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796. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « II » pp. 21-38

Il passa en Suisse, et s’établit dans le pays de Vaud d’abord, puis près de Genève. […] J’appuie ma gauche au mont Jura, ma droite aux Alpes, et j’ai le lac de Genève au-devant de mon camp, un beau château sur les limites de la France, l’ermitage des Délices au territoire de Genève, une bonne maison à Lausanne ; rampant ainsi d’une tanière dans l’autre, je me sauve des rois et des armées, soit combinées, soit non combinées… Dans une lettre à Tronchin de Lyon, du 13 décembre 1758, il explique encore plus à nu toute sa stratégie, et comment il cherche son assiette la plus sûre en se mettant à cheval sur trois pays (Genève, Berne, dont Lausanne était la sujette alors, et la France). […] Tabareau, serait un bien joli pays sans les impôts et les pédants.

797. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

Pelouze (le père du chimiste), vous la connaissez : je ne suis resté indifférent à rien de ce qui a intéressé mon pays et l’humanité. […] Encore même, sur ce point, y a-t-il à redire, car le patriotisme, sentiment qui ne vieillit pas en moi, me barre le chemin toutes les fois que je puis craindre que l’application de mes principes ne compromette les intérêts du pays. […] » Cela le mena à sacrifier son idée de république chaque fois qu’il y vit le salut du pays intéressé.

798. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Charles-Quint après son abdication, au monastère de Saint-Just »

L’histoire de Charles-Quint tout entière, dont Robertson semblait avoir élevé le monument définitif, a été renouvelée de nos jours par la connaissance directe des sources et des papiers d’État contenus dans les archives des divers pays, régis et gouvernés par ce puissant monarque ; l’étude des diverses branches dont se compose, en si grand nombre, ce règne étendu et complexe est devenue l’objet d’une savante émulation, et en Espagne, et à Vienne, et en Belgique surtout par les exactes et si essentielles publications de M.  […] Il rappela en commençant : « Qu’il y avait quarante ans que dans la même salle, dans le même lieu, et quasi à la même heure, il avait été émancipé du consentement de l’empereur Maximilien, son grand-père ; qu’il n’avait alors que quinze ans ; qu’en 1516 le roi catholique étant mort, il fut obligé de passer en Espagne l’année suivante ; qu’en 1519 il perdit l’empereur, son aïeul ; qu’alors il sollicita l’élection à l’Empire, non par ambition d’avoir plus de seigneuries, mais pour le bien de plusieurs de ses royaumes et pays, et principalement de ceux de par deçà ; que, depuis, il avait fait neuf voyages en Allemagne, six en Espagne, sept en Italie, dix aux Pays-Bas, quatre en France, deux en Angleterre, et deux en Afrique, sans compter ses visites en ses autres royaumes, pays et îles, lesquelles avaient été nombreuses, et son passage par la France en 1539, qui n’était pas la moindre de ses entreprises ; qu’il avait, dans ces divers voyages, traversé huit fois la Méditerranée et trois fois l’Océan… » Quarante années d’un semblable règne, de telles fatigues pour pourvoir à tout instant et subvenir à tant de royaumes et d’États disjoints, une santé détruite et dont le délabrement dans sa personne était visible à tous, justifiaient suffisamment une pensée de retraite depuis longtemps conçue, mais qu’il avait fallu ajourner jusqu’à ce que son fils eût atteint l’âge d’homme.

799. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Pour moi, j’avais, lorsque je recommençai il y a près de trois ans ici 67 cette série d’études, un dessein que je n’ai exécuté que très-imparfaitement ; on n’accomplit jamais tous ses desseins ; le mien eût été de neutraliser le pays des Lettres, non pas de le rendre à jamais inviolable et sacré comme l’était le territoire de Delphes dans l’Antiquité, — ce serait trop demander à nos mœurs et à nos usages, —  mais de le rendre au moins plus hospitalier et plus ami, pour qu’on pût y être juste les uns envers les autres et que « les iniquités de la polémique » ne nous y suivissent pas. […] Émile, qui va dans le monde comme on irait en pays ennemi, s’est fait de bonne heure une contenance qu’il nous définit ainsi, à un moment où il juge à propos de la modifier : « Au lieu de cet air grave qu’on m’avait reproché si souvent, comme me donnant un maintien important et dédaigneux, je conservai le ton railleur et caustique que j’avais adopté pour me dispenser de répondre directement aux questions… » Il a souvent rencontré un jeune homme, Édouard de Fontenay, qui l’a regardé d’un air qui lui déplaît ; il a résolu de lui donner une leçon. […] Il savait que le plus grand ennemi de tout progrès et de toute réforme sociale, surtout en cette France qui passe pour le pays des nouveautés et qui est « la patrie des abus », c’est la paresse, l’apathie, et que la première chose à faire est de la piquer au vif, cette apathie, et de la faire sortir d’elle-même, dût-on l’avoir d’abord contre soi.

800. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Mlle Eugénie de Guérin et madame de Gasparin, (Suite et fin.) »

Vivant dans un pays de grande nature, elle a su regarder et elle a osé rendre : elle est paysagiste d’abord, et, selon moi, c’est ce qu’elle est le mieux. […] Elle en emprunte beaucoup au patois même du pays, patois naturel, agreste, légitime par son ancienneté, dont les fautes mêmes nous plaisent grâce à de certaines analogies qui ont conduit à les faire commettre. […] Dans ce pays les Ânes suivent les conquérants, mais ils renversent beaucoup de combattants.

801. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre (suite et fin) »

Je garderai le secret que vous m’en demandez ; mais le tout est déjà public, et peut-être même plus enflé qu’il n’est, car vous savez qu’en ce pays l’on y va fort vite, soit d’une façon, soit d’une autre. […] Frédéric était un roi essentiellement patriotique, et il ne badinait point dès qu’il s’agissait de son pays et de l’histoire. […] « Je ne m’étendrai pas davantage pour cette fois-ci, mais j’attendrai votre réponse avec honnêtement d’inquiétude ; pensez le reste. » Il y a là quelque bon désir, quelque étincelle ; et quinze jours après (9 août), lorsque la retraite de l’armée de Bavière a ramené la guerre à notre frontière du Rhin, Louis XV dira : « Si l’on mange mon pays, il me sera bien dur de le voir croquer, sans que je fasse personnellement mon possible pour l’empêcher ; mettons-nous au moins en état de réparer de bonne heure ce que nous aurons pu perdre toute cette année-ci. » Sous des expressions peu nobles on aime à surprendre de ces réveils d’honneur.

802. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Une somme de quatre millions de florins, offerte à Varsovie par les magnats pour obtenir son suffrage en faveur du rétablissement de leur pays, leur fut restituée après être restée déposée pendant plusieurs jours entre les mains du baron de Dalberg. […] Ici deux points de vue, deux façons de sentir, qui avaient l’une et l’autre leur raison d’être et leur légitimité, sont en présence, et l’histoire ne peut que les constater sans trancher le différend : il y avait la manière héroïque et patriotiquement guerrière d’entendre la défense du sol, la résistance nationale ; de faire un appel aux armes comme aux premiers jours de la Révolution, et, ainsi que Napoléon l’écrivait à Augereau, de « reprendre ses bottes et sa résolution de 93 » ; mais il y avait aussi chez la plupart, et chez les hommes de guerre tout les premiers, fatigue, épuisement, rassasiement comme après excès ; il y avait partout découragement et dégoût, besoin de repos, et, dans le pays tout entier, un immense désir de paix, de travail régulier, de retour à la vie de famille, aux transactions libres, et, après tant de sang versé, une soif de réparation salutaire et bienfaisante. […] Napoléon, dans ce tête-à-tête avec Rœderer, se promenant de long en large, s’animait par degrés, et parlant du contenu de ces lettres : « Il y dit qu’il veut aller à Morfontaine, plutôt que de rester dans un pays acheté par du sang injustement répandu… Et qu’est-ce donc que Morfontaine ?

803. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IV. Des figures : métaphores, métonymies, périphrases »

Les éléphants rugueux, voyageurs lents et rudes, Vont au pays natal à travers les déserts….. […] Hugo, comparant la France à un vaisseau, n’a pas nommé le vaisseau, quoiqu’il pût le faire sans violence entrer dans son vers, et il a préféré écrire, enserrant la métaphore entre deux mots propres : Nous sommes un pays désemparé, qui flotte, Sans boussole, sans mâts, sans ancre, sans pilote, Sans guide, à la dérive, au gré du vent hautain, Dans l’ondulation obscure du destin. […] Ainsi l’on nomme la cause pour reflet ; l’effet pour la cause ; l’instrument pour l’acte ou l’acteur ; l’œuvre pour l’auteur ; les dieux pour les actions, les objets, les éléments auxquels ils président ; le contenant pour le contenu ; la résidence pour l’habitant ; le lieu d’origine pour le produit ; le signe pour la chose signifiée ; le possesseur pour la chose possédée ; les parties du corps pour les facultés ou les qualités dont on convient qu’elles sont le siège ; l’espèce pour le genre ; le genre ou l’individu pour l’espèce ; la matière pour l’objet qui en est fait ; la partie pour le tout ; le fleuve pour le pays qu’il arrose ou pour le peuple qui vit sur ses bords.

804. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. L’Histoire »

Les deux fondateurs des études historiques en notre pays, Thierry et Guizot, représentent ces deux tendances : Guizot, plus philosophe, opère sur des idées ; Thierry, plus imaginatif, essaie d’atteindre les réalités. […] S’appuyant solidement sur la configuration géographique du pays, et sur l’histoire des colonies anglaises, il recherche les origines de l’esprit démocratique en Amérique : il expose l’organisation des États de l’Union et de l’Etat fédéral, leurs relations et leurs attributions ; il montre comment le peuple gouverne, et tous les effets de la souveraineté de la majorité. […] Quand il abordait l’histoire de France, il voyait dans l’affranchissement des communes « une véritable révolution sociale, prélude de toutes celles qui ont élevé graduellement la condition du Tiers État » : remontant plus haut, il crut trouver dans l’invasion franque « la racine de quelques-uns des maux de la société moderne : il lui sembla que, malgré la distance des temps, quelque chose de la conquête des barbares pesait encore sur notre pays, et que des souffrances du présent on pouvait remonter, de degré en degré, jusqu’à l’intrusion d’une race étrangère au sein de la Gaule, et à sa domination violente sur la race indigène ».

805. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

Son père, médecin, était venu se fixer là, après avoir fait une campagne dans la guerre d’Amérique sous Rochambeau ; homme de bien et d’honneur, il a laissé dans le pays des souvenirs que quarante années écoulées depuis ont à peine effacés. […] Il se compose une histoire à vue de pays, à vol d’oiseau, comme le pourrait faire l’œil de la Providence. […] Il fit un Mémoire pour le rétablissement en France de l’ordre des Frères prêcheurs, qu’il dédia pour premier mot « À mon pays » ; il écrivit une Vie de saint Dominique, qui serait à discuter historiquement, mais où respire et reluit l’intelligence vive du Moyen Âge.

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