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404. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Joseph de Maistre »

Dans un pays comme la Russie, où la richesse est plus nécessaire que partout ailleurs, même qu’en Angleterre, Joseph de Maistre ne pouvait payer un secrétaire, et le plus souvent n’avait pas assez d’argent pour prendre une voiture. « On me dit, — écrit-il avec cette philosophie que j’appelle, moi, une sainteté, et qui fut toujours si piquante d’esprit quand elle était le plus touchante de résignation, — on me dit que j’ai de l’esprit, mais je ne puis cependant pas faire avec de l’esprit une berline !  […] Il a beau avoir de la grandeur de tête et de la vertu, Joseph de Maistre a un esprit du diable, comme on dit dans le pays des gens d’esprit, mais c’est le diable avant sa chute, dans le temps qu’il était ange encore et qu’il s’appelait Lucifer ! […] Correspondance diplomatique, publiée par Albert Blanc (Pays, 15 décembre 1860).

405. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « César Daly »

[Le Pays, 1861.] […] Si vous parcouriez, en effet, les académies de l’Europe, et il est de presque toutes, excepté, bien entendu, de celles de son pays, et si vous leur demandiez, à ces académies, pour votre édification personnelle, ce que c’est que César Daly, ce que c’est que le fondateur et le directeur de cette encyclopédie de science et d’art qui se publie, depuis plus de vingt ans, sous le titre de Revue générale de l’Architecture et des travaux publics, vous verriez ce qu’on vous répondrait ! […] La science, désintéressée de tout ce qui n’est pas ses résultats et ses découvertes, n’a pas de frontières et ne se cantonne pas exclusivement dans un pays.

406. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La révocation de l’Édit de Nantes »

[Le Pays, 30 juin 1853.] […] Il se serait demandé encore si, dans la prévision des événements qui allaient suivre, il ne valait pas mieux se séparer de tout ce qui pouvait entretenir dans le pays les antiques et effroyables divisions intestines, que de l’y garder en affrontant les éventualités les plus funestes ; car, à cette époque de l’histoire, la religion pesait plus dans les décisions des hommes que cette idée de la patrie qui, deux siècles plus tard, l’a remplacée. Enfin, il aurait peut-être prouvé ce que nous disions tout à l’heure sur les formes diverses qu’a revêtues souvent en France une politique unitaire : c’est que, bon pour pacifier le pays, l’Édit de Nantes, qui avait rapproché deux partis sans les fondre, présentait des inconvénients et des dangers alors que, défatigués des événements qui avaient longtemps pesé sur eux, ils se retrouvaient avec leurs vieilles haines augmentées de prétentions nouvelles… Si, après un tel examen, l’écrivain qui l’aurait tenté eût condamné comme une faute radicale, une faute politique et à tout point de vue, la révocation de l’Édit de Nantes, personne, du moins parmi ceux qui ont le sentiment de la dignité de l’Histoire, ne l’eût accusé de superficialité ou de mauvaise foi.

407. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le comte de Fersen et la cour de France »

II Et ceci dépasse de beaucoup la personnalité du comte de Fersen, si touchante qu’elle soit, et il en est peu d’aussi touchantes… Venu de Suède en France et grand seigneur dans son pays, ami de Gustave III, de ce seul Roi de battement de cœur royal qu’il y eût alors en Europe, le comte Jean-Axel de Fersen, officier supérieur en Suède, le devint en France, croyant servir la Suède encore en servant la France, tant la France et la Suède, de temps immémorial, étaient unies. […] Le sentiment de Fersen pour Marie-Antoinette l’a revêtu d’une éternelle jeunesse, et il portera sur son front inextinguiblement cette lueur d’étoile… Cet admirable serviteur d’une Reine assassinée mourut longtemps après elle, assassiné comme elle, dans une émeute de son pays, mais avec des détails de cruauté à faire bénir le coup de tranchet de la guillotine qui emporta la tête de la Reine. […] Un homme qui pesait plus que ces Majestés dégradées, Pitt, existait pourtant en Angleterre, mais l’Angleterre, la neutre Angleterre, immobile sous la carapace de ses intérêts, ne bougea pas non plus, et ce ne fut que plus tard, et grâce à l’argent de son pays, que Pitt fit cette coalition de princes possible contre l’Empereur, mais impossible pour le Roi !

408. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XI. Gorini »

II Et ce serait une intéressante page de biographie à écrire et qui éclairerait la Critique… M. l’abbé Gorini, au doux nom italien, est un prêtre de Bourg qui a passé la plus longue partie de sa jeunesse et de sa vie dans un des plus tristes pays et une des plus pauvres paroisses du département de l’Ain, si pour les prêtres qui vivent, les yeux en haut et la pensée sur l’invisible, il y avait, comme pour nous, des pays tristes et de pauvres paroisses, et si même la plus pauvre de toutes n’était pas la plus riche pour eux ! […] Il avait deux à trois amis à des points assez distants dans le pays, et qui possédaient quelques bouquins comme on en a à la campagne.

409. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Théophile Gautier. » pp. 295-308

En effet, ils sont comme cela trois ou quatre en France, à peu près, qui y sont regardés sérieusement comme impeccables, et sur lesquels le pays le moins disposé de sa nature au respect, le pays qui fait le plus de révolutions et gamine le plus contre ses gouvernements, n’entend pas que l’on dise un seul mot qui ne soit l’expression d’un hommage… Depuis longtemps M.  […] Ce chapitre a paru dans le journal le Pays.

410. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre sixième »

C’est par ces pauvretés qu’on plaisait à Marie de Médicis et à ses amis d’Italie, fort pardonnables, d’ailleurs, d’aimer des choses accommodées au goût de leur pays. […] Quelle apparence que, dans le pays de la Ménippée, on fût d’humeur à imiter les gentillesses du bel-esprit espagnol ? […] Les dominateurs du pays en avaient pris les mœurs. […] La communauté de race avait porté, dès le siècle précédent, les deux pays et les deux esprits l’un vers l’autre. […] Il n’y a pas de législation plus conforme au génie de notre pays.

411. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. (suite et fin.) »

Quelques femmes françaises nous regardaient à travers leurs croisées entr’ouvertes et pleuraient… » Arrivé à Constantinople, les illusions du prisonnier continuent : il persiste à se croire en pays civilisé ou du moins non entièrement barbare ; une captivité politique ne l’effrayait pas : « Quelque fâcheux qu’il fût pour moi de me voir prisonnier, je regardais d’abord comme très-consolant d’être réuni à d’autres Français dont la société pouvait me procurer quelques douceurs. […] Le fanatisme le plus hostile et le plus stupide trouvait moyen de se diversifier encore à ses yeux et de lui permettre d’y mesurer des degrés : « Nous nous trouvions transplantés dans un pays barbare ; et par la bizarrerie de notre destinée, ce pays, habité par deux espèces d’hommes animés les uns contre les autres d’une haine mortelle, ne nous offrait dans tous que des ennemis également furieux contre nous. […] Écrivant pour se distraire ces pages mêmes que nous lisons, se livrant à la culture d’un petit jardin, il regrette de ne pouvoir observer le pays, les côtes, et il recueille tout ce qu’il peut apprendre en fait d’informations positives. […] Jean-Bon est mort à la peine, à soixante-quatre ans, en vaillant et dévoué serviteur du pays.

412. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.) »

Catinat lui en fit beaucoup ; La Hoguette, le général chargé de l’autre partie de l’expédition, lui en fit encore plus, et s’étant engagé sans entrain dans un commencement d’exécution ou plutôt dans une simple reconnaissance du pays, il vint échouer faute de canon au fort de Bard. […] Il vaut mieux hasarder que les ennemis fassent quelques petites courses dans mon pays ou dans la Savoie que d’abandonner les lieux les plus importants. » Le dernier cas prévu arriva, et au-delà de ce qu’on supposait. Le duc de Savoie, sentant la faiblesse à laquelle était réduit l’adversaire, s’enhardit, passa à l’offensive et à l’invasion de notre territoire, pénétra jusqu’à Embrun qu’il assiégea, s’en rendit maître sur les derrières de Catinat, brûla le pays jusqu’à Gap, et il serait même descendu dans la plaine du Dauphiné sans la petite vérole qui le prit à Embrun et dont il fut fort mal. […] Au mois de septembre 1692, à son camp d’Aspre, pendant la petite vérole du duc à Embrun, il se considérait dans une situation fort bonne pour être à portée de tout, et fort dangereuse pour les ennemis, s’ils faisaient un mouvement de plus en avant dans notre pays. […] Mais, ce qui était pis, Vauban, l’autorité même, Vauban semblait croire que Catinat aurait pu agir autrement et tenir le poste de La Pérouse ; il le disait à qui voulait l’entendre : « Je t’assure, écrivait Catinat à son frère, qu’il n’y a ombre de raison à ce dire, et qu’il aurait de la confusion de l’avoir avancé s’il était sur les lieux et qu’on lui dît de disposer ce poste pour être soutenu contre une armée qui a du canon… Je suis assurément rempli d’un grand fonds d’estime et d’affection pour M. de Vauban ; mais je voudrais bien voir jusqu’où iraient ses lumières et la tranquillité de son esprit, s’il était chargé en chef des affaires de ce pays-ci : je crois qu’il y serait pour le moins aussi fécond en inquiétudes qu’il l’était à Namur, où il était demeuré après la prise. » Catinat d’ailleurs n’en veut point à Vauban, et il trouve, pour l’excuser de ce léger tort à son égard, une belle explication amicale : « M. de Vauban est de mes amis ; sa franchise naturelle l’a surpris et l’a fait parler d’une chose qu’il a pensée et qu’il ne sait point, et avec peu de ménagement pour un homme qu’il aime ou qui est en droit de le croire. » Bien qu’endurci par l’expérience à tous les propos, Catinat était donc en ce moment fort fécond en soucis et des plus travaillés d’esprit ; toutes ses lettres adressées du camp de Fénestrelles à son frère nous ouvrent le fond de son âme : « Personne n’est à l’abri du discours, c’est un mal commun à tous ceux qui sont honorés du commandement : il faudrait que je fusse bien abîmé dans un esprit de présomption pour que je pusse imaginer que cela fût autrement à mon égard.

413. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LES JOURNAUX CHEZ LES ROMAINS PAR M. JOSEPH-VICTOR LE CLERC. » pp. 442-469

D’après cette conjecture, les journaux seraient comme une bouture sortie du vieux tronc pontifical : ils n’en seraient que la prolongation et l’émancipation au dehors ; ils auraient eu, comme le théâtre, comme la statuaire en bien des pays, leur période hiératique avant d’avoir leur existence populaire. […] Il paraît pourtant qu’un des premiers journaux des Romains fut rédigé par un Grec appelé Chrestus : il n’a dû importer à Rome que ce qui était déjà dans son pays. […] On a trop fait avec ces deux siècles comme le touriste de qualité qui, dans un voyage en Suisse, va droit au Mont-Blanc, puis dans l’Oberland, puis au Righi, et qui ne décrit et ne veut connaître le pays que par ces glorieux sommets. […] Il y a en ce sens une carte du pays à faire, qui, à l’exemple de ces bonnes cartes géographiques, marquerait la hauteur relative et le degré de relèvement des monts par rapport à ce terrain intermédiaire et continu. […] Il serait fastidieux d’énumérer, et moi-même je n’ai jamais traversé ces pays qu’en courant ; mais un jour il m’est arrivé aux champs, dans la bibliothèque d’un agréable manoir, de rencontrer et de pouvoir dépouiller à loisir plusieurs années de cette considérable et excellente collection intitulée l’Esprit des Journaux, laquelle, commencée à Liége en 1772, s’est poursuivie jusque vers 1813.

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