Le grave et savant docteur Hurter, une des gloires solides de l’Allemagne, où les gloires ne le sont pas, a passé trente ans, comme un bénédictin dans sa cellule, à fouiller dans cette histoire d’Innocent III que le comte de Gasparin nous broche en quelques phrases, qui font à peine quelques pages, avec la légèreté dominatrice des orateurs !
« Le droit, nous dit-il assez grossièrement quelque part, est la résultante des droits de la nature. » Est-ce que le dix-huitième siècle n’aurait pas signé cette phrase-là ?
. — (Ne reconnaissez-vous pas Michelet, même dans le tour de la phrase ?)
« J’aimerais mieux — écrivait dernièrement à un critique de profession un de ces esprits systématiquement gendarmés contre la Critique — faire un petit roman payé mille francs que de la Critique à dix mille francs par an dans vos journaux », et si cette phrase exprimait plus qu’un goût personnel, c’est-à-dire une insignifiance, c’était tout simplement une sottise !
Nous avons entendu les fidèle à de Rossini accueillir les drames lyriques de Wagner par cette phrase caractéristique : « Cela n’est pas de la musique » ; qui niera cependant que Wagner ait enrichi le domaine de l’expression musicale ?
De tant de milliers d’éloges prononcés sur la tribune romaine, il ne nous reste qu’une seule phrase de l’éloge de Scipion, destructeur de Carthage.
Il est sot, paresseux et lâche, — inoffensif d’ailleurs, — avec des attitudes très nobles, et des phrases dont il est la première dupe. […] Il se croit donc obligé de faire certains gestes, de prendre certaines attitudes et de prononcer certaines phrases. […] Ils sont expressément chargés d’exprimer, par chacun de leurs gestes et par chacune de leurs phrases, l’amitié fausse, envieuse, indiscrète, insolente et malfaisante, et ils obéissent à leur consigne, Dieu sait ! […] Au moment même où il profère, dans son prurit de la lettre imprimée et dans son délire d’autolâtrie, les phrases les plus déplaisantes, une hallucination salutaire le sauve du crime déjà consenti. […] Mais là, gaiement, sans phrases, pas comme dans les drames.
il est en phrases », avait pronostiqué son père. […] Ce mot, et cette phrase, c’est-à-dire cette idée et cette suite d’idées, il faudra qu’il leur fasse perdre leur caractère même et qu’il les change en simples enchantements des oreilles ou des yeux, qu’il les transforme soit en musique, soit en peinture. […] Né orateur, du reste, l’étant déjà dans sa phrase écrite, au vaste contour et à la vigoureuse plénitude, l’étant encore plus dans sa phrase parlée, qui se déroule avec une aisance et une certitude de démarche infaillible, il avait à la fois le fond et la forme de l’apostolat : car l’éloquence n’est que la conviction et le désir de convaincre qui trouvent leur occasion et leur voie dans la facilité et la puissance du verbe. […] Il faudra mettre cette phrase sur mon tombeau. […] Fougue verbale, phrase nombreuse, mouvement magnifique qui emportait tout un immense discours d’un seul élan, et qui donnait cette sensation que tout le discours n’était qu’une seule phrase ; et, de temps en temps, une formule heureuse, une maxime ramassée et forte qu’il vous enfonçait comme un clou ; oui, Gambetta avait tout cela.
« À ce centre se réduit le cercle des affaires ; la nécessité du mouvement cherche ce point. » À d’autres les belles phrases et les grands mots ; on dit que la bonne conscience suffit seule à payer les belles actions. […] Et ne voit-on pas sortir de la dernière phrase de cet article 49 le héros impassible, impeccable, sans émotion comme sans défaillance, qu’on a tant de fois reproché à Corneille, et dont on a tant de fois raillé l’invraisemblance ? […] qu’en revanche on n’y trouve pas une phrase qui dénote le goût ou le talent de l’observation psychologique ? […] Enfin le Chiroc est l’intelligence qui préside sur toutes les têtes italiennes. » Et voilà, par cette phrase, les nerfs introduits dans la psychologie littéraire. […] Ceux mêmes de ces Mélanges qui ne nous apprendront rien nous aideront à dater une page, une phrase peut-être de son livre.
J’insiste là-dessus : la phrase qui, lue isolément, semblait constater une situation établie, accomplie, et sur laquelle on s’est jusqu’ici fondé, comme sur une pièce de conviction, pour rendre l’esclave à son maître, n’indique qu’un ordre pour l’avenir, un commandement à la turque ; or, encore une fois, rien n’indique que l’aga ait été obéi. […] La phrase qu’on a lue plus haut sur le procédé d’une certaine personne, lequel était de nature, selon Bolingbroke, à faire désirer à Mlle Aïssé un éloignement momentané de Paris, pourrait bien s’appliquer à ce qu’on sait d’une tentative du Régent auprès d’elle. […] Dans le portrait tel qu’il a été imprimé en 1809, cette phrase sur Rousseau est supprimée, et l’on y a mis l’observation sur Fontenelle au passé : On a dit de M. de Fontenelle qu’il avait… Il résulte, au contraire, de notre version plus exacte et plus complète, que Fontenelle vivait encore quand Mme du Deffand traçait ce portrait.