L’Auteur y avoit peint sa belle-mere, avec laquelle il étoit en procès.
M. de Voltaire a-t-il cru peindre au vrai son caractere, en s’exprimant ainsi dans son Siecle de Louis XIV ?
Il ne sait pas peindre ; la magie des lumières et des ombres lui est inconnue, rien n’avance, rien ne recule ; et puis comparé à Bouchardon, à d’autres grands dessinateurs, je trouve qu’il emploie trop de crayon, ce qui ôte à son faire de la facilité, sans lui donner plus de force.
Un tableau d’histoire aussi bien peint qu’un corps de garde de Teniers nous attacheroit bien plus que ce corps de garde.
Non ; ce qui nous intéresse surtout, c’est d’apprendre qu’Aristophane ne développe pas d’intrigues, ne peint pas de caractères ; que son comique est une gaieté sans frein et une fantaisie sans bornes, animant, poétisant le tableau des mœurs publiques ; qu’il est tantôt lyrique et tantôt bas, à la fois cynique et charmant, tel enfin que Voltaire a pu l’appeler un bouffon indigne de présenter ses farces à la foire , et que Platon a pu dire : les Grâces choisissant un tombeau trouvèrent l’âme d’Aristophane . […] Ce qui nous intéresse enfin, c’est de nous répéter, fût-ce pour la millième fois, que Molière seul a surpris le comique au sein de la nature, qu’il n’a pas cherché à dire de bons mots, à faire paraître son imagination ou son esprit, mais à peindre le cœur humain et à être vrai, qu’en un mot son comique est un comique moral. […] Plusieurs Allemands disent qu’il n’y a point de poésie quand la réalité est peinte telle qu’elle est, quand la raison gouverne et tempère l’imagination, quand des médecins, des avocats ou des professeurs de mathématiques ne font pas au poète l’honneur de ne l’entendre point. […] Uranie commence par quelques exclamations profondément senties, il est vrai, mais un peu générales peut-être et médiocrement instructives, sur la perfection du style de Molière, la vérité toujours si délicate ou si forte des caractères qu’il peint, la verve dramatique de tous ses personnages. […] Ce que Molière a voulu peindre, c’est, vous le savez comme moi, le ridicule du vieux jaloux, ses angoisses, ses éclairs d’espérance, et ses tourments d’esprit pour parer les accidents qui le menacent.
Et ce n’est pas trop d’un art si juste, si consommé, pour peindre les miévreries charmantes, les subites fiertés, les demi-rougeurs, les caprices imperceptibles et fuyants de la beauté féminine. […] Mais ces peintures mélancoliques ne le montraient point tout entier ; on allait avec lui dans le pays du soleil, vers les molles voluptés des mers méridionales ; on revenait par un attrait insensible aux vers où il peint les compagnons d’Ulysse qui, assoupis sur la terre des Lotos, rêveurs heureux comme lui-même, oubliaient la patrie et renonçaient à l’action. […] Quels vers que ceux où il se peint dans son petit jardin sombre, « écoutant la marée et le rugissement sinistre de ses lourdes lames, puis le cri de la grève désespérée que la vague arrache et entraîne » ; tantôt contemplant au bout de l’horizon « la mer, fleur d’azur liquide, et son silencieux croissant, anneau étoilé de saphirs, anneau de mariage de la terre1525 ! […] Il a si bien peint l’expression changeante de ces yeux fiers ou candides ! […] Sa poésie ressemble à quelqu’une de ces jardinières dorées et peintes où les fleurs nationales et les plantes exotiques emmêlent dans une harmonie savante leurs torsades et leurs chevelures, leurs grappes et leurs calices, leurs parfums et leurs couleurs.
