Ces passions ne doivent point être rangées dans la classe des ressources qu’on trouve en soi ; car rien n’est plus opposé aux plaisirs qui naissent de l’empire sur soi-même, que l’asservissement à ses désirs personnels. […] L’on peut trouver dans ces passions honteuses la trace des affections morales dégénérées en impulsions physiques. […] Examinons cependant, malgré le dégoût qu’un tel sujet inspire, les deux principes de ces passions, le besoin d’émotion et l’égoïsme. […] Je ne m’arrêterai point à parler des malheurs causés par l’avarice ; on ne voit point de gradation ni de nuance dans cette singulière passion ; tout y paraît également douloureux et vil. […] quel homme peut se choisir pour l’objet de sa pensée, sans admettre d’intermédiaire entre sa passion et lui-même !
La religion chrétienne considérée elle-même comme passion. Non contente d’augmenter le jeu des passions dans le drame et dans l’épopée, la religion chrétienne est elle-même une sorte de passion qui a ses transports, ses ardeurs, ses soupirs, ses joies, ses larmes, ses amours du monde et du désert. […] Or, le christianisme, considéré lui-même comme passion, fournit des trésors immenses au poète. […] Il soutient des assauts terribles, il combat corps à corps avec ses passions. […] Le jeudi de la Passion, la Pécheresse, première partie.
Il est des passions qui n’ont pas précisément de but, et cependant remplissent une grande partie de la vie ; elles agissent sur l’existence sans la diriger, et l’on sacrifie le bonheur à leur puissance négative ; car, par leur nature, elles n’offrent pas même l’illusion d’un espoir et d’un avenir, mais seulement elles donnent le besoin de satisfaire l’âpre sentiment qu’elles inspirent ; il semble que de telles passions ne sont composées que du mauvais succès de toutes ; de ce nombre, mais avec des nuances différentes, sont l’envie et la vengeance. […] Quel triste sort, en effet, que celui d’une passion qui se dévore elle-même, et, poursuivie sans cesse par l’image de ce qui la blesse, ne peut se représenter une circonstance quelconque où elle trouverait du repos ! […] Il est une passion dont l’ardeur est terrible ; une passion plus redoutable dans ce temps que dans tous les autres, c’est la vengeance. […] S’il est une passion destructive du bonheur et de l’existence des pays libres, c’est la vengeance ; l’enthousiasme qu’inspire la liberté, l’ambition qu’elle excite, met les hommes dans un plus grand mouvement, fait naître plus d’occasions d’être opposés les uns aux autres. L’amour de la patrie l’emportait tellement chez les Romains sur toute autre passion, que les ennemis servaient ensemble, et d’un commun accord, les intérêts de la république.
L’amour n’est pas une passion gaie : le veritable amour, le seul qui soit digne de monter sur la scene tragique, est presque toujours chagrin, sombre et de mauvaise humeur. […] Ils ont donc fait chausser le cothurne à cette inclination machinale, qui n’est rien moins qu’une passion tragique et capable de balancer les autres passions. Quelques-uns même n’ont pas de honte de donner pour un veritable amour une passion qui ne commence que durant le cours de la piece, quoiqu’il soit contre la vrai-semblance qu’une passion naissante puisse devenir en un jour une passion extrême. […] Mais il est vrai que les bons poëtes françois ne nous amusent point avec ces passions subites. […] Les peintures de cette passion qui sont dans les poësies des romains nous touchent comme celles qui sont dans les poësies des grecs touchoient les romains.
Le Vieux Testament ; la Passion ; les Actes des Apôtres. […] Les Confrères de la Passion. — 2. […] Il est très frappant que la Confrérie de la Passion n’ait servi de rien au progrès de la poésie dramatique. […] Ces moralités sérieuses devinrent surtout fréquentes quand l’arrêt de 1548 obligea les Confrères de la Passion et autres acteurs ordinaires de pièces sacrées à renouveler leur répertoire. […] Petit de Julleville, 15 sont des œuvres de polémique, presque toutes enflammées des passions de la Réforme.
La passion est plus absorbante ; mais, dans le repos le plus complet de la passion comme de l’imagination, on peut être tout à ses pensées. […] On peut critiquer cette distinction ; car, d’ordinaire, la passion ne s’éveille pas sans susciter à quelque degré l’imagination, et, réciproquement, il n’est pas d’imagination sans quelque passion. […] Encore les apartés vrais sont-ils toujours dits à mi-voix, entre les dents ; on prend soin que la parole soit inaudible ; même avec ces précautions, ils supposent quelque passion, une passion puérile ou sénile. […] » (X… est un des orateurs du parti qui vient de triompher. ) Voilà l’homme de passion. […] Mais c’est qu’alors la passion s’en mêle à quelque degré, et, si la volonté intervient, elle ne fait que servir d’appoint à la passion.
