On faisait de cette raison un être à part, subsistant par lui-même, séparé de la matière, logé par miracle dans un corps, n’ayant nulle puissance sur ce corps, ne lui imprimant des impulsions et ne recevant de lui des impressions que par l’intermédiaire d’un Dieu appelé d’en haut tout exprès pour leur permettre d’agir l’un sur l’autre. […] Partout autour de nous, dans les objets les plus bruts et les plus inertes, il y a des tendances, des élans, des efforts, des impuissances et des victoires, en sorte que notre âme, se retrouvant en eux sous une autre forme, se contemple dans la plante qui est une puissance, comme elle s’est contemplée dans l’animal qui est une pensée. […] Il n’est pas assez respectueux avec les puissances. […] Aussitôt que la face des jours printaniers s’est découverte et que le souffle fécond du zéphyr délivré est dans sa force, les oiseaux de l’air, les premiers, ô déesse, annoncent ta venue, le coeur frappé par la puissance.
» X Après cette idée formidable de la puissance de son protecteur, le poète vainqueur et couronné revient à lui et se rend à lui-même un fier hommage pour ses vertus. […] Quelle destinée, quelle puissance a la poésie quand elle s’inspire de la divinité ! XXII Quant à nous, nous ne nous étonnons pas de cette puissance de répercussion du son de l’âme humaine à travers toutes les âmes et tous les âges ; il y a dans le cœur du héros, du poète ou du saint, des élans de force qui brisent le sépulcre, le firmament, le temps, et qui vont, comme les cercles excentriques du caillou jeté dans la mer, mourir seulement sur les dernières plages du lit de l’Océan. […] Ô puissance de l’âme !
Je vais donc lire, je comprendrai davantage après avoir lu cette magnifique théologie naturelle de la science par laquelle l’auteur des choses permet à ses créatures d’élite telles que Newton, Leibniz, les deux Herschel, d’admirer sa puissance et de conjecturer sa sagesse par la perception plus claire de ses magnificences infinies ; le doigt savant de l’enthousiasme va m’approcher de lui, et je dirai, quoique ignorant, l’hosanna de la science, les premiers versets du moins de l’hymne à l’infini. […] Est-ce la puissance du feu ou celle de l’eau qui a fait élever les montagnes, qui a nivelé les plaines, qui a limité la mer et ses rivages ? […] Le feu du volcan qu’il gravit à Ténériffe était depuis longtemps éteint, mais ses vestiges furent pour Humboldt des lettres grandioses qui lui firent comprendre la puissance de cet élément qui mit jadis le globe en ignition, fit éclater sa surface, ensevelit dans des tremblements de terre hommes, animaux, plantes et villes, et qui, faisant encore pénétrer ses artères dans les profondeurs du globe, ébranle çà et là le sol, ou produit par l’ouverture des cratères, sortes de soupapes de sûreté, ces explosions de flammes et de lave bouillante qui viennent au jour. […] Convive assidu d’un roi, et ami demi-déclaré des libéraux, il continuait son vrai rôle : — capter la faveur des deux partis. — Goethe, envers lequel il était respectueux comme envers les puissances, écrivit de lui le 1er décembre 1826 : « Alexandre de Humboldt a passé quelques heures, ce matin, avec moi.
Cette terreur refoula son âme dans la réflexion et dans le sentiment, les deux puissances de la solitude. […] Le premier de ces deux opuscules avait pour but de convaincre les puissances étrangères qu’il fallait pactiser avec la république française sous peine de l’irriter jusqu’à la frénésie et de lui faire révolutionner l’Europe. […] Necker, il portait, dès le lendemain du 18 brumaire, ce défi aux puissances de la pensée : tel fut le caractère du gouvernement militaire sous les Marius, sous les Sylla, sous les Césars de Rome. […] Il ne voulait que le silence ou l’applaudissement ; il s’en expliqua nettement avec ses frères, Joseph et Lucien Bonaparte, moins dédaigneux que lui des influences littéraires et des puissances morales sur l’opinion.
