Mais, dans cette explication qui s’est tant de fois répétée depuis, rien n’est exact ; le grave Turgot a imaginé une cause gratuite, et si de petits motifs en effet contribuèrent à produire ces grandes calamités, Bernis du moins n’a point à rougir, pour sa part, d’en avoir introduit un aussi mesquin et aussi misérable que celui dont on l’accuse. […] [NdA] « Dans sa jeunesse, l’abbé de Bernis avait langui dans la misère, ne vivant que du produit du travail qu’il faisait pour un libraire dont la femme lui était chère, et recevant quelquefois de ses amis ou de ses amies de quoi payer son fiacre. » (Tiré d’une notice manuscrite qui est en tête du Recueil des lettres de Bernis à Choiseul, dont il sera parlé ci-après.)
Il fit son mémoire au roi ; il y développa assez énergiquement ses motifs et y produisit un exposé sans fard de la situation. Avec cela, il continua d’y mêler sa chimère, laquelle consistait à rester dans le Conseil après avoir résigné son portefeuille à M. de Choiseul, à chercher à compléter le nouveau ministre et à se laisser compléter par lui : « Il peut se concerter avec moi, j’ai des choses qu’il n’a pas, il en a qui me manquent : tout cela ensemble ne peut produire qu’un bon effet. » Louis XV mécontent ne répondit pas sur cet article : il consentit à la démission de Bernis en faveur de M. de Choiseul par une lettre datée de Versailles (9 octobre 1758), qui commence ainsi : « Je suis fâché, monsieur l’abbé-comte, que les affaires dont je vous charge affectent votre santé au point de ne pouvoir plus soutenir le poids du travail… » Il y marquait nettement son système personnel en ces mots : « Je consens à regret que vous remettiez les Affaires étrangères entre les mains du duc de Choiseul, que je pense être le seul en ce moment qui y soit propre, ne voulant absolument pas changer le système que j’ai adopté, ni même qu’on m’en parle. » Choiseul n’avait plus qu’à arriver de Vienne.
J’en comparerai l’effet à celui que produisent certaines élégies rurales de Tibulle plus encore qu’à celui de l’ode d’Horace. […] Ce n’est donc pas tout à fait un désavantage pour Racan de s’en être tenu dans sa peinture à des images plus générales et plus larges : il y a gagné de produire une inspiration plus uniment champêtre, et sa pièce, moins curieuse pittoresquement que celle d’Horace, a bien plus de naïveté.
Je dirai donc aussi qu’en maint cas Gibbon ne produit point la parfaite lumière : il s’arrête en deçà du sommet où peut-être elle brille. […] La Révolution produisit pourtant sur lui cet effet assez singulier et, quand on y réfléchit, assez naturel, de lui rendre ou plutôt de lui donner un peu de ce patriotisme dont il avait eu jusque-là si peu.
Que sera-ce donc quand elle sera chez elle, dans sa fondation propre, dans sa ruche de prédilection, avec toute sa joie et son orgueil de reine abeille et de mère, ayant une fois réussi à produire le parfait idéal qui était en elle ? […] Mme de Maintenon est sortie tout à fait à son honneur de cette étude précise et nouvelle ; on peut même dire que sa cause est désormais gagnée : elle nous apparaît en définitive comme une de ces personnes rares et heureuses, qui sont arrivées, dans un sens, à la perfection de leur nature, et qui ont réussi un jour à la produire, à la modeler dans une œuvre vivante qui a eu son cours, et à laquelle est resté attaché leur nom.
Dès que sa goutte était passée, son cerveau lui paraissait, dit-on, plus dégagé qu’auparavant, son imagination plus nette et plus pure ; il se sentait alors plus en train d’étudier, et singulièrement démangé de l’envie de produire et de mettre en œuvre toutes les belles matières qu’il avait amassées. […] Il a jugé que cette sorte d’éloquence ne pouvait souffrir deux Balzacs, non plus que l’empire d’Asie deux souverains, et le monde deux soleils ; que même la nature, je dis la jeune nature, lorsqu’elle était la plus féconde en miracles34, eût eu de la peine de produire en France deux hommes faits comme vous, et que sur son déclin, pour vous donner au monde, elle a épuisé ses derniers efforts.