Sa passion n’a fait la morte que pour se réveiller plus ardente et plus ulcérée. […] la passion se rit de ces impossibilités sociales et de ces barrières. […] Elle ne veut plus que vivre au jour le jour, sans avenir : la passion a-t-elle donc de l’avenir ? […] Sa passion pour M. de Guibert durait depuis plus de trois ans. […] cette manière de sentir a plus de charme que l’ardeur et les secousses de la passion !
Elle ne produisit que peu de bien ; elle n’empêcha que peu de mal, en raison des préjugés, des passions, des souvenirs flagrants qui s’agitaient dans la société. […] Quand la société est morale, avancée, et se tient volontiers dans le bon sens et le travail, quand les passions et les haines publiques n’ont plus d’objet, les théories absolues et les prestiges quelconques peu de séduction, les conséquences les plus nombreuses et les plus vraies de la liberté n’ont aucun péril ; car elles garantissent ce travail, exercent et développent ce bon sens, préviennent le retour des passions politiques, ou en dirigent le cours vers le bien général, et ferment la bouche aux théories des rêveurs. […] Une haine seule, une haine profonde, invétérée, une passion instinctive, débris vivace de toutes les autres passions politiques, remuait au cœur du peuple : c’était la haine des Bourbons, du drapeau blanc ramené par l’étranger, des jésuites. […] C’était la dernière passion révolutionnaire. […] C’est donc d’aujourd’hui seulement qu’à l’abri des passions et des haines, sans dangers de lutte ni d’irritation, peuvent se dérouler et s’appliquer les principes de 89 reconnus explicitement dans la charte nouvelle.
De tous les chapitres de cet ouvrage, il n’en, est point sur lequel je m’attende à autant de critiques que sur celui-ci ; les autres passions ayant un but déterminé, affectent à peu près de la même manière tous les caractères qui les éprouvent. […] Tout le monde croit avoir eu de l’amour, et presque tout le monde se trompe en le croyant ; les autres passions sont beaucoup plus naturelles, et par conséquent moins rares que celle-là ; car elle est celle où il entre le moins d’égoïsme. […] — Je n’ai voulu traiter dans cet ouvrage que des passions ; les affections communes dont il ne peut naître aucun malheur profond, n’entraient point dans mon sujet, et l’amour, quand il est une passion, porte toujours à la mélancolie : il y a quelque chose de vague dans ses impressions, qui ne s’accorde point avec la gaîté ; il y a une conviction intime au-dedans de soi, que tout ce qui succède à l’amour est du néant, que rien ne peut remplacer ce qu’on éprouve, et cette conviction fait penser à la mort dans les plus heureux moments de l’amour. Je n’ai considéré que le sentiment dans l’amour, parce que lui seul fait de ce penchant une passion. Ce n’est pas le premier volume de La Nouvelle Héloïse, c’est le départ de Saint-Preux, la lettre de la Meillerie, la mort de Julie, qui caractérisent la passion dans ce roman. — Il est si rare de rencontrer le véritable amour du cœur, que je hasarderais de dire que les anciens n’ont pas eu l’idée complète de cette affection.
Et cependant ce petit livre vanté par tout le monde, ce chef-d’œuvre d’éloquence et de passion sincère, nous venons de le relire dans la nouvelle édition qu’on nous en donne, et il nous a été impossible d’y trouver tout ce qu’on s’obstine à y chercher et à y voir. […] L’âme qui s’y agite et y respire peut attendrir l’âme qui lui ressemble, une âme du même niveau moral ; mais elle n’y contracte jamais cette supériorité de passion et cette profondeur exaltée qui constitue cette chose à part que l’on appelle le talent. […] On parle de passion sincère ! […] Nous portons le défi à la critique la plus amoureuse de la Religieuse portugaise de citer une seule phrase de ces lettres où la passion vraie, la passion presque sainte de vérité, même quand elle est coupable, halète et frissonne ! […] Nous avons nié la religieuse ; un autre que nous a nié la femme… un autre qui se connaissait aux passions et à leur langage : « Je parierais que les lettres de la religieuse portugaise sont d’un homme !