/ 2098
1181. (1903) Propos de théâtre. Première série

Trop pauvre, le prétendant a été repoussé. […] Elle le plaint sincèrement ; elle a pour lui ce petit sentiment tendre qu’une femme qui fut aimée a toujours pour celui qui l’a aimée le premier : « Le pauvre garçon… Il m’aimait chèrement… Les circonstances nous ont séparés… Il n’a pas eu de chance… Non, vraiment, certes, il n’a pas eu de chance… Le pauvre garçon !  […] Il les représente comme « en voulant beaucoup à cette pauvre cour », et il montre la cour méprisant de toute sa hauteur ces petits « gredins ». […] La pauvre femme ! […] Je suis pauvre et borné auprès d’eux.

1182. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre I. La Restauration. »

L’entremetteuse se récrie, il lâche une couronne. « Mais pour les rubans, les pendants d’oreille, les bas, les gants, la dentelle et tout ce qu’il faut à la pauvre petite ?  […] La pauvre Fidelia, déguisée en homme et qu’il prend pour un adolescent timide, vient le trouver pendant qu’il ronge sa colère : « Je puis vous servir, monsieur ; au pis, j’irais mendier ou voler pour vous. —  Bah ! […] pauvre fille, comme elle sera effarouchée la nuit des noces ! […] Pour comble, ce délicat entretien a pour but de faire entrer la pauvre délaissée dans une intrigue basse qui procurera à Mirabell une jolie femme et une belle dot. […] Sur ce pauvre homme assez plat, il n’y a pas de quoi bâtir un drame ; et les grandes situations que Sheridan prend à Molière perdent la moitié de leur force en s’appuyant sur un si mesquin support.

1183. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre III. La poésie romantique »

Ainsi un obscur soldat promène à travers tous les champs de bataille de l’empire une pauvre folle dont il a fusillé le mari ; il se dévoue par pitié à celle que par devoir il a désespérée. […] Ni lyrique, ni orateur, il a le souffle court, l’invention pauvre : la sensibilité nulle, l’intelligence médiocre. […] Et Océano nox est l’abstraction sentimentale qui deviendra le récit épique des Pauvres Gens.

1184. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Introduction, où l’on traite principalement des sources de cette histoire. »

Après avoir déclaré qu’en pareille matière il préfère la tradition orale aux livres, Papias mentionne deux écrits sur les actes et les paroles du Christ : 1° un écrit de Marc, interprète de l’apôtre Pierre, écrit court, incomplet, non rangé par ordre chronologique, comprenant des récits et des discours [Greek : lechthenta ê prachthenta], composé d’après les renseignements et les souvenirs de l’apôtre Pierre ; 2° un recueil de sentences [Greek : logia] écrit en hébreu 22 par Matthieu, « et que chacun a traduit comme il a pu. » Il est certain que ces deux descriptions répondent assez bien à la physionomie générale des deux livres appelés maintenant « Évangile selon Matthieu », « Évangile selon Marc », le premier caractérisé par ses longs discours, le second surtout anecdotique, beaucoup plus exact que le premier sur les petits faits, bref jusqu’à la sécheresse, pauvre en discours, assez mal composé. […] Le pauvre homme qui n’a qu’un livre veut qu’il contienne tout ce qui lui va au cœur. […] On peut dire certaines choses de ses goûts et de ses tendances particulières : c’est un dévot très exact 72 ; il tient à ce que Jésus ait accompli tous les rites juifs 73 ; il est démocrate et ébionite exalté, c’est-à-dire très opposé à la propriété et persuadé que la revanche des pauvres va venir 74 ; il affectionne par-dessus tout les anecdotes mettant en relief la conversion des pécheurs, l’exaltation des humbles 75 ; il modifie souvent les anciennes traditions pour leur donner ce tour 76.

1185. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Théâtre » pp. 83-168

Si nos études nous ont donné un peu de justice, et quelquefois un peu de regret pour le passé, nous croyons que nous avons montré dans nos livres historiques assez d’indépendance pour mécontenter toutes les opinions ; et nous avons cette conscience que nos romans se sont assez intéressés aux misères populaires du présent, et aux larmes des pauvres. […] Une petite bonne, une pauvre enfant trouvée de l’hospice de Châtellerault, servait les fillettes de Mme Marcille. […] Là, sur la gauche, dans les vapeurs bleues de la Seine, parmi la rouille de l’automne : c’est la muse frileuse de notre pauvre En 18..

