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188. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Introduction »

Je ne considérerai donc la morale et la politique que sous le point de vue des difficultés que les passions leur présentent ; les caractères qui ne sont point passionnés se placent d’eux-mêmes dans la situation qui leur convient le mieux, c’est presque toujours celle que le hasard leur a désignée, ou s’ils y apportent quelque changement, c’est seulement dans ce qui s’offre le plus facilement à leur portée. […] Deux ouvrages doivent se trouver dans un seul ; l’un étudie l’homme dans ses rapports avec lui-même, l’autre dans les relations sociales de tous les individus entre eux ; quelque analogie se trouve dans les idées principales de ces deux traités, parce qu’une nation présente le caractère d’un homme, et que la force du gouvernement doit agir sur elle, comme la puissance de la raison d’un individu sur lui-même. […] Ces diverses réflexions ne pourraient avoir de prix qu’en les appuyant sur des faits, sur une connaissance détaillée de l’histoire, qui présente toujours des considérations nouvelles, quand on l’étudie avec un but déterminé, et que guidé, par l’éternelle ressemblance de l’homme avec l’homme, on recherche une même vérité à travers la diversité des lieux et des siècles. […] À la fin d’un semblable ouvrage, cependant, sous quelque point de vue général que ces grandes questions fussent présentées, il serait impossible de ne pas finir par les particulariser dans leur rapport avec la France et le reste de l’Europe. […] Enfin, de quelque manière que l’on juge mon plan, ce qui est certain, c’est que mon unique but a été de combattre le malheur sous toutes ses formes, d’étudier les pensées, les sentiments, les institutions qui causent de la douleur aux hommes, pour chercher quelle est la réflexion, le mouvement, la combinaison, qui pourrait diminuer quelque chose de l’intensité des peines de l’âme ; l’image de l’infortune, sous quelque aspect qu’elle se présente, et me poursuit, et m’accable.

189. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame, secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. »

Il nous présente avec bien de la ressemblance ou de la vraisemblance ces figures de prédicateurs secondaires, l’abbé Anselme, l’abbé Boileau et autres, et il y mêle à l’occasion un grain de raillerie et de causticité, comme peut le faire un rival en parlant de ses rivaux. […] Le genre du Sermon, pris en dehors de son action présente, immédiate, et à l’état de branche littéraire, est, quoi qu’on fasse, un genre triste et presque nécessairement ennuyeux. […] Jacquinet, vient de présenter réunis dans une analyse et une Étude complète tous les prédicateurs antérieurs à Bossuet, et dont les noms seuls étaient assez vaguement connus39. […] Sa thèse de philosophie avait eu de la célébrité à son moment ; et, au bruit qu’elle fit, le cardinal de Richelieu, quoique peu disposé en faveur des Champvallon, avait voulu que le jeune soutenant lui fût présenté. […] Des Prédicateurs du xviie  siècle avant Bossuet ; thèse présentée à la Faculté des Lettres de Paris par P.

190. (1897) Préface sur le vers libre (Premiers poèmes) pp. 3-38

L’objection, qui se présente de suite, la voici : « Mais vous n’eûtes point les prémisses de ces musiques. […] Il y a quinze ans environ, parmi les poètes déjà notoires, d’aucuns cherchaient déjà à réformer, à modifier leur procédé poétique ; deux méthodes se présentaient, grâce à plusieurs poètes. […] Si un livre de vers libres ne parut point avant les Palais Nomades, ce n’est point tant la forme que j’en jugeais insuffisante pour être présentée au public que le fond. […] Parmi les éléments du vers libre, celui-ci existe, il en contient d’autres, et bien d’autres ambitions, car quel est le novateur qui, tout en sachant ses origines (sans cela il ne serait point conscient), ne rêve une totale reconstruction de tout, d’autant que tout critique sérieux se rend compte qu’en ébranlant un pan de la façade artistique on touche à toute la façade sociale ; c’est ce qui explique que, lorsque les revendications d’art se présentent, elles rencontrent d’aussi agressives résistances. […] Voici une autre objection plus grave ; c’est d’ailleurs un grand poète qui la présente.

191. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre IV. L’unification des sociétés »

L’unification des sociétés Dans les grands ensembles complexes que présente l’histoire humaine, nous avons discerné, pour mesurer l’influence égalitaire de leur nombre et de leurs rapports, les individus, puis les groupes partiels. […] Sous quel aspect se présente à nous notre Ancien régime ? […] Dès le début de leur puissance, leurs missi se présentent comme les « défenseurs de la veuve et de l’orphelin ». […] Le spectacle que présente aux esprits une société unifiée est donc bien fait pour les porter à égaliser les hommes. […] Et c’est parce qu’elle est aussi énergiquement unifiée qu’elle est essentiellement anti-égalitaire. — L’unification, que nous présentions comme favorable à l’égalitarisme, lui serait donc, suivant Spencer, essentiellement hostile.

192. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — II. (Suite.) » pp. 147-161

Sully toujours, qui juge sévèrement et en serviteur de la veille les hommes ralliés du lendemain, affecte de présenter Villeroi comme le type de ceux qui, en des temps de révolution et de discorde civile, s’efforcent de nager tant qu’ils peuvent entre deux eaux (ce que les Anglais appellent un trimmer), qui se ménagent comme neutres entre les deux partis, temporisent, négocient, se rendent utiles des deux côtés, le tout afin de se faire, en fin de compte, acheter plus chèrement. […] Ses maximes habituelles sont, en effet, que « c’est grande prudence aussi de céder quelquefois au temps et aux occasions qui se présentent, car par ce moyen l’on évite souvent de grands périls, lesquels passés, l’on recouvre après facilement, voire au double, ce que l’on y a mis ». […] Dans une lettre de Henri IV à Sully, datée de Calais, 2 septembre 1602, on lit : « J’écris au président Jeannin qu’il vienne avec vous, car je suis de votre avis qu’il pourra se présenter occasion de l’employer. » Il était conseiller au Conseil d’État ; intendant des finances ; employé et consulté dans toutes les affaires importantes et secrètes. […] Sur cet avis, à quelque prix que ce fût, il voulut faire voile, et s’en alla sur le port, où la bonne fortune lui présenta le vice-amiral de Zélande, qui avait ordre de le passer avec trois vaisseaux de guerre qu’il avait laissés à la rade… Il partit, continue Saumaise, quelque résistance que lui fît l’amiral, et fûmes trois jours entiers les voiles abattues et pliées, à n’aller que par marée, quelquefois à la bouline et toujours avec travail ; cependant notre bon vieillard, quelque malade qu’il fût, ne se voulut coucher et dit qu’un homme de bien ne passait point la mer dans un lit.

193. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — I » pp. 248-262

S’il y a dans ces volumes quelques questions accessoires, étrangères à ce qui en doit faire le principal intérêt, je les laisserai de côté pour ne m’attacher qu’à la personne et au caractère de Bossuet même, et je tâcherai de marquer en quoi la publication présente ajoute à l’idée de ce grand homme et augmente ou modifie sur quelques points les notions qu’on a de lui. […] Enfin monté en chaire, et dans la prononciation, il suivait l’impression de sa parole sur son auditoire, et soudain, effaçant volontairement de son esprit ce qu’il avait médité, attaché à sa pensée présente, il poussait le mouvement par lequel il voyait sur le visage les cœurs ébranlés ou attendris. […] Bossuet, à la différence de Bourdaloue ou de Massillon, n’a donc jamais répété ni le même carême ni le même Avent ; il se renouvelait sans cesse, il s’appropriait sans relâche ; il était incapable de monotonie, d’uniformité, même en parlant de ce qui ne varie pas ; il voulait dans ses instructions les plus régulières une fraîcheur de vie toujours présente, toujours sensibleaa ; rien du métier ; il voulait l’action, l’émotion toute sincère ; il fallait que toute son âme, son imagination, émues de l’Esprit d’en haut, y trouvassent leur place et à se répandre chaque fois ; il ne pouvait souffrir dans l’orateur sacré que toutes ses paroles et ses mouvements fussent à l’avance réglés et fixés ; ce n’était plus verser la source d’eau vive. […] [1re éd.] il était incapable de monotonie, d’uniformité ; il voulait dans ses instructions les plus régulières une fraîcheur de vie toujours présente, toujours sensible

194. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VIII. De l’éloquence » pp. 563-585

