C’est la femme comme il faut, ce n’est pas la femelle moderne et ornementée de littérature orgueilleuse qui a pu écrire cette noble phrase, qui est un aperçu : « Quand, par la mort ou un changement dans les rôles qui échoient à chacun ici-bas, la femme devient chef de famille, elle perd de ses qualités sans acquérir celles qui lui seraient indispensables.
Quelques remarques justes sur sa syntaxe, mais que « le verbe joue dans sa phrase un rôle capital », c’est juste le contraire de la vérité ; l’idéal de Mallarmé serait plutôt de l’éliminer. — Surtout, et bien que cela soit répété partout, il n’a pas « transposé en littérature une méthode de composition spéciale à la musique » (si ce n’est dans un coup de dés, son dernier ouvrage, dont M.
Il trouvait même admirable la façon dont je faisais la chose, témoin cette phrase d’une lettre scellée de ses armes : « Monsieur, vous n’écrivez pas, vous coulez en bronze. » Non, je ne coulais pas en bronze ; tout au plus dessinais-je naïvement d’une main encore inexpérimentée. […] Combien, depuis, on lui a dû d’éloges pour expier ces querelles d’Aristarque, et réparer les torts d’une critique qui voyait dans une phrase mal faite, dans un mot d’origine trop nouvelle, tout le fond d’un grand homme, toute la destinée d’une littérature. […] Chaque femme prend le genre d’un homme, copie ses tournures, répète ses phrases. […] Et s’il y a une seule phrase de ce genre dans ma déclaration, tout cela valait-il que j’en fisse le sacrifice ? […] Sa prose est donc plus goûtée que ses vers, parce que sa prose a moins besoin de mots de remplissage pour amener la phrase à effet, et que, les écueils y étant moins nombreux, les naufrages y sont plus rares.
Voici une phrase nombreuse, qui ne peint rien, qui ne décrit pas, qui ne veut point faire passer dans les mots le souffle rude et sourd des vents, ou la fuite souple et ployante des eaux, mais où se sent l’équilibre naturel et sans apprêt d’une pensée : « Quel cœur si mal fait n’a tressailli au bruit des cloches de son lieu natal, de ces cloches qui frémissent de joie sur son berceau, qui annoncèrent son avènement à la vie, qui marquèrent le premier battement de son cœur ? […] A cette époque Chateaubriand a une préoccupation, une tentation qui souvent le perd ; celle de renouveler son style en substituant à la belle phrase harmonieuse d’autrefois, la formule concise et voyante, le mot à effet. […] J’ai été le « buveur du sang des phrases. » Voilà-t-il pas une grosse affaire ? […] Et l’homme, qui a cette curiosité savante et industrieuse du détail pittoresque, est le même qui sait soulever, soutenir et distribuer par grandes masses aisément équilibrées une immense période poétique comme celle que je vais citer, une seule phrase rythmique de quarante vers, opposant, par un simple changement de mouvement, une grande impression de paix et de silence à un sentiment de tourment et d’inquiétude.
Une phrase bien faite lui semble un danger public. […] Quelle phrase plus agréable que celle-ci, tirée un peu au hasard du livre III, et qui se rapporte à la politique à suivre avec les peuples récemment conquis ? […] La phrase est-elle simple ? […] Avec d’effroyables défauts et un tapage insupportable de style, il est écrivain de race et maître de sa phrase. […] Tout à l’heure, ils s’en iront par les rues froides et noires, achevant dans un rêve la phrase interrompue.
Il a l’accent âpre, souvent même les phrases de Rousseau, et voudrait « être un vigoureux sauvage », sortir de la vie civilisée, de la dépendance et des humiliations qu’elle impose au misérable. « Il est dur de voir un monsieur que sa capacité aurait élevé tout juste à la dignité de tailleur à huit pence par jour, et dont le cœur ne vaut pas trois liards, recevoir les attentions et les égards qu’on refuse à l’homme de génie pauvre1149. » Il est dur de voir « un pauvre homme, usé de fatigue, tout abject, ravalé et bas, demander à un de ses frères de la terre la permission de travailler. » Il est dur « de voir ce seigneurial ver de terre repousser la pauvre supplique, sans songer qu’une femme qui pleure et des enfants sans pain se lamentent là tout à côté1150. » Quand le vent d’hiver souffle et barre la porte de ses rafales de neige, le paysan collé contre son petit feu de tourbe, pense aux grands foyers largement chauffés des nobles et des riches, « et parfois il a bien de la peine à s’empêcher de devenir aigre en voyant comment les choses sont partagées, comment les plus braves gens sont dans le besoin, pendant que des imbéciles se démènent sur leurs tas de guinées sans pouvoir en venir à bout1151. » Mais surtout le cœur « frémit et se gangrène de voir leur maudit orgueil. » — « Un homme est un homme après tout1152 », et le paysan vaut bien le seigneur. […] Il écrivait à ses maîtresses avec des phrases périodiques et recherchées aussi pédantes que celles de Johnson. […] Ils se proposaient « d’adapter aux usages de la poésie le langage ordinaire de la conversation, tel qu’il est employé dans la moyenne et la basse classe », et de remplacer les phrases étudiées et le vocabulaire noble par les tons naturels et les mots plébéiens. […] Vous nous lisez pour emporter des émotions, non des phrases ; vous venez chercher chez nous une culture morale, et non de jolies façons de parler. — Et là-dessus Wordsworth, classant ses poëmes suivant les diverses facultés de l’homme et les différents âges de la vie, entreprend de nous conduire, par tous les compartiments et tous les degrés de l’éducation intérieure, jusqu’aux convictions et aux sentiments qu’il a lui-même atteints.
