Il semblait que le succès de son aîné l’eût fait pousser et se produire à la hâte, comme un enfant précoce qui devance l’âge d’être homme, séduit et perdu qu’il est par l’exemple de son grand frère. […] On sentait qu’il avait fallu toute une race de preux pour produire cette combinaison de traits purs et nobles, toutes ces grâces quasi royales qui se trahissaient lentement, comme celles du cygne jouant au soleil avec une langueur majestueuse. » Quoi qu’il en soit de l’explication dont je ne suis pas garant, la beauté fine et aristocratique de Valentine, qui ne répond point, dans le premier instant, au type rêvé de Bénédict, le gagne peu à peu, et la pauvre Athénaïs, déjà si compromise dans son cœur, lui semble une bourgeoise plus frelatée que jamais. […] Mérimée a produit d’excellent en ce genre.
Opposition qui produit des arcs-en-ciel dans la nature, mais qui, dans l’ordre du sentiment et de la poésie, produit des choses encore plus charmantes que des arcs-en-ciel ! […] dit-il, voilà juste la molécule qui a produit tel grand homme qu’il vous nomme sans peur.
Cette faculté que je tiens à signaler aujourd’hui, cette faculté qui vient de se produire en cette Fin d’un Monde et du Neveu de Rameau avec un si incroyable éclat et tant de puissance, M. […] Cette différence dans la composition de ce qui n’est qu’un dialogue à ce qui est un livre — de ce qui n’est qu’une joute de morale entre deux interlocuteurs, et un feu roulant d’épigrammes littéraires dont le temps a émoussé la pointe ; d’anecdotes obscures et de commérages, à ce qui est l’histoire d’un siècle, liée autour d’un homme, — à ce qui est une question de société et de nature humaine, — cette différence doit produire mille autres conséquences différentes de celle-là qui est fondamentale, et elle n’a pas manqué de les produire.
La Grèce, qui dans ce siècle produisit une foule de grands hommes, n’en a point eu qui ait été plus souvent, ni mieux loué que Socrate ; il est même à remarquer qu’un simple citoyen d’Athènes est devenu plus célèbre que beaucoup de princes qui, les armes à la main, ont changé une partie du monde. […] Ces beaux siècles de la Grèce qui produisirent les héros, firent naître aussi une foule d’écrivains pour relever leurs actions. […] Naissance, éducation, mœurs ; principes ou qui tiennent au caractère ou qui le combattent ; concours de plusieurs grands hommes qui se développent en se choquant ; grands hommes isolés et qui semblent jetés hors des routes de la nature dans des temps de faiblesse et de langueur ; lutte d’un grand caractère contre les mœurs avilies d’un peuple qui tombe ; développement rapide d’un peuple naissant à qui un homme de génie imprime sa force ; mouvement donné à des nations par les lois, par les conquêtes, par l’éloquence ; grandes vertus toujours plus rares que les talents, les unes impétueuses et fortes, les autres calmes et raisonnées ; desseins, tantôt conçus profondément et mûris par les années, tantôt inspirés, conçus, exécutés presque à la fois, et avec cette vigueur qui renverse tout, parce qu’elle ne donne le temps de rien prévoir ; enfin des vies éclatantes, dès morts illustres et presque toujours violentes ; car, par une loi inévitable, l’action de ces hommes qui remuent tout, produit une résistance égale dans ce qui les entoure ; ils pèsent sur l’univers, et l’univers sur eux ; et derrière la gloire est presque toujours caché l’exil, le fer ou le poison : tel est à peu près le tableau que nous offre Plutarque.
Ampère, le gros du public sérieux s’en peut faire une idée aujourd’hui par les excellents volumes qui divulguent, aux yeux de tous, les fruits de sa méthode et de ses recherches ; une entreprise ainsi produite fonde à l’instant ou confirme un nom. […] C’est une erreur de croire que la poésie ne doive se produire que directement. […] Produite, au contraire, elle s’évapore, s’altère plus ou moins dans cette atmosphère publique de vanité, et, quand d’autres la respirent à l’envi, le cœur même d’où elle est sortie peut demeurer aigri ou désert. […] Est-ce par des fleurs qu’il va se produire ? […] De même, avant l’œuvre tout à fait entamée et avancée, il y a plus d’une forme, je le crois, plus d’une issue possible à un vif esprit pour se produire et donner tout ce qu’il contient ; mais une fois la forme de l’œuvre prise ou imposée, pour peu qu’elle convienne, l’esprit s’y loge à fond et y passe tout entier.
