C’est précisément cette réalité que vous trouverez dans La Puissance des ténèbres. […] C’est l’âge où les hommes du tempérament de Corneille et de Hugo, loin de donner leur démission, ne songent qu’à recommencer, parce que, après avoir vaincu une génération, ils en trouvent en face d’eux une toute neuve, qu’ils ne connaissent point du tout, qu’ils n’ont point vaincue, et qui renouvelle en eux l’instinct de lutte et la volonté de puissance. […] Qu’est-ce que cela prouve, sinon que l’habileté mise au service du bien et du bon trouve sa véritable puissance ? […] C’est ainsi que je résume, exactement, je crois, le passage très médité, très pesé, non sans mérite, non sans vérité aussi, mais évidemment peu sympathique, que tout le monde connaît, mais qu’il convient de rappeler aux mémoires et que l’on peut tenir pour la profession de foi de tous ceux qui, assez intelligents pour comprendre Racine en somme, ont pour lui une animadversion, soit innée, soit d’école : « Un grand art de combinaison, un calcul exact d’agencement, une construction lente et successive, plutôt que cette force de conception, simple et féconde, qui agit simultanément comme par voie de cristallisation autour de plusieurs centres dans les cerveaux naturellement dramatiques ; de la présence d’esprit dans les moindres détails ; une singulière adresse à ne dévider qu’un seul fil à la fois ; de l’habileté pour élaguer plutôt que de la puissance pour étreindre ; une science ingénieuse d’introduire et d’éconduire ses personnages ; parfois la situation capitale éludée, soit par un récit pompeux, soit par l’absence motivée du personnage le plus important ; et, de même, dans les caractères, rien de divergent ni d’excentrique ; les parties accessoires, les antécédents peu commodes supprimés ; et pourtant rien de trop nu ni de trop monotone ; mais deux ou trois nuances assorties sur un fond simple ; — puis, au milieu de tout cela, une passion qu’on n’a pas vu naître, dont le flot arrive déjà gonflé, mollement écumeux et qui vous entraîne comme le courant blanchi d’une belle eau : voilà le théâtre de Racine. » Cette page, extrêmement remarquable du reste, mais un peu énigmatique, parce qu’elle est comme un conglomérat d’allusions, Sainte-Beuve l’explique par les exemples qu’il y rapporte et que, pour ainsi dire, il y met en marge et en renvois. […] Sainte-Beuve répond : « Surtout à Britannicus et à Phèdre. » Voyez donc comme Agrippine est adoucie, atténuée et pour ainsi parler étriquée par Racine [« habileté à élaguer plutôt que puissance pour étreindre »] ; voyez ce que devient dans la pièce française la monstrueuse criminelle de Tacite !
Ou bien, dans ses Mémoires, le seul livre de lui qui soit encore lisible, Marmontel allait plus loin, réduisant le mérite entier de l’auteur de l’Histoire naturelle à celui d’un « poète distingué dans le genre descriptif » ; attaquant jusqu’à son caractère ; et nous le présentant comme un courtisan assidu des puissances, et même un peu servile. […] — n’avait qu’à peine fait pressentir le charme étrange et la séduction ; si l’on ajoute enfin ce sentiment de la couleur historique, dont on essaierait vainement de nier la puissance ou même la justesse, puisqu’enfin il a suscité la vocation d’Augustin Thierry, on mesurera l’ingratitude fâcheuse dont la critique a fait preuve envers Chateaubriand, pendant une trentaine d’années ; on conclura sans hésitation avec M. […] Taine en 1856 : celui-ci est le quatrième, et sa prose, pour l’art et le génie vaut leurs vers. » Et, sans doute, c’est ce qui fait la puissance étrange, l’ardente et communicative émotion de ses Histoires, mais aussi, c’est ce qui les rend si dangereuses à lire, et dignes de tout autre nom, plus glorieux peut-être, mais non pas de celui d’Histoires.
Mme Dudlay a crié, et un peu sifflé, le rôle de Clytemnestre avec un emportement mal réglé quelquefois, mais d’une assez grande puissance. […] Il a « grande puissance » sur Philaminte, comme Tartuffe a grande puissance sur Orgon. […] Quand ils le verront mort, ils le verront s’armer ; Mais tant qu’il régnera, n’ayez pas l’espérance Que d’un maître implacable il brave la puissance. […] Lui aussi, il a « son troisième acte de Pour la Couronne » Mme Tessandier est exactement la même qu’il y a dix ans ; même grand air tragique, même admirable voix, même puissance ou grâce féline d’attitudes. […] La voix est très belle, la diction parfaite, l’intelligence du texte absolument juste et la puissance d’émotion extraordinaire — sans moyens violents — et extrêmement communicative.
Qu’est-ce, en effet, que cette « pensée » de Vigny : « Bonaparte aimait la puissance et visait à la toute-puissance : c’était fort bien fait, car elle est un fait et un fait incontestable, facile à prouver, tandis que la beauté d’une œuvre de génie peut toujours se nier ? […] Mais ce que je tiens à faire observer une fois de plus, c’est que, dans les âmes un peu hautes, la puissance d’aimer s’engendre de l’excès même du pessimisme ; et Vigny en est l’un des plus nobles exemples qu’il y ait. […] Ce serait faire tort aux Voltaire, aux Chateaubriand, aux Victor Hugo de ce qu’il y a de puissance dans leur fécondité même. […] Là, dans cette complexité, est la puissance, la beauté, la profondeur du symbole. […] Telle est l’origine de leurs « figures » ; tel aussi l’objet de leurs « mouvements » ; telle est l’explication de leur puissance.