Je conclus qu’un bonheur aussi constant n’est point l’effet de cette puissance aveugle et capricieuse qu’on appelle la fortune : Alexandre dut ses succès à son génie et à la faveur signalée des dieux. […] « La nuit, lorsque l’aquilon ébranlait ma chaumière, que les pluies tombaient en torrent sur mon toit, qu’à travers ma fenêtre je voyais la lune sillonner les nuages amoncelés comme un pâle vaisseau qui laboure les vagues, il me semblait que la vie redoublait au fond de mon cœur, que j’aurais eu la puissance de créer des mondes. […] La solitude est mauvaise à celui qui n’y vit pas avec Dieu ; elle redouble les puissances de l’âme, en même temps qu’elle leur ôte tout sujet pour s’exercer. […] L’orgueilleux ruisseau s’applaudit d’abord de sa puissance ; mais voyant que tout devenait désert sur son passage ; qu’il coulait, abandonné dans la solitude ; que ses eaux étaient toujours troublées, il regretta l’humble lit que lui avait creusé la nature, les oiseaux, les fleurs, les arbres et les ruisseaux, jadis modestes compagnons de son paisible cours. » Chactas cessa de parler, et l’on entendit la voix du flammant qui, retiré dans les roseaux du Meschacebé, annonçait un orage pour le milieu du jour.
Quelques observations morales qu’il démêle à l’aide de personnifications discrètes marquent la puissance de son esprit. […] Mais ici, la puissance originale de l’individualité les absorbe, et s’y ajoute, soit pour les transformer, soit pour les agrandir. […] Le détail de son style est d’un artiste : il a le sentiment de la puissance de la sobriété : il serre l’idée dans l’image, courte, franche, saisissante : c’est un maître de l’expression nerveuse et chaude. […] La « rhétorique » des Machault et des Chartier, transportée à la cour flamande et chevaleresque des ducs de Bourgogne, s’était développée avec une étonnante puissance dans cette atmosphère de lourde fantaisie et de frivolité puérile : elle avait donné en telle abondance toute sorte de fruits monstrueux et grotesques, le plus étonnant fouillis de poésie niaise, aristocratique, pédantesque, amphigourique, allégorique, mythologique, métaphysique, un laborieux et prétentieux fatras où les subtilités creuses et les ineptes jeux de mots tenaient lieu d’inspiration et d’idées.
Mais quiconque a fait le mal comme cet homme, il a beau cacher ses mains sanglantes, nous lui apparaissons avec force et puissance, incorruptibles témoins des morts, créancières du sang répandu. […] Sa raison perçante scrute leurs ténèbres ; elle y discerne du bien mêlé à du mal, des excès à corriger dans une puissance qu’il faut maintenir. […] Elles règnent avec une suprême puissance sur la destinée des hommes : aux uns, elles accordent les chants d’allégresse, aux autres elles infligent une vie attristée par les larmes… Ces spectres terribles vont, je le vois, être d’un grand secours à ma ville. […] Cette fois, ils s’émeuvent et ils se déclarent : l’idée de justice, qu’ils portaient en eux, s’est développée avec leur puissance.
Il posséda, à un degré aussi élevé que le héros des Deux assassinats ; la souveraine puissance raisonnante, démontra le principe de l’automate de Maelzel, découvrit le mystère judiciaire réel de l’assassinat de Marie Roget, déchiffra tous les cryptogrammes qui, à la suite d’un article, lui furent envoyés par des inconnus. […] » Cette puissance déductive, dont nous venons de marquer un cas extrême, apparaît merveilleusement dans le poème cosmogonique d’Eurêka. […] Car dans le panthéisme original de Poe, Dieu, suivant un rythme grandiose, tantôt se dissocie et s’immerge dans l’univers, cessant d’exister par cette incarnation dilatée, tantôt se concentre et se récupère en une unité mystique : Il fut une époque dans la nuit du temps, où existait un être éternel, — composé d’un nombre absolument infini d’êtres semblables qui peuplaient l’infini domaine de l’espace infini… De même qu’il est en ta puissance d’étendre ou de concentrer tes plaisirs (la somme absolue de bonheur restant toujours la même), ainsi une faculté analogue a appartenu et appartient à cet être divin, qui ainsi passe son éternité dans une perpétuelle alternation du Moi concentré, à une diffusion presque infinie de Soi-Même. […] Douant ses personnages de perspicacité, de puissance raisonnante, de rectitude déductive, retranchant de leur âme toute passion et tout désordre, il leur assigne une recherche, la fait entreprendre, poursuivre, manquer, jusqu’à ce que la solution soit dardée dans leur cerveau par quelque foudroyant coup de logique.