Pour caractériser d’une phrase les arts contemporains, peinture, musique et poésie, roman et théâtre, critique et journalisme, je dirai qu’ils agissent beaucoup sur les nerfs et très peu sur la raison. […] C’est avec ces sons et ces couleurs que l’artiste a composé doctement ses phrases brillantes et mélodieuses. […] Paul de Saint-Victor serait de réduire l’art d’écrire à un procédé unique : la phrase sonore et colorée. […] Il est probable que l’auteur de la phrase savait cela, et qu’il a voulu être ridicule par pure malice. […] Je voudrais, par exemple, lui demander si ces expressions de la première phrase d’un récent discours académique, « cultiver une branche avec éclat », ont de la propriété.
Malgré cela, je m’attends à une objection : on me reprochera d’avoir jugé certains ouvrages sur des phrases isolées ; d’avoir donné pour des théories philosophiques ce qui n’était que des cris de la passion ou des développements de caractères. […] Mais ce qui caractérise notre temps, c’est le jargon mystique dont le matérialisme revêt, dans le roman moderne, des idées toutes païennes ; c’est l’affectation avec laquelle il mêle effrontément des phrases de religion à ses imaginations licencieuses, et profane le nom de Dieu dans les délires les plus grossiers de la passion. […] Ou ceci n’est qu’une vaine phrase de rhétorique, ou c’est la négation même de la propriété ; car propriété et dépôt sont choses qui s’excluent. […] Bornons-nous à citer de ce dernier ouvrage une phrase, une seule phrase, où se reproduit le grand argument de tous les rhéteurs qui attaquent la propriété. […] Plus de belles phrases ni de longs discours ; la flamme et le fer !
Les phrases toutes faites, mieux encore : les idées toutes formulées, viennent d’elles-mêmes s’aligner sur leur papier. […] On choisit un sujet, on en saisit les rapports, on les coordonne et on laisse chanter sa phrase sur des airs connus. De temps en temps la phrase emporte de l’esprit quelques parcelles donnant au style une physionomie propre, qui n’est pas celle de tout le monde, mais qui en diffère bien peu. […] Un fanatique tel que de Maistre songe-t-il à faire des phrases et à plaire à Messieurs les critiques, lorsqu’il s’agit pour lui d’effrayer les âmes crédules et de les courber sous la verge implacable de son Dieu vengeur ? […] On y trouvait pour chaque situation le décor correspondant, la couleur locale, les phrases toutes faites, les expressions originales, les mots à effet, les rimes obligées.
pas de phrases… pas de grimaces… Je sais ce que tu écrivais là ! […] L’honneur du nom restait sauf… Et quand le roi manquait aux remparts, j’avais soin que sa place ne fut pas vide… Mais à Paris… à Paris… Jusqu’ici elle avait parlé lentement, froidement, gardant au bout de chaque phrase une intonation de pitié et de gronderie maternelle qu’inspiraient bien les yeux baissés du roi, sa boudeuse mine d’enfant vicieux qu’on sermonne. […] Les minutes lui paraissaient s’égoutter lentement, comme des heures ; puis il essaya de se représenter leur tête-à-tête. — Nous allons être fièrement embarrasses, pensait-il ; et il cherchait des phrases qui sauveraient la situation et n’en découvrait pas. […] Oui, maintenant, je peux laisser dire que Molière n’a d’autres ennemis que les fourbes qu’il a démasqués ; je peux passer au pied de sa statue érigée sur nos places publiques ; je peux entendre l’Académie française regretter qu’il manque à sa gloire ; je peux souffrir que de vains et ridicules rhéteurs, esclaves de la popularité du mal, entassent leurs phrases farcies d’adjectifs pour faire un piédestal de courage à ce flatteur, une couronne de franchise à ce menteur, une renommée de vertu à ce corrupteur. […] Les bibliophiles et ceux qui sont soucieux de l’histoire de la langue française les reliront plus tard comme ces phrases soulignées des romans de Crébillon fils, si bien au courant du « parlage » des boudoirs du dix-huitième siècle.