Les critiques comme Niebuhr, ces provocateurs d’idées et de génie, servent à faire produire en définitive aux doctes judicieux et ingénieux ces écrits qui, sans eux et leur assaut téméraire, ne seraient peut-être jamais sortis. C’est comme le produit net du débat : après quoi la clôture. […] Ce serait une branche de police qui produirait des fruits innombrables… » Voilà l’idée première et toute grossière, me disais-je ; celle de se dénoncer soi-même et de s’octroyer le bâton n’est venue qu’après199. […] Bayle, dans l’article Tanaquil de son Dictionnaire, après avoir soigneusement déroulé le tissus de contes qui se rattachent à cette princesse, ajoute que, si l’on avait fait faire à de jeunes écoliers des amplifications sur des noms de personnages héroïques, et qu’on eût introduit ensuite toutes ces broderies dans le corps de l’histoire, on n’aurait guère obtenu un résultat plus fabuleux. « Cela eût produit de très-grands abus, dit-il avec son air de maligne bonhomie, si les plus jolies pièces de ces jeunes gens eussent été conservées dans les archives, et si, au bout de quelques siècles, on les eût prises pour des relations. […] Mais tout ce scepticisme, avant Niebuhr, n’était pas sorti d’un cercle restreint ; il souriait silencieusement au bas d’une note de Bayle, où se jouait avec l’abbé Barthélemy dans le salon de Mme de Choiseul ; il s’enfermait avec Pouilly et Levesque au sein de l’Académie des Inscriptions ; maintenant il s’est produit en plein jour et a passé à l’état vulgaire.
Homme distingué d’ailleurs plutôt que précisément laborieux, de société plutôt que de cabinet, sachant et donnant beaucoup par la conversation, il appartenait à cette classe d’esprits éclairés que produisit avec honneur la fin du xviiie siècle. […] Une autre école, opposée à cette philosophie, produisait alors d’éloquents écrivains, des critiques instruits et piquants sans doute ; mais c’était une réaction qui, en parant à un excès, poussait à un autre. […] Contentons-nous d’en atteindre le bienfait, en quelque sorte, dans les Mémoires de Mme de La Rochejaquelein, produit littéraire heureux de cet esprit de conciliation et de sympathie, fruit charmant né, pour ainsi dire, de cette greffe des deux France. […] Il sembla donc à M. de Barante que, par une construction artistement faite de ces scènes originales et en se dérobant soi-même historien, il était possible de produire dans l’esprit du lecteur, à l’occasion des aventures retracées de ces âges et avec l’intérêt d’amusement qui s’y mêlerait, une connaissance effective et insensiblement raisonnée, un jugement gradué et fidèle. […] Il n’en restera pas moins vrai en principe que, puisqu’après tout l’historien fait toujours quelque peu l’histoire, soit qu’il articule à l’occasion ses pensées, soit qu’il se borne à extraire, à disposer les faits de manière à produire indirectement l’effet qu’il désire, il n’y a pas lieu, dans le champ ordinaire de ce noble genre, à tant de scrupule artificiel, à tant d’effacement de soi, à tant de confiance surtout en la réflexion du lecteur.
Le fer des piques ne produit que du sang : le pain ne s’acquiert qu’avec la charrue… On a voulu nous éblouir de la gloire des combats : malheur aux peuples qui remplissent les pages de l’histoire ! […] S’élevant contre les Casca et les Brutus de club ou de carrefour dont la race foisonnait alors, il dit énergiquement : « On tue les hommes, on ne tue point les choses, ni les circonstances dont ils sont le produit. » Il semble pressentir par avance que le moment approche où l’on aura besoin d’un César. […] Tout ce qui tient à Volney, tout ce qu’il a produit doit avoir un caractère particulier, dont la recherche n’est jamais bannie. […] Volney, sous le choc, épouvanté de l’effet qu’il avait produit, perdit connaissance : on dut le transporter chez son ami le minéralogiste La Métherie, chez qui il resta quelques jours. […] un jour peut-être, cela pourra sortir et se produire à la lumière avec utilité et profit pour la postérité.
Tant qu'on aura parmi nous l'idée de la belle Poésie, & le goût des véritables beautés, Rousseau sera regardé comme le Génie le plus étonnant que notre Nation ait produit. […] M. de Voltaire a beau s'épuiser en raisonnemens, se consumer en recherches, pour prouver que celui dont il se glorifioit autrefois d'être l'Eleve & l'Ami, est véritablement l'Auteur des Couplets qui occasionnerent ses malheurs ; tous ses efforts seront inutiles, & ne produiront jamais que cette réflexion : Comment l'Auteur de tant d'Ouvrages, plus condamnables & plus odieux que ces mêmes Couplets, ose-t-il se déclarer si obstinément l'accusateur d'un homme plus malheureux que coupable, plutôt soupçonné que convaincu ?
Peut-être eût-il été à souhaiter que les savans auteurs n’eussent pas fait entrer dans leur livre les vies de tant d’écrivains inconnus, qui n’ont produit quelquefois qu’un mandement, ou qu’une lettre moins étendue que l’article qu’on leur a donné dans l’histoire littéraire. […] Pour qu’il eût produit cet effet, il auroit fallu traiter chaque article plus au long & avec plus de profondeur, connoître tous les bons auteurs sur chaque matiere ; en porter des jugemens réfléchis, & laisser dans l’oubli une foule d’écrits vains qu’on ne peut pas lire.