Les efforts s’accroissent toujours en proportion de la récompense ; et lorsque la nature du gouvernement promet à l’homme de génie la puissance et la gloire, des vainqueurs dignes de remporter un tel prix ne tardent point à se présenter. […] D’autres sans inquiétudes sur eux-mêmes, mais ne voulant point blesser les souvenirs de quelques-uns de leurs auditeurs, n’osaient parler avec enthousiasme de la justice et de l’équité ; ils essayaient de présenter la morale avec détour, de lui donner la forme de l’utilité politique, de voiler les principes, de transiger à la fois avec l’orgueil et les remords qui s’avertissent mutuellement de leurs irritables intérêts. […] Les pensées philosophiques vous placent naturellement à cette élévation où l’expression de la vérité devient si facile, où l’image, où la parole énergique qui peut la peindre se présentent aisément à l’esprit animé du feu le plus pur. […] Elle ne s’exercera plus sur tout ce qui a rapport aux sciences politiques et métaphysiques, sur toutes les idées abstraites de quelque nature qu’elles soient ; mais elle n’en sera que plus honorée : car on ne pourra plus la présenter comme dangereuse, si elle se concentre dans son foyer naturel, dans la puissance des sentiments sur notre âme.

195. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Journal de la campagne de Russie en 1812, par M. de Fezensac, lieutenant général. (1849.) » pp. 260-274

Voilà un court récit, très simple, très intéressant, qui n’a nullement la prétention d’être une histoire de l’expédition de Russie, de cette expédition éloquemment présentée par M. de Ségur, sévèrement discutée par M. de Chambray, et que d’autres écrivains embrasseront encore dans son ensemble. […] Les colonels rivalisèrent de zèle pour présenter leurs régiments en bon état. […] Ces voitures, marchant sur plusieurs rangs dans les larges routes de la Russie, présentaient l’aspect d’une immense caravane. […] » De semblables souvenirs peuvent naturellement se rappeler au sujet de l’auteur de la narration présente : il est de ceux qu’un Xénophon lui-même n’aurait pas désavoués pour le ton, et il se souvient de Virgile.

196. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — I. La Poësie en elle-même. » pp. 234-256

Il faudroit que le gouvernement proscrivît aussi ces arts aimables, à cause des objets dangereux qu’ils présentent quelquefois à la vue. […] Un certain baron, Walef, rimailleur subalterne, s’étoit mêlé de faire réussir, en Espagne, une négociation, & avoit présenté, au cardinal Albéroni, un Mémoire plein de visions & d’extravagances, dans lequel cette princesse étoit compromise. […] Voulant engager le pape Clément VI, qui faisoit sa résidence à Avignon, de revenir à Rome, ils députèrent, vers lui, Pétrarque, qui lui présenta de très-beaux vers. […] Au reste, ce prince n’aimoit pas plus les philosophes & les sçavans que les poëtes : témoin l’exil du célèbre Wolf & le mauvais accueil qu’il fit au jeune Baratier, fils d’un François réfugié, qui lui fut présenté comme un prodige d’érudition.

197. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — Se connaître »

La première est pratiquée par une foule de paisibles citoyens, à célébration lente et restreinte, ancrés dans un optimisme national atavique qui ne leur permet pas de douter un seul instant de la supériorité de la mère-patrie sur toute nation passée, présente ou future, supériorité pour eux indubitable, inébranlable, indiscutable, historique et légendaire, écrasante, immuable, inscrutable autant qu’un dogme ou qu’une loi de nature existant de toute éternité. […] L’auteur, prenant texte des déclarations pessimistes de ceux qui se déclarent « inquiets des signes d’épuisement trop visibles » que présente notre pays, se propose de démontrer que ce pessimisme est tout à fait hors de saison. « Sommes-nous si malades ?  […] Quand une nation est parvenue au point où est la France à la veille du vingtième siècle, deux alternatives se présentent : continuer à se croire vigoureuse, lorsque la maladie la dévore, et par conséquent se résigner à la ruine finale, brève ou lente, à un rôle de plus en plus médiocre dans le monde ; ou bien se réveiller brusquement de sa léthargie, mesurer d’un coup d’œil toute l’étendue du mal, et appeler à soi toute son énergie pour se guérir. […] Malgré les jugements pessimistes que peuvent nous inspirer les spectacles de l’heure présente, il n’est peut-être pas absolument vain d’espérer, si nous surprenons sous la plume d’un patriote aussi avancé que M. 

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