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247. (1925) Dissociations

Il est même possible que, dans l’avenir, on n’attache plus au témoignage humain une grande importance. […] On se dit : « Est-ce possible ? […] Je ne dis pas qu’une telle union soit probable, mais seulement qu’elle est possible. […] N’avons-nous pas chez nous trois classes de saints, avec avancement possible ? […] C’est bien possible, bien que cela ne soit pas certain.

248. (1925) La fin de l’art

C’est que, précisément, sans effort intellectuel il n’est peut-être pas de plaisir possible. […] La vie sans sel est-elle possible ? […] Nous sommes dans une situation analogue devant les actes possibles de la vie. […] Est-il possible de reconstituer la Normandie ? […] C’est bien possible.

249. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre cinquième. Le réalisme. — Le trivialisme et les moyens d’y échapper. »

L’idéal et le possible sont le domaine des rêves les plus multiformes. […] L’idéal ne vaut même, dans l’art, qu’autant qu’il est déjà réel, qu’il devient et se fait : le possible n’est que le réel en travail ; or il n’y a pas d’idéal en dehors du possible. […] C’est en partie parce que les images que nous fournit sa fantaisie perdent de leur intensité dès qu’elles sont pour nous en contradiction ouverte avec le possible. […] Le but de tout écrivain est de produire chez le lecteur la totalité de l’émotion qu’il décrit, et cela, en décrivant le plus petit nombre possible des symptômes extérieurs ou intérieurs de cette, émotion. […] L’art doit imiter le souvenir ; son but doit être d’exercer comme lui l’imagination et la sensibilité, en économisant, le plus possible leurs forces.

250. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre II. L’antinomie psychologique l’antinomie dans la vie intellectuelle » pp. 5-69

Partisans résolus du monisme sociologique, ces penseurs atténuent le plus possible l’action des influences irréductibles à la socialité : physiologie, hérédité, race. […] Il combat en elle un principe possible de différenciation individuelle, principe restrictif ou limitatif de l’éducationnisme et de l’humanisme niveleurs. […] Cela est si vrai que M. de Gobineau regarde la race comme le seul fondement possible d’une unité intellectuelle et morale véritable. […]   En présence de l’échec du rationalisme scientiste et du rationalisme sociologique, tournons-nous vers les pragmatistes et demandons-nous s’il n’est pas possible, du point de vue pragmatiste, d’établir l’existence d’une vérité objective susceptible d’unifier les intelligences. […] Toutefois un doute reste possible au sujet de cette objectivité.

251. (1890) L’avenir de la science « III » pp. 129-135

III Tenez, si vous voulez, ce qui précède pour absurde et pour chimérique ; mais, au nom du ciel, accordez-moi que la science seule peut fournir à l’homme les vérités vitales, sans lesquelles la vie ne serait pas supportable, ni la société possible. […] La science vraiment digne de ce nom n’est donc possible qu’à la condition de la plus parfaite autonomie. […] Il faut avouer qu’il y avait, dans le supernaturalisme primitif, dans celui qui a créé les systèmes mythologiques de l’Inde et de la Grèce, quelque chose d’admirablement puissant et élevé 33 ; à celui-là, je pardonne bien volontiers, et quelquefois je le regrette ; mais il n’est plus possible ; la réflexion est trop avancée, l’imagination trop refroidie pour permettre ces superbes contre-bons sens. […] Je suppose ces phrases aussi exactes que possible, elles seraient fausses, radicalement fausses, par leur absurde tentative de définir, de limiter l’infini. […] La critique n’a guère été conçue jusqu’ici que comme une épreuve dissolvante, une analyse détruisant la vie ; d’un point de vue plus avancé on comprendra que la haute critique n’est possible qu’à la condition du jeu complet de la nature humaine et que, réciproquement, le haut amour et la grande admiration ne sont possibles qu’à la condition de la critique.

252. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VI »

Et pareillement l’on rêverait d’autres arts possibles, qui useraient, l’un des parfums, l’autre du goût, les autres des mille façons possibles d’irriter les nervosités. […] Notons ici ce phénomène possible — et fréquent — en nos modernités, un même homme qui aurait un esprit de peintre et de littérateur, de littérateur et de musicien. […] Et dans le drame voyez toutes les splendeurs possibles de tous les arts ! […] Et c’était, au moyen-âge, une splendeur de l’esprit humain en l’humilité du droit chemin, et c’est, aujourd’hui, les folles œuvres d’Antéchrist ; toute pensée antireligieuse étant devenue possible par le fait rebellieux de la Réforme au seizième siècle. […] Voilà les philosophes, hommes, prétentieux d’expliquer l’homme ; comme si tout le possible travail des métaphysiques n’avait pas été tenté pendant l’antiquité païenne.

253. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre deuxième. L’idée de l’espace. Son origine et son action »

Un simple symbole de l’intensité et de la durée, un mode de représentation imaginatif des successions possibles et des intensités possibles d’effort. […] — Les sensations et les phénomènes, dit Kant, sont divers et variables ; l’espace est uniforme et invariable. — L’espace abstraitement conçu, dernier produit du travail mental sur les sensations, oui ; mais c’est là un pur concept que nous ne commençons pas par avoir et qui contient des éléments tout intellectuels, parce qu’il exprime de purs possibles. […] En réalité, ce n’est pas la séparation ni la distinction définie des sensations qui est le premier stade de la vie mentale ; c’est au contraire leur continuité et leur caractère indéfini, La détermination et le détachement, qui en font des éléments possibles pour un groupement intellectuel, appartiennent au dernier stade de révolution, non au premier. […] Ajoutons que la notion de l’espace est pour nous une idée directrice, précisément parce qu’elle est l’ensemble de toutes les directions possibles en tous sens. Elle est le cadre commun du mécanisme et de la finalité : du mécanisme, parce qu’elle ouvre devant nous le champ illimité des mouvements possibles ; de la finalité, parce que les mouvements de notre part auxquels elle ouvre ainsi une perspective sont tous appétitifs et tendent tous à quelque lin.

254. (1884) L’art de la mise en scène. Essai d’esthétique théâtrale

La prévision du nombre possible de spectateurs entre donc dans les calculs préalables d’un directeur. […] Toutefois, on conçoit que, dans la mesure du possible, il soit nécessaire d’atténuer la disproportion qui existe entre les acteurs et les objets figurés. […] La représentation n’en serait pas possible au théâtre par les mêmes moyens ; car la nature y est immobile et le vent n’y courbe pas les arbres. […] Elle est pourtant une traduction aussi fidèle que possible, et la mise en scène en a été réglée avec un goût parfait. […] Toutefois, dans ces cas-là, il faut user d’artifice autant que possible dans la disposition et dans la plantation du décor.

255. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la loi sur la presse »

déchargeons autant que possible la magistrature, — cette magistrature si respectable, si méritante, si indispensable et si vigilante à chaque heure du jour et de la nuit, si digne de reconnaissance dans le cercle étendu de ses justes attributions, — déchargeons-la le plus possible d’une responsabilité de cette nature, sujette à tant d’écarts et dont les actes, à distance, font un étrange effet en présence de l’histoire et de la postérité. […] Et ici je sens le besoin de remercier notre bienveillant rapporteur pour les bonnes paroles qu’il a prononcées : « Supprimer une peine, a-t-il dit, c’eût été faire un pas de plus dans la voie que suit depuis longtemps notre législation » ; et il a exprimé le vœu que cette peine corporelle, réintroduite au dernier moment dans la loi, ne fût appliquée à l’avenir que le plus rarement possible. […] On se plaint souvent que la littérature actuelle ne soit pas plus forte, plus élevée, plus semblable à celle des siècles précédents, des grandes époques précédentes : je ne sais ce que ces plaintes ont de fondé ; nous sommes trop juge et partie peur avoir voix au chapitre dans la question ; mais, en admettant le fondé du reproche, comment voulez-vous que la littérature, la véritable, celle qui a son inspiration propre, celle qui n’est animée ni du désir du gain ni de l’ambition des honneurs, mais qui a sa verve naturelle, originale, son goût de fantaisie ou de vérité, et d’une vérité piquante et parfois satirique (car ce ne sont pas les sujets qui manquent), comment voulez-vous que cette littérature qui sacrifie tout à elle-même, à sa propre satisfaction, au plaisir de rendre avec art, avec relief, et le plus excellemment possible ce qu’elle pense, ce qu’elle voit et dans le jour sous lequel elle le voit, comment voulez-vous qu’elle ait toute sa vigueur, sa joie, sa fierté et son indépendance, si, à tout moment, l’écrivain qui tient la plume a à se faire cette question : « Aurai-je affaire ou non à messieurs du parquet, à messieurs de la police correctionnelle ?  […] J’ai nommé Boileau ; mais un La Bruyère ne serait pas possible aujourd’hui ; et, à chaque édition de son livre, il aurait dix procès de plus.

256. (1889) Les premières armes du symbolisme pp. 5-50

Qu’ils se rassurent, nous leur racontons aussi clairement qu’il nous est possible le plus étrange assaut qui ait jamais été donné à la langue française, cette belle langue raisonnable et sceptique, amoureuse de netteté et de clarté, qui a une horreur spéciale pour l’inachevé dans l’expression et n’est pas plus faite que le grand jour pour l’indécision et le flottant des rêves. […] Notre grand Molière commit là deux mauvais vers qui eux-mêmes sortent autant que possible du bon caractère. […] Il est ésotérique autant que possible et suffisamment complexe, ce me semble. […] Nous sommes tentés de l’exagérer, s’il est possible. […] Vous exprimez le désir de savoir ce que je pense de Lycophron que vous jugez ésotérique autant que possible et suffisamment complexe.

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