De son vivant, il a été parfaitement jugé et connu, tant pour ses bonnes qualités que pour ses défauts, pour ses belles et charmantes parties que pour ses folies et ses détestables travers, par des personnes de sa société, et, jusqu’à un certain point, de ses amis. […] On m’a écrit que M. le régent a donné sa parole, et comme j’ai celle de la personne qui l’a obtenue du régent, je ne crains point qu’on se serve d’un autre canal que le mien ; je peux même vous assurer que, si je pensais qu’ils eussent dessein (les hommes d’argent) de s’adresser à d’autres, mon peu de crédit auprès de certaines personnes serait assez fort pour faire échouer leur entreprise.
On aimera et l’on comprendra en action dans sa personne ce que l’on ne se donne pas la peine de chercher dans ses exposés scientifiques un peu embrouillés. […] J’ai dit qu’on pouvait étudier à nu le type du métaphysicien en sa personne ; il est juste d’ajouter que ce type, entier et accompli de tout point dans une nature telle que celle de Kant, est fragile et fuit par bien des côtés chez Maine de Biran. […] Un sourd qui aurait par moments la perception des sons, un aveugle qui aurait le sentiment subit et instantané de la lumière, ne pourraient croire qu’ils se donnent à eux-mêmes de telles perceptions : ils attribueraient ces effets singuliers, et hors de leur mode d’existence accoutumé, à quelque cause mystérieuse… Et il en vient à conclure qu’il faut se mettre, s’il se peut, dans un rapport régulier avec cette grande cause, y disposer toute sa personne et son organisation elle-même par certains moyens : Les anciens philosophes, comme les premiers chrétiens et les hommes qui ont mené une vie vraiment sainte, ont plus ou moins connu et pratiqué ces moyens.
Il est évident que Vauvenargues inspirait à tous ceux qui le voyaient d’un peu près un grand respect de sa personne, une admiration de ses talents (préalablement à toute application), et encore plus de son caractère. Quoique à l’âge où l’on se livre aisément, Vauvenargues ne disait pas tout sur lui-même ; il se réservait. « Je n’ai jamais osé ouvrir mon cœur à personne tant que j’ai vécu ; vous êtes le premier à qui j’aie avoué mon ambition, et qui m’ayez pardonné ma mauvaise fortune. » C’est dans un dialogue des morts qu’il fait dire cela à Brutus par un jeune homme qui lui-même s’est tué, et ce jeune homme, à bien des égards, c’est lui. […] Mirabeau lui adresse de là, de ce lieu qu’il déteste, dit-il, par excellence, et où il est pour une affaire qui doit lui procurer de l’avancement ou amener sa démission du service, une lettre toute de conseils et d’excitations, et sur le même thème toujours ; « Vous êtes le premier raisonneur de France, mais le plus mauvais acteur » (acteur pour homme d’action) ; et en même temps il se représente, lui, comme un sage, un homme à principes fixes, et aussi un désabusé de l’ambition : Pour moi, dans les idées qui s’offrent à mon imagination, plusieurs se présentent avec empire, mais nulle avec agrément, que celle d’une solitude aimable et commode, quatre ou cinq personnes assorties de goût et de sentiment, de l’étude, de la musique, de la lecture, beau climat, agriculture, quelque commerce de lettres, voilà mon gîte !
Sans entrer dans des détails qui seraient aujourd’hui sans intérêt, disons seulement qu’au sein même de la Société de l’histoire de France les droits de la vérité historique pure et entière, non adoucie et déguisée, non adultérée et sophistiquée, ont trouvé de chauds défenseurs et des appuis en la personne de MM. […] De son côté, M le ministre d’État52, en donnant et en maintenant l’autorisation nécessaire pour la publication d’un manuscrit appartenant à l’une des bibliothèques particulières de l’empereur, mérite aussi, et plus que personne, les remerciements des amis des études historiques. […] Il compte fort en dernier lieu, pour réaliser ce beau rêve, sur le fidèle Bachelier, valet de chambre du roi, et introducteur de Mme de Mailly, la première maîtresse : ce parti d’alcôve et d’antichambre lui paraît pour le quart d’heure, et tant qu’il en espère son avancement, le plus patriotique et le plus honorable : « En effet, tout l’autre parti radote ou trompe, et celui-ci est seul ferme, solide, dans les vrais intérêts de la couronne et plein d’amour pour la personne du roi. » D’Argenson, qui se laisse appuyer par Bachelier, appelle cela être dans l’intrigue passivement.
