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371. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Biographie de Camille Desmoulins, par M. Éd. Fleury. (1850.) » pp. 98-122

Il était un peu étrange qu’un écrivain qui prétendait s’adresser avant tout au peuple parlât ainsi latin à tort et à travers, et lâchât à tout moment des allusions qui ne pouvaient être entendues que de ceux qui avaient fait leurs classes. […] Necker descend de la montagne ; La raison seule raccompagne ; En lui le peuple espère encore. […] Target avait demandé un sursis pour l’abolition du droit de pêche, et il reçoit une adresse de remerciements de la part des anguilles de Melun : « Français, s’écrie là-dessus Camille Desmoulins, vous êtes toujours le même peuple, gai, aimable et fin-moqueur. […] Il ne s’en tient pas là, il demande ce qui serait arrivé si, au sortir de l’Assemblée, les membres qui avaient voté pour le décret avaient été assaillis par le peuple, qui leur aurait dit : « Vous venez de nous retrancher de la société, parce que vous étiez les plus forts dans la salle ; nous vous retranchons à notre tour du nombre des vivants, parce que nous sommes les plus forts dans la rue ; vous nous avez tués civilement, nous vous tuons physiquement. » Il est vrai que Camille ajoute que si le peuple avait voulu passer de la menace à l’effet, « si le peuple avait ramassé des pierres, il se serait opposé de toutes ses forces à la lapidation ». […] Il extrait et cite de mon ouvrage toutes les dénominations sévères dont j’ai désigné les brouillons, les calomniateurs, les corrupteurs et les ennemis, du peuple, et il les prend toutes pour lui.

372. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XII] »

Ses plaisanteries sur les républiques populacières, son indignation contre les excès des peuples, tout enfin dans ses ouvrages prouve qu’il haïssait de bonne foi les charlatans de la philosophie. […] Que s’il y avait quelque morale attachée au culte de la déesse de la Justice, de la Sagesse, cette morale n’était-elle pas presque absolument détruite, et surtout pour le peuple, par le culte des plus infâmes divinités ? Tout ce qu’on pourrait dire, c’est qu’il y avait quelques sentences gravées sur le frontispice et sur les murs des temples, et qu’en général le prêtre et le législateur recommandaient au peuple la crainte des dieux. […] Le Peuple d’Athènes personnifié. […] Le Peuple Athénien personnifié.

373. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 40, si le pouvoir de la peinture sur les hommes est plus grand que le pouvoir de la poësie » pp. 393-405

Ce furent, selon eux, les tableaux et les statuës qui concilierent à leurs dieux la véneration des peuples ausquels ils firent faire attention sur les merveilles que les poëtes racontoient de ces dieux. […] Cependant le peuple se contentoit de le pleurer. Mais tout ce peuple fut saisi de fraïeur dès qu’on eut étalé devant lui la robe sanglante dans laquelle Cesar avoit été massacré. Il sembloit, dit Quintilien, en parlant du pouvoir de l’oeil sur notre ame, qu’on assassinât Cesar devant le peuple.

374. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Pottecher, Maurice (1867-1960) »

. — Le Théâtre du Peuple, renaissance et destinée du théâtre populaire (1899). — L’Exil d’Aristide, conte (1899). — Le Chemin du repos, poèmes (1890-1900) [1900]. […] Henri Barbusse À Bussang, au pied des montagnes des Vosges, à mi-côte d’une hauteur verte magnifiquement encadrée d’un décor d’éléments, s’ouvre simple et grandiose, avec des airs d’horizon, la scène du Théâtre du Peuple. […] Ces idées sont choisies parmi les plus simples, les plus générales et surtout les plus à la portée du peuple.

375. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Chœur. » pp. 21-24

Ils rendaient la tragédie plus régulière et plus variée : plus régulière, en ce que, chez les anciens, le lieu de la scène était toujours le devant d’un temple, d’un palais, ou quelque autre endroit public ; et l’action se passant entre les premières personnes de l’état, la vraisemblance exigeait qu’elle eût beaucoup de témoins, qu’elle intéressât tout un peuple : et ces témoins formaient le chœur. […] L’intrigue d’une pièce intéressante exige d’ordinaire que les principaux acteurs aient des secrets à se confier et le moyen de dire son secret à tout un peuple ? […] Outre ces chants, qui marquaient la division des actes, les personnages du chœur accompagnaient quelquefois les plaintes et les regrets de acteurs sur des accidens funestes arrivés dans le cours d’un acte : rapport fondé sur l’intérêt qu’un peuple prend ou doit prendre aux malheurs de son prince.

376. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Law »

Mais, dans tous les cas, c’était là un génie funeste, le génie qui fait trou, comme une bombe, dans tout ce qui est cohérent encore dans un peuple, et qui, prenant à rebours les instincts, les mœurs, les intérêts de la France, a faussé pour longtemps (pour toujours peut-être !) […] Le secret de la ruine ou de la grandeur d’un peuple ne tient pas dans les causes matérielles, si graves, si compliquées et si larges qu’elles puissent être. Les économistes oublient trop une pensée de Bonald, qu’il est peut-être bon de leur rappeler : « Les révolutions, comme les grandeurs des peuples, ont des causes matérielles et prochaines qui frappent les yeux les moins attentifs, mais ces causes ne sont, à proprement parler, que des occasions ; les véritables causes, les causes profondes et efficaces, sont toujours des causes morales, que les petits esprits et les hommes corrompus méconnaissent. » 1.

377. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1867 » pp. 99-182

* * * — Ce peuple romain a la loterie et le paradis, ces deux horizons, à la cantonade, de la félicité d’un peuple. […] Et nous nous moquons encore des peuples qui rendent un culte aux fientes du Grand Lama. […] On dirait que les peuples ont les vices de leur beauté et les vertus de leur laideur. […] Le Français dans l’ivresse n’est point bêtement heureux d’être ivre comme les autres peuples. […] Ainsi que les enfants, les femmes du peuple disent au médecin, qu’elles souffrent de partout.

378. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XIII] »

Le lendemain, jour destiné à la célébration des saints mystères, le peuple accourut en foule à l’église pour y voir dans Eutrope une image éclatante de la faiblesse des hommes, et du néant des grandeurs humaines. […] Où se sont terminées ces acclamations si fréquentes et ces flatteries si outrées de tout un peuple assemblé dans le Cirque pour assister au spectacle ? […] Les rois s’humilient comme le peuple devant son tribunal, et n’y viennent que pour être instruits. […] Ils ont frayé la route à ce peuple rebelle ; De leurs tristes succès la honte est immortelle. […] Le czar Pierre s’est instruit chez les autres peuples ; il a porté leurs arts chez lui, mais Louis XIV a instruit les nations : tout, jusqu’à ses fautes, leur a été utile.

379. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VII. M. Ferrari » pp. 157-193

Ferrari a appliquée, pour l’éclairer, à l’histoire d’un peuple qui renferme en lui tous les contrastes, et dont on se demande s’il vit ou s’il meurt, tant sa vie ressemble à la mort, tant sa mort ressemble à la vie ! […] quel peuple méconnaîtrait cette force qu’on appelle l’imprévu ? […] L’Italie n’a pas eu de peuple avec ses républiques et elle n’en sera jamais un ; mais elle a eu Michel-Ange et François d’Assises, et de tels hommes valent des nations ! […] Mais en s’en rapportant aux faits seuls, est-il vraiment certain que l’humanité fasse toujours historiquement le même geste, et que les peuples ne varient jamais la figure de leurs évolutions ? […] Ferrari les a combinés les éléments d’un pareil mirage, — et l’érudition et le calcul — et le sentiment des analogies entre les peuples qu’il faut saisir, même pour les exagérer, — et l’omniprésence historique de Bossuet dans son Histoire universelle, et que M. 

380. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre II. Le dix-neuvième siècle »

Le porc à l’engrais, ce ne serait plus le roi, mais le peuple. […] Il y a des haltes, des repos, des reprises d’haleine dans la marche des peuples, comme il y a des hivers dans la marche des saisons. […] Oui, tous tant que nous sommes, grands et petits, puissants et méconnus, illustres et obscurs, dans toutes nos œuvres, bonnes ou mauvaises, quelles qu’elles soient, poëmes, drames, romans, histoire, philosophie, à la tribune des assemblées comme devant les foules du théâtre, comme dans le recueillement des solitudes, oui, partout, oui, toujours, oui, pour combattre les violences et les impostures, oui, pour réhabiliter les lapidés et les accablés, oui, pour conclure logiquement et marcher droit, oui, pour consoler, pour secourir, pour relever, pour encourager, pour enseigner, oui, pour panser en attendant qu’on guérisse, oui, pour transformer la charité en fraternité, l’aumône en assistance, la fainéantise en travail, l’oisiveté en utilité, la centralisation en famille, l’iniquité en justice, le bourgeois en citoyen, la populace en peuple, la canaille en nation, les nations en humanité, la guerre en amour, le préjugé en examen, les frontières en soudures, les limites en ouvertures, les ornières en rails, les sacristies en temples, l’instinct du mal en volonté du bien, la vie en droit, les rois en hommes, oui, pour ôter des religions l’enfer et des sociétés le bagne, oui, pour être frères du misérable, du serf, du fellah, du prolétaire, du déshérité, de l’exploité, du trahi, du vaincu, du vendu, de l’enchaîné, du sacrifié, de la prostituée, du forçat, de l’ignorant, du sauvage, de l’esclave, du nègre, du condamné et du damné, oui, nous sommes tes fils, Révolution ! […] Ô Homère, il faut que leur épopée pleure, ô Hérodote, il faut que leur histoire proteste, ô Juvénal, il faut que leur satire détrône, ô Shakespeare, il faut que leur tu seras roi soit dit au peuple, ô Eschyle, il faut que leur Prométhée foudroie Jupiter, ô Job, il faut que leur fumier féconde, ô Dante, il faut que leur enfer s’éteigne, ô Isaïe, ta Babylone s’écroule, il faut que la leur s’éclaire ! […] Non, dans tout cet art vaste et sublime de tous les peuples, dans toutes ces créations grandioses de toutes les époques, non, pas même toi, Eschyle, pas même toi, Dante, pas même toi, Shakespeare, non, ils n’ont ni modèles ni maîtres.

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