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604. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — I. » pp. 41-61

Un jour qu’elle chantait sans y songer les psaumes calvinistes ou les cantiques luthériens (car elle mêle l’un et l’autre) en se promenant seule dans l’Orangerie de Versailles, un peintre qui était à travailler sur son échafaudage descendit en toute hâte et tomba à ses pieds, en disant avec reconnaissance : « Est-il possible, Madame, que vous vous souveniez encore de nos psaumes ? » Ce peintre était un réformé, depuis réfugié ; elle a très bien raconté cette petite scène touchante.

605. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « I » pp. 1-20

Molière, louant le peintre Mignard, son ami, et célébrant ses grands travaux du Val-de-Grâce, lui disait, ou plutôt disait à son sujet à Colbert : L’étude et la visite ont leurs talents à part ; Qui se donne à la Cour se dérobe à son art. […] L’histoire, où il excellait aussi, et où il se montrait supérieur quand elle était contemporaine ou presque contemporaine, ne le conviait pas moins à devenir un auteur célèbre dans le sens le plus respectable du mot, le peintre de son siècle et du siècle précédent.

606. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — M. de Sénancour, en 1832 »

Charles Nodier a débuté par des romans passionnés et déchirants, lambeaux arrachés d’un cœur tout vulnérable ; mais, à la différence d’Oberman, l’auteur du Peintre de Saltzbourgne s’est pas replié obstinément dans la vie intérieure. […] C’est à la fois un psychologiste ardent, un lamentable élégiaque des douleurs humaines et un peintre magnifique de la réalité.

607. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET. » pp. 177-201

Il faut se répéter chaque matin, quand on ne vit pas dans un âge de barbarie, quand les rivaux abondent et que les rangs se pressent, ce que disait à Dante le peintre Oderic, puni d’orgueil au purgatoire : « Après moi, disait cette âme en rougissant, après moi, Francesco de Bologne qui déjà m’efface ; après Cimabué, le Giotto ; après le premier Guido, le second ! […] Son talent d’observation et son génie de peintre y triomphent dans le choc violent des événements et l’originalité des caractères.

608. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre II. De l’expression »

C’était le conseil de Montaigne, notre plus grand peintre. […] Un vrai peintre ne néglige aucune couleur, parce qu’il y a tel détail qui ne peut être rendu que par une seule teinte.

609. (1894) Propos de littérature « Chapitre II » pp. 23-49

Il crée une œuvre symbolique le peintre, non point copiste mais interprète, qui exprime et complète le sentiment épars dans un paysage ; les poèmes de M. de Régnier en font à maintes reprises heureusement souvenir. […] Pour arriver à mieux, il renie la maternelle nature : le peintre agence des lignes qui n’obéissent plus à la divine concordance ; le littérateur écrit « la Justice » et paraît oublier que le vers est rythme et image.

610. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Adrienne Le Couvreur. » pp. 199-220

Vers le mois de juillet 1729, un petit abbé bossu et peintre en miniature, l’abbé Bouret, fils d’un trésorier de France à Metz, se présenta deux fois chez Mlle Le Couvreur, et, ne l’ayant pas trouvée, il laissa pour elle une lettre dans laquelle il lui disait qu’il avait des choses importantes à lui révéler, et que, si elle en voulait être informée, elle n’avait qu’à venir le lendemain dans une allée solitaire du Luxembourg qu’il lui désigna ; que là, à trois coups qu’il frapperait sur son chapeau, elle le reconnaîtrait et pourrait tout apprendre de lui. […] Elle y trouva le petit bossu, qui lui dit en substance qu’une dame de la Cour dont il faisait la miniature lui avait proposé de s’introduire chez Mlle Le Couvreur comme peintre, et de lui donner un philtre qui éloignerait d’elle le comte de Saxe ; que, là-dessus, deux personnes masquées, à qui il avait eu affaire pour le détail de l’exécution, lui avaient déclaré qu’il ne s’agissait pas d’un philtre, mais bien d’un poison ; qu’à cet effet on déposerait, à un certain jour, dans un if des Tuileries, des pastilles empoisonnées ; que l’abbé les irait prendre, et que, s’il les donnait à Mlle Le Couvreur, on lui assurait 600 livres de pension et une somme de 6 000 livres.

611. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de La Tour-Franqueville et Jean-Jacques Rousseau. » pp. 63-84

J’ai les bras, les mains, les doigts, les ongles même, dessinés comme les voudrait une fantaisie de peintre. […] Byron, qui n’était pas exempt de ce même mal dont furent diversement atteints Chateaubriand et Rousseau, a mieux daigné y entrer et le comprendre ; les stances qu’il a consacrées, dans Childe-Harold, au peintre de Clarens et à l’amant de Julie, resteront le portrait le plus sympathique et le plus fidèle.

612. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame Geoffrin. » pp. 309-329

Elle n’embrassa pas seulement dans sa sollicitude les gens de lettres proprement dits, mais elle s’occupa des artistes, sculpteurs et peintres, pour les mettre tous en rapport entre eux et avec les gens du monde ; en un mot, elle conçut l’encyclopédie du siècle en action et en conversation autour d’elle. […] Morellet lui-même, quand il parle d’elle, est non pas un excellent peintre, mais un parfait analyste ; la main qui écrit est bien un peu lourde, mais la plume est nette et fine.

613. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Mémoires du cardinal de Retz. (Collection Michaud et Poujoulat, édition Champollion.) 1837 » pp. 40-61

Mais, dans ses Mémoires, Retz, évincé de l’action et de la pratique, n’est de plus en plus qu’un écrivain, un peintre, un grand artiste ; il lui est impossible désormais d’être autre chose, et l’on s’arme aisément contre lui-même, contre ce qu’il aurait pu être et devenir autrefois, de cette qualité dernière qui fait à jamais sa gloire. […] Bazin, en lisant cela, n’ait pas à l’instant reconnu et salué Retz comme un maître, sauf ensuite à le contredire en bien des cas, s’il y avait lieu ; mais l’historien qui rencontre, dès les premiers pas, dans le sujet qu’il traite, un tel observateur et peintre pour devancier, et qui n’en tire sujet que de s’efforcer à tout amoindrir et à tout éteindre après lui, me paraît faire preuve d’un esprit de taquinerie et de chicane qui l’exclut à l’instant de la large voie dans la carrière.

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