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275. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VI. Des éloges des athlètes, et de quelques autres genres d’éloges chez les Grecs. »

Il n’était pas préparé ; mais traversant en silence la foule du peuple, il se rendit au lieu où était la statue d’Homère ; là, posant les deux mains sur la base, il rêva quelque temps profondément, puis, comme inspiré par la statue du poète, il parla tout à coup avec la plus grande éloquence. […] Remarquons que pour rendre hommage à ses libérateurs, le peuple d’Athènes avait choisi les fêtes de Minerve ; ce peuple généreux pensait que c’est honorer les dieux, que de louer ceux qui rendent la liberté aux hommes. C’est là encore que l’on voit le génie de ce peuple, qui mêlait à ses plaisirs mêmes des leçons de grandeur ; là, tous les arts étaient asservis à la politique, et la musique même, qui ailleurs n’est destinée qu’à réveiller des idées douces et voluptueuses, ou à irriter une sensibilité vaine, célébrait dans Athènes les grandes actions et les héros.

276. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre V. Observations philosophiques devant servir à la découverte du véritable Homère » pp. 268-273

De telles histoires durent se conserver naturellement dans la mémoire des peuples, en vertu du premier principe observé au commencement de ce chapitre. […] Dans ce travail de l’esprit, les peuples, qui à cette époque étaient pour ainsi dire tout corps sans réflexion, furent tout sentiment pour sentir les particularités, toute imagination pour les saisir et les agrandir, toute invention pour les rapporter aux genres que l’imagination avait créés (generi fantastici), enfin toute mémoire pour les retenir. […] De telles fables, de telles pensées et de telles mœurs, un tel langage et de tels vers s’appelèrent également héroïques, furent communs à des peuples entiers, et par conséquent aux individus dont se composaient ces peuples.

277. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 3665-7857

La plus sanglante satyre étoit donc sûre de plaire à ce peuple jaloux, lorsqu’elle tomboit sur l’objet de sa jalousie. […] Ce sont des moyens bien puissans & bien négligés, de conduire & de gouverner les peuples. […] Celui qui fonde un empire pour lui-même, taille dans un peuple comme dans le marbre, sans en regretter les débris ; celui qui fonde un empire pour le peuple qui le compose, commence par rendre ce peuple flexible, & le modifie sans le briser. […] La plus vicieuse est celle où les grands sont despotes, & les peuples esclaves. […] Les grands comblés d’honneurs & dénués de force, représentent le monarque auprès du peuple, & le peuple auprès du monarque.

278. (1846) Études de littérature ancienne et étrangère

Il était digne de cette confiance d’un peuple affligé. […] À force d’adresse et de talent, il fit rejeter par le peuple même une loi toute populaire. […] Il différait à payer les legs d’Auguste au peuple romain. […] La joie du peuple, à la disgrâce de Séjan, éclate en mille transports. […] Ils se croyaient moins les sujets d’Auguste que les maîtres des autres nations ; et Virgile, par un ingénieux détour, ne pouvant plus les appeler le peuple libre, les appelait le peuple roi.

279. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre IX. De l’astronomie poétique » pp. 233-234

La force indéfinie de l’esprit humain se développant de plus en plus, et la contemplation du ciel, nécessaire pour prendre les augures, obligeant les peuples à l’observer sans cesse, le ciel s’éleva dans l’opinion des hommes, et avec lui s’élevèrent les dieux et les héros. […] Les Phéniciens, instruits par les mêmes Chaldéens, portèrent aux Grecs la connaissance des divinités qu’ils plaçaient dans les étoiles. — Avec ces trois vérités philologiques s’accordent deux principes philosophiques : le premier est tiré de la nature sociale des peuples ; ils admettent difficilement les dieux étrangers, à moins qu’ils ne soient parvenus au dernier degré de liberté religieuse, ce qui n’arrive que dans une extrême décadence. […] Ainsi, en partant de cette astronomie vulgaire, les premiers peuples écrivirent au ciel l’histoire de leurs dieux et de leurs héros……

280. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVII. Des éloges en Italie, en Espagne, en Angleterre, en Allemagne, en Russie. »

On l’a déjà dit, il ne peut y avoir de grande éloquence sans de grands intérêts ; et il faut convenir que pour célébrer la barrette donnée à un prélat d’Ostie ou de Faenza, ou pour louer un pape à son installation, il ne faut pas autant d’éloquence qu’il en fallait à César pour gouverner le sénat et le peuple de Rome. […] Chez un peuple qui n’est pas libre, ou ne l’est qu’à moitié, jamais le génie de l’éloquence n’a paru qu’avec l’éclat du gouvernement ; et les grands orateurs y marchent à la suite des généraux, des ministres et des grands hommes d’état. […] À l’approche du corps, tout le peuple sortit de Florence : à peine le cercueil pouvait fendre la foule. […] Voici quelques traits de cet éloge ; on y trouvera cette teinte de poésie qui convient au genre, et encore plus à un peuple à peine civilisé, où le génie même doit avoir plus de sensations que d’idées : « Supposez, dit l’orateur, un Moscovite sorti de sa patrie avant les entreprises de Pierre-le-Grand ; supposez qu’il ait habité au-delà des mers, dans des climats où le nom et les projets du czar n’aient pas pénétré. […] Semblable à la mer agitée sans cesse par le flux et le reflux, ce héros a été pour ses peuples dans un mouvement éternel.

281. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIIe entretien. Poésie lyrique. David (2e partie) » pp. 157-220

Pourquoi ces peuples ont-ils rêvé dans leur esprit des néants ? […] ses protections sont sur son peuple !  […] « Tu me fais chef des peuples ; « Les fils de l’étranger me servent et m’exaltent. […] Il célèbre l’immatérialité de Jéhovah pour apprendre au peuple à discerner l’idée divine de l’image et le culte visible de l’être invisible. […] C’est le poème national d’un peuple exclusivement théocratique, chanté aux pieds de ses autels par un pontife-roi.

282. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIe entretien. Madame de Staël »

Il remplissait de son importance l’État tout entier ; il effaçait le roi, la cour, la noblesse, le peuple. Le peuple le rassasiait de confiance, de déférence, d’adulation, de popularité. […] Il aurait su, ce peuple, qu’on apporta devant la fenêtre de Marie-Antoinette la tête de son amie. […] « Mais malheur au peuple qui aurait entendu ses cris en vain ! Malheur au peuple qui ne serait ni juste ni généreux !

283. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVIII. Siècle de Constantin. Panégyrique de ce prince. »

Si nous examinons maintenant son caractère et ses qualités personnelles, nous lui trouverons cette ambition sans laquelle un homme n’a jamais donné un grand mouvement à ce qui l’entourait ; cette activité nécessaire à tous les genres de succès, à la guerre surtout, et dans un empire qui embrassait cent provinces ; cette férocité qui était le vice général du temps, et qui lui fit commettre des crimes, tantôt d’une barbarie calme, comme le meurtre de son beau-frère, celui de son neveu, et celui des rois prisonniers qu’il fit donner en spectacle et déchirer par les bêtes, tantôt des crimes d’emportement et de passion, comme les meurtres de sa femme et de son fils ; cet amour du despotisme presque inséparable d’une grande puissance militaire et de l’esprit de conquête, et surtout de l’esprit qui porte à fonder un nouvel empire ; un amour du faste, que les peuples prennent aisément pour de la grandeur, surtout lorsqu’il est soutenu par quelques grandes actions et de grands succès ; des vues politiques, sages, et souvent bienfaisantes, sur la réforme des lois et des abus, mais en même temps une bonté cruelle qui ne savait pas punir, quand les peuples étaient malheureux et opprimés. […] Le droit de parler au peuple assemblé, dans Rome libre, avait appartenu aux magistrats, et dans Rome esclave, aux empereurs ; ce droit faisait partie de la souveraineté ; c’était une espèce de magistrature d’autant plus puissante, qu’elle commandait aux volontés en dirigeant les opinions, et que toute opinion, dans un peuple assemblé, a une force terrible, parce que la force de chacun s’y multiplie par la force de tous. […] Du temps de Cicéron et de César, on avait vu fleurir l’éloquence républicaine animée par la liberté et de grands intérêts ; sous les premiers empereurs, une espèce d’éloquence monarchique, fondée sur la nécessité de flatter et de plaire ; vers les temps de Marc-Aurèle, l’éloquence des sophistes, qui, n’ayant aucun intérêt réel, était un jeu d’esprit pour l’orateur et un amusement de l’oisiveté pour les peuples.

284. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre II. Principale cause de la misère : l’impôt. »

Cela fait un peuple mi-parti d’insolvables et de riches honteux qui font les pauvres, crainte de surcharge. […] Celui de Dijon écrit que « les bases de la répartition sont arbitraires à un tel degré, qu’on ne doit pas laisser gémir plus longtemps les peuples de la province708 ». […] Opprimées par le fisc, elles oppriment le peuple, et rejettent sur lui la charge que leur impose le roi. […] Ainsi, tout l’impôt porte sur le peuple, et l’évêque, le marquis, le président, le gros négociant payent moins pour leur dîner de poisson fin et de becfigues que le calfat ou le porte-faix pour ses deux livres de pain frotté d’ail ! […] Et il est si mauvais, que Malouet, l’intendant de la marine, le refuse pour ses employés   « Sire, disait en chaire M. de la Fare, évêque de Nancy, le 4 mai 1789, sire, le peuple sur lequel vous régnez a donné des preuves non équivoques de sa patience… C’est un peuple martyr, à qui la vie semble n’avoir été laissée que pour le faire souffrir plus longtemps. » VIII.

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