scène où retentissait son nom ; il y avait lieu pour lui à l’enivrement, bien plus qu’au désappointement littéraire : aussi sa résolution fut-elle tout-à-fait pure de ces bouderies mesquines auxquelles on a essayé de la rapporter. […] Pour Néron, tout pur de sang qu’il est encore, son naturel féroce gronde depuis longtemps en son âme et n’épie que l’occasion de se déchaîner ; il a déjà essayé d’un poison lent contre Britannicus. […] Dans Euripide, ce mouvement est beaucoup plus prolongé : Phèdre voudrait d’abord se désaltérer à l’eau pure des fontaines et s’étendre à l’ombre des peupliers ; puis elle s’écrie qu’on la conduise sur la montagne, dans les forêts de pins, où les chiens chassent le cerf, et qu’elle veut lancer le dard thessalien ; enfin elle désire l’arène sacrée de Limna, où s’exercent les coursiers rapides : et la nourrice qui, à chaque souhait, l’a interrompue, lui dit enfin : « Quelle est donc cette nouvelle fantaisie ? […] C’est l’épanchement le plus pur, la plainte la plus enchanteresse de cette âme tendre qui ne savait assister à la prise d’habit d’une novice sans se noyer dans les larmes, et dont madame de Maintenon écrivait : « Racine, qui veut pleurer, viendra à la profession de la sœur Lalie. » Vers ce même temps, il composa pour Saint-Cyr quatre cantiques spirituels qui sont au nombre de ses plus beaux ouvrages.

367. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre premier. De l’illusion » pp. 3-31

. — Présence des images dans toutes les représentations sensibles et dans toutes les idées pures. — Dans toutes les perceptions extérieures, souvenirs, prévisions, actes de conscience. — Tendance générale de l’esprit à l’hallucination » — Dans toutes nos opérations mentales, il y a une hallucination, au moins à l’état naissant. — Exemples de son développement. — Phrases mentales qui deviennent des voix externes. — Images effacées qui, en ressuscitant, deviennent hallucinatoires. — Nos diverses opérations mentales ne sont que les divers stades de cette hallucination. […] En dehors de mes sensations tactiles et visuelles, je ne trouve rien en moi qu’un acte d’attention pure, acte spirituel, d’espèce unique, incomparable à tout autre. — Rien d’étonnant dans ce jugement ; si l’acte est spirituel et pur, c’est qu’il est vide ; nous l’avons vidé nous-même, en retirant de lui tous ses caractères, pour les poser à part et faire d’eux un objet. […] -H… étant hypnotisé, on plaça devant lui un verre d’eau pure qu’on l’amena à prendre pour du brandy. […] Était-ce là une pure imagination, ou y avait-il eu à Trilport un garde du port nommé G… ?

368. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre premier. »

Veut-il, par une singulière fantaisie, imiter, en l’honneur du duc de Vendôme, cette ode si élégante, si pure à la divinité favorite des Hellènes, aux Grâces, que Pindare invoquait, au nom d’un jeune vainqueur à la course, enfant de la belliqueuse ville d’Orchomène, où elles avaient un temple, Lamotte n’approche pas plus cette fois du tour noble et léger et de la dignité sereine du poëte, qu’il n’en avait ailleurs atteint la sublime grandeur. […] Il en reçut, non l’âme poétique qui ne se donne pas, mais de belles parures de langage, quelques grains d’or pur, qu’il étendit en feuilles minces et brillantes dans le tissu de sa diction laborieuse. […] Mais il ne lui prit jamais, et il ne sut produire, à son exemple, ni ces maximes de calme et de profonde sagesse qui rayonnent d’un éclat pur, au milieu des splendeurs poétiques, ni ces mouvements d’âme, ces rapides évolutions de pensées les plus vives qu’il y ait au monde, ni cette précision singulière en contraste avec l’abondance des images, ni ce mélange, ce choc rapide du sublime et du simple, du terme magnifique et du terme familier, ni cette propriété toute-puissante qui rend présent à tout ce que le poëte a vu dans son plus rare délire. […] Car ce poëte, ce musicien, est un sage, un disciple immédiat de l’école philosophique la plus pure avant Socrate et Platon, de cette école pythagoricienne qui, mêlant l’ardeur ascétique à la science, inspira les premiers martyrs de la vérité morale et forma plus tard le héros le plus honnête homme de l’antiquité, Épaminondas, élève du chanteur Olympiodore et du philosophe Lysis, en même temps que le plus agile coureur de la lice thébaine8, Épaminondas, grand homme, sans les vices trop fréquents des héros antiques et les défauts ordinaires des hommes. […] Certes, ce grand bienheureux ainsi nommé par le poëte, n’est pas le Jupiter corrupteur et profane, le dieu de la fable et du vice : c’est plutôt la pure et suprême intelligence que, deux siècles après, concevait Aristote, accusé d’athéisme dans son temps, mais loué par Bossuet pour avoir parlé divinement de l’âme.

369. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

Cette fois les mots sonnent, d’un pur argent, comme l’authentique retentissement de l’âme. […] Au contraire de la Critique de la raison pure, les œuvres de M.  […] Évidemment Octave Mirbeau exagère quand il dit que le style de ce roman est « aussi pur que le style de Flaubert ». […] Toute cette production se distribuera entre deux limites, dont l’une sera l’allégorie pure et l’autre ce que j’appellerai, faute d’un meilleur terme, le symbole pur. […] Baslèvre un pur amour menait vers la lumière un être terne qui avant d’aimer ne paraissait que le plus ordinaire des vaincus de la vie.

370. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome II pp. 1-419

Quel poète a jamais trouvé pour l’objet de son amour des paroles plus pures et plus ferventes ? […] Est-il permis de voir en lui un poète d’un talent très pur ? […] Une telle comparaison n’eût pas été un pur jeu de rhéteur. […] Michelet, n’est qu’une pure fantasmagorie. […] La vérité, la vérité pure compte encore de nombreux, de fervents adorateurs.

371. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « PARNY. » pp. 423-470

Son prétendu Fragment d’Alcée confesse ouvertement quelques-unes des maximes les plus usuelles de ce code relâché : Quel mal ferait aux Dieux cette volupté pure ? […] Cette douce et pure esquisse, ou plutôt ce pastel, aujourd’hui fort pâli, s’offrait en naissant avec bien de la fraîcheur et dans toute la nouveauté de ces teintes d’Ossian, que l’imitation en vers de Baour-Lormian venait de remettre à la mode. […] Riante comme l’innocence, Elle avait les traits de l’Amour ; Quelques mois, quelques jours encore, Dans ce cœur pur et sans détour Le sentiment allait éclore. […] N’était-ce là, de sa part, qu’une pure combinaison poétique ? […] Ce que la Muse a chanté par ma voix de plus pur, de plus chaste et religieux, c’est au retour de tes violents embrassements, ô Plaisir !

372. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. de Fontanes »

Il a laissé du pur descriptif lui-même ; sa Maison rustique (l’ancien Verger refondu) n’est pas autre chose. […] Chez lui la goutte de miel lent et pur était gardée d’un aiguillon très-vigilant. […] » Ainsi au poète mélancolique, délicat, pur, élevé, noble, mais un peu désabusé, parlait l’ardent poète avec grandeur. […] » Contraste à relever entre ce feu poétique ardent et ce que de loin on s’est figuré de la veine pure et un peu froide de Fontanes !   […] Decazes, et sans aller à droite jusqu’à la couleur pure du pavillon Marsan.

373. (1889) Les artistes littéraires : études sur le XIXe siècle

Ta gorge est plus lascive et plus souple que l’onde ; Le lait n’est pas si pur et la pomme est moins ronde. […] Considéré en tant qu’artiste pur, il modifie sans cesse son genre et sa manière. — Est-ce un adepte de l’antiquité grecque ? […] Se plaît-il dans le monde du fantastique comme Hoffmann, ou dans les sphères de l’idée pure comme M.  […] Il s’attache aux sujets bizarres, farouches, macabres qu’il emprunte aux contrées les plus lointaines, aux civilisations disparues les plus mystérieuses, ou enfin au domaine du pur fantastique. […] Personne : et tout le génie de Voltaire ne parvint jamais à ranimer cette versification régulière, pure, froide et sèche que lui avait légué le législateur du Parnasse. — En sera-t-il ainsi pour M. 

374. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre II. Le Roman (suite). Thackeray. »

Rencontre de l’art pur. […] Par pure vertu, elle hait le capitaine Rawdon, et ne souffrira pas qu’un si bon argent tombe en de si mauvaises mains. […] Mère de famille, femme d’un ecclésiastique anglais, j’ose affirmer que mes principes sont purs, et jusqu’au dernier soupir j’y serai fidèle. […] Quand dans le roman pur il parle en son nom propre, c’est pour faire comprendre un sentiment ou marquer la cause d’une faculté ; dans le roman satirique, c’est pour nous donner un conseil moral. […] Au sortir de la satire acharnée, la pure narration vous charme ; vous vous reposez de haïr.

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