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589. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IX »

Il n’est pas question du conflit entre l’amour et l’or dans le cœur des personnages. […] Et ce « purement humain », le seul personnage tout à fait vivant et vrai de ce drame, c’est Wotan. […] — Une fois ce point central posé — le conflit dans l’âme de Wotan, — il se reflète, quoique plus ou moins symbolisé, dans tous les autres personnages. […] Il résulte de ceci deux choses : d’abord, que dès la première scène, l’antagonisme insurmontable entre l’Or et l’Amour est établi, et ensuite, qu’Alberich — de simple voleur qu’il était — devient un personnage tragique. […] On verra que chez chaque personnage, et à chaque moment, c’est ce conflit intérieur qui est devenu le vrai drame94.

590. (1767) Salon de 1767 « Peintures — La Grenée » pp. 90-121

On prendroit tout au plus ces deux personnages pour deux parents de cette femme à qui ils sont venus indiscrètement annoncer une fâcheuse nouvelle. […] Et pourquoi ce personnage est-il nud ? […] Ce sont de petits personnages d’aujourdhuy. […] Il a vu tous ses personnages sur la toile aussi plats qu’il les auroit vus sur le théâtre du monde, si bonne nature et bonne fortune ne s’y fussent opposées ; et La Grenée l’a bien secondé. […] Laissons cela, et pour nous soulager de la petitesse de cette composition vraiment digne et du personnage qui l’a commandée et des personnages qui la composent, prouvons par un dernier exemple que le plus grand tableau de poésie que je connoisse seroit très ingrat pour un peintre, même de plats-fonds ou de galerie.

591. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Caractères de La Bruyère. Par M. Adrien Destailleur. »

Walckenaer, dans sa copieuse édition (1845), a rassemblé tout ce que fournit de curieux la comparaison des nombreuses éditions originales données par La Bruyère lui-même, et aussi tout ce qu’on a pu savoir ou conjecturer des personnages qui avaient posé devant lui. […] N’oubliez pas, entre tant d’autres, l’incomparable personnage du ministre plénipotentiaire. […] Dans sa ferveur de légitimité, il insulte à Guillaume III, sans daigner entrer dans la profondeur et la réalité de ce grand personnage ; mais ce qui était permis à un honnête homme étroit comme Arnauld, ou à un génie essentiellement oratoire comme Bossuet, ne l’était pas à un sage comme La Bruyère.

592. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Connaissait-on mieux la nature humaine au XVIIe siècle après la Fronde qu’au XVIIIe avant et après 89 ? »

Saint-Évremond, l’épicurien à l’âme ferme, avait appris à ce jeu où il semble n’être entré que pour mieux voir, à connaître de près le caractère des grands personnages de l’histoire et à deviner, presque en homme pratique, le génie des anciens peuples. […] À peine si quelques esprits réfléchis songeaient à s’étonner du changement complet de décoration et de rôles. « Tout arrive en France », avait dit un jour La Rochefoucauld à Mazarin ; et Henri IV disait : « En France, on s’accoutume à tout. » On eut, dès ce temps de la Fronde, à y bien regarder, des échantillons de tous les genres de personnages qu’on a vus se produire depuis dans des révolutions plus grandioses et plus sérieuses : Retz, un Mirabeau-Talleyrand ; — un duc d’Orléans spirituel et lâche. […] Voir le livre de Sénac de Meilhan, le Gouvernement, les Mœurs et les Conditions en France avant la Révolution, suivi des Portraits des personnages distingués de la fin du xviiie  siècle, avec une Introduction par M. de Lescure (1862) ; et voir aussi l’intéressant article de ce dernier dans la Revue germanique du 1er septembre.

593. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français »

La scène représente d’abord le Paradis, et le livret donne à cet égard des indications précises : « Que le Paradis soit établi sur un lieu élevé, nous dit l’auteur ou l’ordonnateur du jeu dans le cas prévu où nous voudrions monter la pièce ; qu’on tende tout autour des courtines et des étoffes de soie à une hauteur telle que les personnages qui seront dans le Paradis ne puissent être vus qu’à partir et au-dessus des épaules. […] Et non-seulement lui, mais que tous les personnages soient également exercés à parler comme il convient, et qu’ils fassent le geste en rapport avec la chose dont ils parlent ; et que dans les rythmes (les vers) ils n’ajoutent ni ne retranchent une syllabe (cet avis du xiie  siècle n’aurait-il pas bien pu s’adresser encore à plus d’un tragédien ou d’une tragédienne que nous avons entendus ?) […] Le drame va être ainsi une sorte de Bible historiée, le verset développé, paraphrasé, mis en action et en personnages.

594. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite.) »

Même dans le cadre resserré où je me suis tenu ; on a  pu saisir parfaitement la marche et le progrès naturel du Mystère ou jeu dialogué, et par personnages, des sujets religieux et sacrés. […] Peu à peu tout l’Ancien et le Nouveau Testament y passèrent et y défilèrent, mis et traduits en scènes et en personnages ; et les Vies des Saints, et les Miracles de la Vierge également. […] Le répertoire des noms contenus au jeu des Actes des Apôtres accuse 485 personnages, ce qui a fait dire que « la moitié d’une ville était occupée à amuser l’autre. » Ces gens-là ont la passion du long. ; ils n’ont pas l’idée du groupe, ni de la proportion et de la mesure.

595. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires de Philippe de Commynes, nouvelle édition publiée par Mlle Dupont. (3 vol. in-8º.) » pp. 241-259

Du côté du roi, il y eut un grand personnage qui s’enfuit au galop jusqu’à Lusignan (en Poitou) sans débrider ; et du côté de Bourgogne, un autre grand personnage ne s’enfuit pas moins vite jusqu’au Quesnoy (en Hainaut). […] « C’étoit un sage homme et malicieux », dit-il de l’un de ses personnages.

596. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Le Palais Mazarin, par M. le comte de Laborde, de l’Institut. » pp. 247-265

« Enfin, il fit si bien, dit Retz, qu’il se trouva sur la tête de tout le monde, dans le temps que tout le monde croyait l’avoir encore à ses côtés. » On ne dira pas que je suis insensible aux grâces persuasives de Mazarin ; mais là où je me sépare un peu de M. de Laborde et de ses ingénieuses apologies, c’est dans l’admiration générale du personnage et du caractère. […] Il s’enthousiasme pour telle ou telle cause, tel ou tel personnage ; et, tantôt insultant le parti opposé, tantôt se raillant du sien, il exerce à la fois sa vengeance et sa malice. […] Voilà les côtés que Retz a merveilleusement saisis et connus, le caractère des hommes, le masque et le jeu des personnages, la situation générale et l’esprit mouvant des choses ; par toutes ces parties, il est supérieur et hors d’atteinte dans l’ordre de la pensée et de la peinture morale, autant que Mazarin peut l’être lui-même dans l’histoire comme signataire de la paix des Pyrénées.

597. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. de Lamartine. (Les deux premiers volumes. — Pagnerre.) » pp. 389-408

Heureusement, dans l’Histoire de la Restauration il a affaire, je ne dirai pas à des souvenirs plus présents, car il se souvient peu et il a la mémoire docile à son imagination, mais il a affaire à de plus honnêtes gens, à des personnages plus dignes en général de ses couleurs. […] Quand M. de Lamartine rencontre ainsi de ces personnages politiques qu’il affectionne et qu’il aime, qu’ils s’appellent Vergniaud, Mirabeau ou M.  […] Mme la duchesse d’Angoulême est un de ces personnages consacrés par le malheur, et avec lesquels le pinceau ne doit point se jouer, même pour les flatter.

598. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — I. » pp. 441-459

Les temps sont différents, les analogies seraient illusoires et trompeuses : mais l’idée générale d’étudier les personnages de réparation et d’ordre après ceux de révolution et de ruine, et d’en évoquer l’esprit, ne saurait être que bonne et utile dans son ensemble. […] Âgé de près de soixante ans, presque entièrement aveugle, d’une physionomie sérieuse et fine qu’éclairait un demi-sourire, d’une parole facile, claire, élégante et même fleurie, d’une discussion tempérée et lumineuse, d’une vaste mémoire, consulté en sa maison ou apporté au Conseil sur sa chaise curule comme un vieillard homérique, il nous rend avec originalité ces personnages de l’antique Rome dont Cicéron a célébré les noms, les P.  […] Il nous rappelle ces personnages de prudence et de savoir, « mais de plus de prudence encore que de savoir », dont, sous les empereurs, les avis et les réponses étaient réputés des décisions.

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