Mais la meilleure manière de les réhabiliter, la seule qui ne trompe point, c’est d’être soi-même d’autant plus honnête homme, d’autant plus humain, irrépréhensible et pur dans sa vie ; c’est d’être, aux yeux de ceux qui nous entourent, une réparation vivante à l’endroit surtout où le crime paternel a éclaté, et de forcer en sa personne l’estime qu’on entreprendrait vainement de faire remonter plus haut. […] Le roi de Prusse, qui assiégeait la place en personne, y conçut pour Merlin une estime particulière qui paraît avoir été réciproque, et lorsque, des années après, on entrait dans le cabinet de l’ex-conventionnel, on était étonné d’y trouver d’abord le portrait de ce roi. […] Je ne saurais dire quel effet cette idée lugubre produisit sur mon cœur : une sueur froide me couvrit le front ; je me hâtai de rentrer dans mon appartement et me jetai tout habillé sur mon lit : loin d’être disposé au sommeil, les réflexions les plus accablantes se succédaient en moi jusqu’à m’effrayer, et je ne fus délivré de mon angoisse que lorsque mon domestique entra dans ma chambre. » Et désormais, chaque fois que, lui montrant sa charge commode en perspective, dom Effinger essayait de le ramener à l’idée de vie claustrale et de vœux, « l’image de ces moines, qui avaient consumé leur inutile existence à user avec leurs sandales et les manches de leurs robes les pierres de ce cloître, se dressait devant son imagination effrayée. » Sa passion pour la jeune personne qu’il espérait toujours revoir ne laissait pas d’être aussi un préservatif.
Elles sont immédiates, sans rapport nécessaire avec ses grandes théories, et tiennent à la personne même de l’écrivain : il est ce qu’on appelle un homme d’esprit. […] Je le suppose entrant dans un salon ; un livre nouveau vient de paraître, personne ne l’a lu encore ; on l’interroge : Qu’en pense-t-il ? […] On devine bientôt le secret : la mère d’Aurélie, séparée de son mari par incompatibilité d’humeur et par ennui de se voir incomprise, est une personne célèbre, qui a fait le contraire de ce que Périclès recommandait aux veuves athéniennes, qui a fait beaucoup parler d’elle, qui a demandé à ses talents la renommée et l’éclat, à ses passions les émotions et l’enivrement à défaut de bonheur.
Il y a même de l’affectation dans ces abstractions de Phèdre qui agissent comme des personnes. […] Ce n’est pas un écrivain que nous venons voir, c’est un homme, ou plutôt c’est l’objet lui-même ; le véritable artiste est celui qui fait voir son sujet sans laisser voir sa personne. […] Personne ne défend plus les théories de Delille et l’harmonie imitative.
Son avancement ne parut anormal à personne dans sa rapidité tardive. […] Duruy ; admirer pourquoi il le tentait, et non pas contre qui ; et dire ma piété pour sa mémoire sans désobliger personne, fût-ce parmi les morts… Je me contenterai de remarquer que des prêtres, même excellents, ont peut-être, dans ces dernières années, regretté M. […] Ils reçoivent plus qu’ils ne donnent… Cette doctrine ne détruit la responsabilité de personne, mais elle l’étend à ceux qui trouvent commode de s’en affranchir. » Il nous rappelle ainsi à chaque instant que c’est tout le monde qui fait l’histoire et que nous avons donc tous, pour notre part infime, le devoir de la faire belle — ou de l’empêcher d’être trop hideuse.
Personne n’est le siège et la raison sociale de créations spontanées. […] Le mélange était plus intime encore, dans ces ballets que le roi faisait coudre aux comédies, et où il ne dédaignait pas de figurer en personne. […] Que si cette solution pessimiste était repoussée par les personnes qui se refusent à souscrire aux vérités pénibles, sous le fallacieux prétexte qu’« elles abaissent les cœurs », nous avouerons que la conclusion désolante est toujours pour nous une raison dernière de croire à l’exactitude des déductions qui la commandent.
Personne n’est le siège et la raison sociale de créations spontanées. […] Le mélange était plus intime encore, dans ces ballets que le roi faisait coudre aux comédies, et où il ne dédaignait pas de figurer en personne. […] Que si cette solution pessimiste était repoussée par les personnes qui se refusent à souscrire aux vérités pénibles, sous le fallacieux prétexte qu’« elles abaissent les cœurs », nous avouerons que la conclusion désolante est généralement pour nous une raison dernière de croire à l’exactitude des déductions qui la commandent.