J’en avais eu presque du chagrin, et j’écris ce mot tendrement, car le talent d’Alphonse Daudet a la puissance de tant d’émotion qu’on ne peut s’empêcher de l’aimer, même quand on le juge. […] Le génie de Balzac ressemble au Pantagruel et au Gargantua de ce Rabelais qu’il aimait, et qu’il avait raison d’aimer, comme un fils aime son père, il a la grandeur presque monstrueuse et la puissance dévorante de ces êtres qui sont des chimères, tandis que lui, Balzac, est une réalité ! […] Sur le fond de l’immense pièce noyée d’ombre et ne recevant presque de clarté que par le vitrage arrondi, où la lune montait dans un ciel lavé, bleu de nuit, un vrai ciel d’opéra, la silhouette de la célèbre danseuse se détachait toute blanche, comme une petite ombre falotte, légère, impondérée, volant bien plus qu’elle ne bondissait ; puis debout, sur ses pointes fines, soutenue dans l’air seulement par ses bras étendus, le visage levé dans une attitude fuyante où rien n’était visible que le sourire, elle s’avançait vivement vers la lumière, ou s’éloignait en petites saccades si rapides qu’on s’attendait toujours à entendre un léger bris de vitre et à la voir ainsi monter à reculons la pente du grand rayon de lune jeté en biais dans l’atelier… Ce qui ajoutait un charme, une poésie singulière à ce ballet fantastique, c’était l’absence de musique, le seul bruit du rhythme, dont la demi-obscurité augmentait la puissance, de ce taqueté vif et léger, pas plus fort sur le parquet que la chute, pétale par pétale, d’un dahlia qui s’effeuille.. […] mais ce peut être une révélation de sa puissance.
Qui, ayant lu ce Prince de la Bohème, aussi profond que Le Prince de Machiavel et plus gai, n’est pas resté sous la merveilleuse puissance d’idéal que ce livre atteste ? […] Avec le style, telle est la seconde puissance de Rabelais, la seconde corne de ce front où le dieu fait soubassement au satyre. […] La courtisane Impéria dans toutes ses effigies, l’évêque de Coire, le cardinal de Raguse, le François Ier de La Mye du Roy, l’hôtelier des Trois Barbeaux, le moine Amador, le sire Julien de Boys-Bourredon, si mélancoliquement beau de regards et surtout de bouche, sont des portraits pensés et qui honorent autant l’intelligence que la main Mais dans cette longue galerie il y a aussi des figures manquées, ou répétées, ce qui est bien pis ; car la puissance trahie n’est pas de l’impuissance, tandis que la stérilité est bien plus qu’un malheur : c’est une misère. […] C’est ainsi que, dans ce roman sublime, Le Succube, quand il veut exprimer la dévorante séduction de cette Goule des cœurs, qui les suçait avec un simple regard jusque dans le fond de la poitrine, il figure cette puissance du regard par un rayon qui ressemble à un effet de soleil entrant par une porte ouverte et terminé par une griffe énorme… Un tel symbolisme est grossier et parfaitement indigne de l’artiste qui, dans Le Frère d’armes, a trouvé les deux yeux vivants du portrait, luisant si bien dans les ténèbres, et tirant, de leur expression seule, tout ce qu’ils ont de terrible et de merveilleux !