On peut tenir pour une merveille qu’un seul auteur ait produit tant de choses. […] Il trouve des expressions significatives pour rendre l’espèce de répulsion et de frayeur qu’il avait produite : « Un silence profond de ceux qui étaient auparavant mes amis dans les lettres, et qui m’ont abandonné depuis, comme si je les avais offensés de leur avoir donné de mes livres, m’a fait assez apercevoir du sentiment public sur ce sujet26. » Je ne sais si l’on trouverait un autre exemple, un autre cas aussi caractérisé de discrédit que celui de Marolles ; c’est un phénomène à étudier dans son genre.
Les raisons qui furent données dans cette occasion, et celles, en général, qui se produisirent dans d’autres discussions particulières, Pellisson nous les déduit d’ordinaire en de petits discours indirects imités de ceux de Tite-Live, et qui n’en semblent pas moins à leur place. […] Qu’on se figure, sur chaque œuvre capitale qui s’est produite en littérature, un rapport, un jugement motivé de l’Académie prononcé dans les six mois ; et qui (toute proportion gardée, et en tenant compte des temps et des convenances diverses) n’eût pas été inférieur pour le bon sens, pour l’impartialité et la modération, à ces sentiments sur Le Cid.
Outre le droit qu’elle a sur mon admiration et ma reconnaissance, elle en a un tout particulier sur cet agréable travail33, entrepris sous ses auspices : je lui en fais l’hommage avec mystère, parce que je ne puis le faire à découvert ; ceux qui ont éprouvé le doux transport qu’excite dans l’occasion le souvenir d’un bienfait signalé, ne désapprouveront pas que mon cœur cherche à se soulager lorsqu’il ne peut se satisfaire ; ils ne seront pas surpris de me voir ajouter que dans mes regrets d’être obligé de taire l’illustre Objet de sentiments si légitimes, si naturels, et qui ne demandent qu’à se produire, je me console quelquefois par l’espérance qu’on le devinera, sans que j’aie couru le risque de tomber dans le malheur de lui déplaire. » On me dira que c’est là une Épître dédicatoire ; mais cette Épître ne portant aucun nom, elle n’est évidemment pas pour la montre ; c’est la reconnaissance toute pure qui s’épanche, et tout ce que nous savons, c’est que l’humble auteur anonyme, du temps qu’il était moine, ayant été rencontré par Mme de Boufflers dans le jardin d’un couvent où elle était entrée par hasard, avait profité de l’occasion pour l’intéresser au récit de ses malheurs ; il lui avait dit tous les dégoûts qu’il avait à essuyer dans sa profession ; et elle, touchée de son sort, l’avait fait relever de ses vœux, avait pris soin de sa fortune et, avec la liberté, lui avait rendu le bonheur. […] Quand on a eu une vraie distinction, on ne meurt jamais entièrement au sein de la société et du régime dont on a été, qui vous a produit et qui vous survit, et où se transmettent tant bien que mal les souvenirs ; mais là où on court le risque à peu-près certain de périr et d’être abîmé tout entier, c’est quand le déluge fatal qui survient tôt ou tard, le tremblement ou le déplacement des idées et des conditions humaines envahit et emporte l’ordre de choses même et tout le quartier de société et de culture qui vous a porté.
Il appréhendait que « ces discours qui avaient charmé dans sa bouche n’eussent pas le même succès quand ils seraient sur le papier. » Legendre, qui avait eu l’idée de les rédiger, est forcé de convenir que le prélat avait raison : « J’ai de lui des sermons qui avaient charmé quand il les avait prononcés et qui réellement ne m’ont paru, en les lisant, que des pièces assez ordinaires. » Les fameuses Conférences restèrent donc à l’état de pure renommée et de souvenir ; si glorieuses qu’elles fussent pour le prélat, elles avaient cessé du jour où il avait pensé que l’effet était produit et son nom remis suffisamment en honneur. […] Feuillet, chanoine de Saint-Cloud (un ecclésiastique des plus rigides), étant allé rendre compte, il y a sept ou huit jours, à M. de Paris du fruit ou plutôt de l’endurcissement qu’avaient produit les prédications de son Avent, ce Prélat, qui sait que ce prédicateur à grande entrée chez Monsieur (frère du roi), lui demanda qui on donnerait pour confesseur à Son Altesse ?