Il se précipitait dans son œuvre avec furie, se laissant entraîner par la puissance irrésistible d’une nature merveilleusement douée ; de là sa verve et sa fougue. […] Et tout cela a à peine suffi à satisfaire cette activité prodigieuse, à mettre en œuvre cette puissance, cette vivacité dans l’action qui resteront pour la postérité un phénomène. […] Ici la corde patriotique vibre avec puissance. […] Mais parfois leur lumière se répand à la surface du ciel avec une telle puissance et une telle intensité, qu’elle efface la clarté des planètes et même celle du soleil. […] L’analyste tire du plaisir des occasions les plus triviales, parce qu’il n’en est pas où il ne puisse mettre en jeu sa puissance de perspicacité.
Les vieux se carrent dans leur gloire et leur puissance, s’occupant peu de ceux qui viendront après eux. […] À ce propos, madame Surville parle de la puissance fascinatrice de son frère. […] « Après les saveurs fortes et saines de l’observation est venu le rêve plein de débilité d’esprit, le rêve des découragés, des faibles, des lâches qui, fatigués de la peine, insensibles à la joie conquise après le travail, ont imaginé la mollesse du plaisir éternel, la force invincible, les êtres surnaturels, et appelé à leur secours des puissances informes qu’ils inventaient eux-mêmes. […] « Le vulgaire empirique, au contraire, se soumet à la nature comme à une puissance, avec une résignation aveugle et sans discernement. […] C’est là ta part de liberté ; dans cette œuvre de professeur de physique ou de commis de nouveautés, nous verrons ton originalité, ta puissance.
Isaac Pavlovsky, trois pièces russes, la Puissance des Ténèbres, du comte Tolstoï, l’Orage et Vassilissa Melentieva d’Ostrovsky : trois pièces dont la réunion à l’en croire, nous offre le tableau complet du peuple russe, « la Puissance des Ténèbres mettant en scène les paysans, l’Orage, la bourgeoisie, et Vassilissa, drame historique, la cour et la haute société de l’ancienne Russie ». […] Halpérine, qui avait traduit, lui aussi, la Puissance des Ténèbres. […] Méténier, naturellement, attribue l’insuccès de ces trois pièces à des causes tout autres ; ou plutôt il nie leur insuccès, et il a raison en ce qui regarde la Puissance des Ténèbres, car tous ceux qui ont vu jouer ce drame, jadis, au théâtre Montparnasse, en ont gardé la profonde impression comme d’une œuvre venue non point simplement d’ailleurs, mais de plus haut. Aussi bien je ne parlerai pas de la Puissance des Ténèbres. […] Mais depuis de longues années déjà elle a senti, et traduit dans ses vers, la tragique puissance de l’amour.
IX Après avoir décrit ainsi la puissance, la magnificence, la richesse territoriale et mobilière du roi de Perse, Chardin nous conduit dans le harem, dépôt des voluptés de ce prince, et dans le fond du harem, au centre de l’incomparable trésor en réserve de ce monarque. […] X Après avoir émerveillé et ébloui l’imagination de ses lecteurs par ce panorama de puissance et de richesse du royaume dont on lui découvre les entrailles, Chardin passe à la religion, à la politique, aux mœurs, et nous introduit dans la vie publique et dans la vie privée de ce peuple.
Cela arriva néanmoins d’une façon que l’on peut appeler miraculeuse, tant pour les circonstances que nous avons déjà observées, que pour celles que nous allons marquer, et qui font dire qu’il y a une puissance supérieure qui se mêle souverainement dans les affaires humaines, qui se rend maîtresse des événements, et qui fait réussir les choses bien souvent contre notre attente, comme il arriva ici, où Sefie fut élu malgré le complot des personnes intéressées, et les dispositions favorables qu’ils avaient données à leur entreprise. […] Le véritable sujet qui vous y porte, si vous voulez que je vous le dise, encore que vous le sachiez aussi bien que moi, c’est le désir que vous avez de gouverner la Perse, et longtemps et à votre gré ; c’est pour cela que vous voulez élire un enfant, sous la minorité duquel tout vous sera permis, et vous pourrez exercer une puissance absolue: car ce que l’on allègue du prince aîné, que sans doute il est privé de la vie ou de la vue, ne peut passer pour autre chose que pour une pure illusion.
Le théâtre n’eut pendant longtemps qu’un idéal, dont les traits sont répandus dans tous les poèmes dramatiques d’alors : c’est Louis XIV jeune homme ; c’est cette puissance si facilement portée, tant de gloire en si peu de temps, ses passions mêmes, qui tiraient je ne sais quelle grandeur de sa jeunesse, de la beauté de sa personne, de l’éclat de ses victoires, de la dignité royale jamais oubliée, de tous les devoirs de bienséance et d’affection sérieuse gardés envers la reine, non pour atténuer de graves torts par des égards, mais parce qu’il savait se gouverner dans l’entraînement. […] Des guerres calamiteuses, les mécomptes de tous les calculs, les bornes des passions les plus obéies, le vide de tous les plaisirs, les devoirs s’accumulant à mesure que les ressources diminuaient, tant de faiblesse au sein de tant de puissance, lui firent goûter de plus en plus les vérités de la chaire chrétienne, et cette hardiesse mêlée de respect qui lui montrait le néant de sa gloire et la misère de tout ce qu’il avait aimé.