1186. (1856) Cours familier de littérature. II « XIe entretien. Job lu dans le désert » pp. 329-408

Demandez-le au laboureur qui creuse sous le soleil et sous la pluie le même sillon sur la même colline, pour y déposer, pendant soixante ans, le même grain d’herbe ou la même racine qui contient sa pauvre vie ! […] Pauvre pensée humaine ! […] Dieu le savait bien, quand, en emprisonnant l’homme dans ce petit navire de quelques pauvres mille pas d’étendue de la poupe à la proue, il lui a donné du moins pour horizon cet espace sans fond du firmament, qui provoque sans cesse la pensée à se plonger dans cet espace, et qui fait monter son âme à l’éternelle poursuite de l’infini, d’astres en astres, de voie lactée en voie lactée, comme par les degrés éclatants et successifs de son incommensurabilité.

1187. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

Il se comprend impuissant, chétif, misérable, vaincu d’avance, et n’espère plus rien que d’abolir en soi la conscience de son pauvre atome. […] Mais la pauvre Madame Gervaisais, dans le livre auquel elle donne son titre, par quoi est-elle terrassée, brisée, tuée ? […] Edmond de Goncourt, dans la Maison d’un artiste, de « pauvre styliste… ». […] « Paix à ton cœur, pauvre être incompréhensible », dit le romancier à propos de Sophie Vladimirovna. […] Une telle illusion sur soi-même fut refusée au pauvre Amiel.

1188. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Malherbe »

Au lieu de cet insupportable amas de fastidieuse galanterie dont il assassine cette pauvre reine, un poète fécond et véritablement lyrique, en parlait à une princesse du nom de Médicis, n’aurait pas oublié de s’étendre sur les louanges de cette famille illustre, qui a ressuscité les lettres et les arts en Italie, et de là en Europe. […] Tandis que le traité qui mit fin à cette guerre se négociait, un bien pauvre traité (mais Malherbe estimait la paix une chose si précieuse, « qu’elle est toujours à bon marché, disait-il, quoi qu’elle coûte »), dix ou douze jours avant la conclusion, sur la fin d’avril (1614), il remit au roi et à la reine cette pièce de vers. […] Le pauvre en sa cabane… vaut bien le Pallida mors œquo pulsat pede… Ronsard ne savait pas assez l’art d’imiter ; il transportait tout de l’Antiquité, l’arbre et les racines. […] Saint-Marc s’en est tiré en homme très-habile : en lisant, J’ai cru un moment que le pauvre Campenon avait été quelque chose.

1189. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre sixième. Le roman psychologique et sociologique. »

» De ces hauteurs nuageuses et toutes générales de la métaphysique, il redescend par degrés jusqu’à lui-même, et cela par l’effet d’incidents très simples : la rencontre d’une femme qui a perdu son enfant, la vue de deux arbres abattus, une conversation de Charlotte qui parle avec indifférence de la mort prochaine d’une personne ; enfin il rencontre un pauvre fou qui, au milieu de l’hiver, croit cueillir les plus belles fleurs pour sa bien-aimée. […] Plus tard, c’est le riche que le romancier mettra en contact avec le pauvre (Balzac), le patron avec l’ouvrier, le peuple avec la bourgeoisie, pour instituer ce que Zola veut qu’on appelle des expériences. […] Les passants d’il y a quarante ans s’arrêtaient dans cette rue pour le contempler, sans se douter des secrets qu’il dérobait derrière ses épaisseurs fraîches et vertes… Il y avait un banc de pierre dans un coin, une ou deux statues moisies, quelques treillages décloués par le temps, pourrissant sur le mur, du reste plus d’allées ni de gazon… Les mauvaises herbes abondaient, aventure admirable pour un pauvre coin de terre. […] La vieille Yvonne est merveilleusement peinte d’un bout à l’autre, seulement au lieu d’être vue progressivement, elle, la pauvre vieille, c’est au déclin de sa personnalité.

1190. (1802) Études sur Molière pp. -355

Vous devez des éloges au seul de nos Orgon qui possède son Molière ; il a non seulement varié avec intelligence ces quatre exclamations, le pauvre homme ! […] Les pauvres diables de machinistes et de décorateurs sont souvent aussi embarrassés que les comédiens pour distinguer la bonne tradition de la mauvaise ; mettons-nous d’abord à la place du machiniste ; nous lisons en tête du prologue : Mercure sur un nuage, la nuit dans un char traîné dans l’air par deux chevaux. […] ajoutait M. le marquis de… ; le pauvre homme extravague, il est épuisé. […] Il leur aurait épargné la peine de se rétracter, et Molière n’aurait pas eu la faiblesse de s’affliger ; pauvre humanité ! Pauvre humanité !

/ 2098