La beauté de la comtesse Héléna, ou, comme on l’appelait parmi ses amies, par abréviation familière, Léna, ne pouvait se peindre : les mots et les couleurs, quelque nuancés qu’ils soient, ont des limites que le talent même de l’Arioste ou de Corrège ne peut dépasser ; la beauté féminine n’en a pas, de limites. […] On ne décrit pas l’ivresse, on ne peint pas la verve ; la beauté est la verve de la nature ; la sienne semblait enivrer l’air qui l’enveloppait et qui devenait lumineux et tiède en la touchant ; elle marchait, comme les héroïnes surnaturelles de l’Arioste, dans un limbe d’attraits et de fascination auquel on n’essayait même pas d’échapper. […] Les poètes, selon moi, portent le modèle de leur héros en eux-mêmes ; ils ne peignent jamais bien que ce qu’ils ont eux-mêmes éprouvé. […] Le chanoine nous quitta tout pensif pour aller dire ses vêpres dans la longue allée de lauriers ; la comtesse fit dételer les chevaux et descendit avec sa fille et moi de la terrasse vers une pente d’herbes en fleurs d’où l’on voyait plus librement la mer Adriatique traversée çà et là de quelques voiles latines blanches ou peintes en ocre, semblables à des oiseaux à divers plumages. […] Ainsi, dans cette circonstance de ma vie poétique, la belle villa des collines euganéennes, les bois de lauriers sous nos pieds au penchant de la pelouse, le pin murmurant sur nos têtes, la mer Adriatique à l’horizon, le tintement du petit jet d’eau des terrasses qui venait jusqu’à nous sur les tièdes bouffées du vent du soir, ces deux charmantes figures de femme, l’une dans le septembre encore fleuri, l’autre dans l’avril à peine fleurissant de leurs années ; cette tendresse égale, mais diverse, qui se peignait dans leurs yeux bleus en se regardant avec leur jeune amour, l’un de mère, l’autre de fille ; le groupe enchanteur qu’elles formaient sans y penser en folâtrant ensemble dans des attitudes langoureuses ou enfantines, sous mes yeux ; les joyeux éclats de rire innocents qui retentissaient dans leurs jeux, entre leurs dents sonores, tout cela me faisait une telle illusion et se confondait tellement dans mes yeux et dans mon imagination avec les stances de l’Arioste, encore vibrantes à mes oreilles, qu’il me semblait voir en réalité une Ginevra dans la mère, une Angélique dans la fille, et que, si on m’avait demandé : Êtes-vous dans le poème ?
Non que le premier ne sache penser, ni le second peindre ; mais La Bruyère nous donne plus volontiers la représentation et Montesquieu les raisons de nos ridicules. […] En lisant ces peintures voluptueuses sans amour, on rougit de confusion pour l’homme supérieur qui se commet pour peindre, au lieu de la passion, le libertinage discret. […] J’en doute, le dernier portrait n’étant pas plus favorable au prélat que le premier ; mais le dernier peint l’homme d’après les témoignages. […] Il y a d’autres historiens pour nous donner les suprêmes beautés du genre, les motifs secrets des actions, le fond des affaires et des cœurs, et cette science de la vie humaine dont nous sommes plus curieux à mesure que la nôtre s’écoule ; mais aucun n’a possédé plus que Voltaire le don de peindre et d’être expressif en restant simple. […] Si Lesage avait eu le dessein de peindre son temps, l’original aurait trop souvent changé d’attitude.
Le poète y souhaite « pour la France une littérature qu’on puisse comparer à une ville du moyen âge », et si on lui demande ce qu’il a voulu faire lui-même dans son livre, il répond : une mosquée, « la mosquée orientale, au dôme de cuivre et d’étain, aux portes peintes, aux parois vernissées, avec son jour d’en haut, ses grêles arcades, ses cassolettes qui fument jour et nuit, ses versets du Koran sur chaque porte, ses sanctuaires éblouissants, et la mosaïque de son pavé et la mosaïque de ses murailles ; épanouie au soleil comme une large fleur pleine de parfums ». […] On dit volontiers, en argot d’atelier, que les personnages d’un romancier sont « faits de chic », s’ils trahissent plus de fantaisie que d’observation ; ou bien qu’ils sont solidement campés, peints en pleine pâte, bien dessinés ou gravés en relief s’ils présentent des traits nettement marqués. […] Elle fit peindre les murs de couleurs gaies. […] En revanche, ce salon, d’où est exilé ce qui a un caractère intime, s’égaie de plafonds et de panneaux peints de couleurs claires, de lambris où des fleurs, des fruits, des oiseaux se suspendent en guirlandes légères ; il s’encombre aussi de bagatelles précieuses, de bibelots parisiens ou exotiques. […] L’un, Nicolas de Clémengis, rappelle que d’ordinaire le diable est peint sous la figure d’une femme cornue.
La page du Purgatoire, poème de toutes les âmes veuves et aimantes ici-bas, est écrite ou peinte sur toutes les murailles de ses églises, de ses chapelles, de ses monastères, de ses ermitages, et jusque dans les carrefours de ses grands chemins. […] Il peint l’âme du même pinceau qu’il peint la matière. […] » XVI Ailleurs il peint, avec l’énergie laconique de Pascal, la séparation de l’âme et du corps sous le fer d’un assassin : « Et je tombai et ma chair demeura seule ! […] La maternité y est peinte dans un divin tercet : « Comme un petit enfant qui tend encore ses bras vers sa mère après qu’il en a épuisé le lait, attiré vers elle par la puissance de l’amour qui émane du dedans jusqu’au dehors !