/ 2203
668. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. »

Mais, même en tenant compte de la fantaisie qui évidemment y a eu très grande part et qui s’y donne toute carrière, le comte Vitzthum croit avoir trouvé le sens et le but de l’ouvrage : selon lui, lorsqu’il le composa, Maurice, qui avait l’œil sur le Nord et qui était dans le secret de certains projets menaçants, songeait surtout à une guerre éventuelle en Pologne et à la manière de l’y conduire : Mes Rêveries seraient donc moins un traité théorique qu’un mémoire ad hoc pour un but spécial déterminé, un ensemble de notes et d’instructions adressées au roi Auguste, son père, et qui reviendraient à cette conclusion : « Si vous voulez faire la conquête de la Pologne, voici comment il faut organiser votre armée : donnez-moi carte blanche et quarante-cinq mille hommes, en deux campagnes, sans livrer une seule bataille, je vous rendrai maître de la république ; cela ne vous coûtera pas un sou. » — Ce point de vue ingénieux et nouveau, qui donnerait une clef à une production un peu bizarre, me paraît exagéré et ne saurait guère s’appliquer qu’à deux ou trois chapitres du livre : l’exemple de la Pologne et les plans de guerre qui s’y rapportent ne viennent à l’auteur que chemin faisant. […] Ce général, qui avait la force du corps singulière du roi son père, avec la douceur de son esprit et la même valeur, possédait de plus grands talents pour la guerre. » Cette douceur d’esprit qui étonne un peu d’abord, nous la retrouverons nous-même et nous la vérifierons. […] Ce qui est vrai, c’est que Maurice ne se donnait pas la peine d’avoir de l’esprit dans le sens des courtisans français : il se sentait mal à l’aise, tant qu’il ne fut pas dans les hauts emplois où il pût déployer son génie naturel et oser librement : cela perce dans toute sa correspondance avec son père et avec son frère, avant qu’il se fût donné tout entier à connaître à son pays d’adoption. Dans une lettre du 10 mai 1732, adressée au roi son père, à propos des fortifications qu’on s’obstinait à faire dans le système ancien, malgré la quantité et la force du canon introduit depuis quelques années dans les sièges, il se déclare en disant : « Cependant on fortifie toujours et avec des dépenses énormes, tant les préjugés et les usages sont forts chez les hommes !

669. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Le comte de Ségur »

Pourtant les dépêches écrites par M. de Ségur durant sa campagne d’Amérique avaient donné de sa prudence et de sa finesse d’observation une assez haute idée, pour qu’au retour M. de Vergennes songeât à le demander au maréchal son père, et à le lancer activement dans la carrière des négociations. […] En se rappelant les éloquents, les généreux récits du fils, on aime à y associer par comparaison les mérites qui recommandent ceux du père, la mesure insensible du ton, ce style d’un choix si épuré, d’une aristocratie si légitime, et toute cette physionomie, si rare de nos jours, qui caractérise dans les lettres la postérité, prête à s’éteindre, des Chesterfield, des Nivernais, des Bouflers173. » Prête à s’éteindre ! […] Son père le maréchal fut incarcéré à la Force, et lui détenu avec sa famille dans une maison de campagne à Châtenay, celle même où l’on dit qu’est né Voltaire. […] « Je n’ai pas de fortune à vous léguer ; celle que je tenais de mes pères m’a été enlevée par la Révolution, et j’ai été privé par le Gouvernement royal de presque toute celle que je devais à mes travaux et aux services rendus à ma patrie… « Je vous lègue ce manuscrit : il est tel que je l’ai dicté du premier jet, sans ponctuation, sans corrections ; le public a l’ouvrage tel que je l’ai corrigé ; mais j’ai voulu déposer dans vos mains ce manuscrit comme je l’ai dicté, et je désire que l’aîné de ma famille le conserve toujours religieusement.

670. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIIe entretien. Fénelon, (suite) »

Le poëte suppose que le jeune Télémaque, fils d’Ulysse et de Pénélope, conduit par la Sagesse sous la forme d’un vieillard nommé Mentor, navigue sur toutes les mers de l’Orient à la recherche d’Ulysse, son père, que la colère des dieux repousse pendant dix ans de la petite île d’Ithaque, son royaume. […] Il livra ses magasins aux ministres de la guerre et des finances ; et quand le contrôleur général l’invita à fixer lui-même le prix du blé que la nécessité rendait si précieux : « Je vous ai abandonné mes blés, monsieur, répondit-il : ordonnez ce qu’il vous plaira, tout sera bon. » XXXVI Cependant le roi vieillissait ; une maladie rapide enleva à Meudon le père du duc de Bourgogne, fils de Louis XIV, qui devait régner avant le disciple de Fénelon. […] Il faut devenir le conseil du roi, le père des peuples, la consolation des opprimés, la ressource des malheureux, l’appui de la nation… écarter les flatteurs, distinguer le mérite, le chercher, le prévenir, apprendre à le mettre en œuvre ; se rendre supérieur à tous, puisqu’on est placé au-dessus de tous… Il faut vouloir être le père, et non le maître ; il ne faut pas que tous soient à un seul, mais un seul à tous pour faire leur bonheur. » XXXVII Le palais jusque-là désert de Fénelon à Cambrai devint le vestibule de la faveur.

671. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre II. Clément Marot »

De fait, les humanistes ne distinguaient pas entre l’antiquité sacrée et l’antiquité profane : ils expliquaient l’Écriture et les Pères avec la même simplicité hardie que Platon ou Justinien. […] Mais à la Renaissance religieuse, à la Réforme, il faut rendre les inquiétudes morales, la revendication pour le fidèle du droit d’interpréter l’Écriture, et certain effort sensible pour ramener vers le doux Rédempteur et le Père incompréhensible le culte un peu trop détourné au moyen âge sur l’humanité plus prochaine de la Vierge. […] Mais ses maîtres immédiats, c’est Jean Marot son père, Jean Le Maire de Belges, c’est Molinet aux vers fleuris, c’est le souverain poète français, « Crétin qui tant savait », Le bon Crétin au vers équivoqué, en un mot les grands rhétoriqueurs. […] La délicatesse ultra-montaine aide nos seigneurs à dissiper la lourdeur du bon sens bourgeois dont leurs pères avaient subi la contagion : l’idéal romanesque de la féodalité française reparaît, réveillé au fond des cœurs, ou renvoyé par des influences étrangères.

672. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre premier »

La Renaissance a donc paru à nos pères une sorte de résurrection de l’esprit français. […] Un grand nombre, à notre insu, nous plaît par l’époque de la langue et par l’idée qu’elles ont été des nouveautés pour nos pères. […] Déjà, vers le milieu du xve  siècle, à la petite cour de Genappe, en Flandre, où le duc de Bourgogne avait recueilli le Dauphin de France, depuis Louis XI, en guerre avec son père, des seigneurs de son commerce le plus familier et des domestiques du duc de Bourgogne avaient égayé l’exil du Dauphin par des récits imités de Boccace ou du Pogge. […] Le tour en est vif, les détails piquants, la langue facile et claire c’est toujours ce don du récit, qui, dans les lettres, est tout le génie de nos pères.

673. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IX. La littérature et le droit » pp. 231-249

Pendant près d’un demi-siècle l’esprit dit pratique et positif a étouffé ce que nos pères appelaient le droit naturel et ce qu’il est beaucoup plus exact de nommer le droit idéal. […] Elle est assurément délicate et douloureuse, la situation des enfants tiraillés et partagés entre le père et la mère désunis. […] Que sont devenus ces énormes in-folio qui donnent une si haute idée de la patience de nos pères ? […] Beaumarchais, le futur père du formaliste Bridoyson, commence sa renommée par le combat épique qu’il soutient contre des juges vendus qui le « blâment » et qui sont blâmés à leur tour par l’élite du Paris d’alors.

674. (1914) Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne pp. 59-331

Ni la lignée de son père ; ni la lignée de sa mère. […] Ils lisaient Bergson au lieu de lire les Pères. […] — Permettez, permettez, mon père. […] Dites-moi tout cela, mon père. […] — Il y en a trois, mon père.

675. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IX. De l’esprit général de la littérature chez les modernes » pp. 215-227

L’amour paternel est plus vif chez les modernes ; et il vaut mieux sans doute qu’entre le père et le fils, celui des deux qui doit être le bienfaiteur, soit en même temps celui dont la tendresse est la plus forte. […] La terreur causée par un supplice non mérité se prolonge d’une génération à l’autre : on entretient l’enfance du récit d’un tel malheur ; et quand l’éloquent Lally, vingt ans après la mort de son père, demandait en France la réhabilitation de ses mânes, tous les jeunes gens qui n’avaient jamais pu voir, jamais pu connaître la victime pour laquelle il réclamait, versaient des pleurs, se sentaient émus, comme si le jour horrible où le sang avait été versé injustement ne pouvait jamais cesser d’être présent à tous les cœurs.

676. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre V. Transition vers la littérature classique — Chapitre II. La langue française au xvie siècle »

Ceux qui sont constitués pour en juger, étant ravis et transportés de telle affection, prononcent— » 1541 : « Or à toi appartient, Roi… » 1560 : « Or c’est votre office, sire… » 1541 : « Et ne te doit détourner le contemnement de notre abjection. » 1560 : « Et ne devez être détourné par le contemnement de notre petitesse. » 1541 : « Mais nous ne lisons point ceux avoir été repris qui aient trop puisé… » 1560 : « Mais nous ne lisons point qu’il y en ait eu de repris pour avoir trop puisé. » 1541 : « Cestuy étoit Père, qui… » 1560 : « C’étoit un des Pères, qui… » 1541 : « Voysent maintenant nos adversaires… » 1560 : « Que maintenant nos adversaires aillent…261 » Et pareillement Calvin remplace en 1560 loquacité par babil, abnégation par renoncement, diriger par adresser, subjuguer par dompter, expéter par désirer, promouvoir par avancer, médiocre par moyen, cogitation et présomption par pensée, locution par façon de parler, etc.

677. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préfaces de « Han d’Islande » (1823-1833) — Préface d’avril 1823 »

Il les préviendra d’abord que ce mot, seconde édition, est ici assez impropre, et que le titre de première édition est réellement celui qui convient à cette réimpression, attendu que les quatre liasses inégales de papier grisâtre maculé de noir et de blanc, dans lesquelles le public indulgent a bien voulu voir jusqu’ici les quatre volumes de Han d’Islande, avaient été tellement déshonorées d’incongruités typographiques par un imprimeur barbare, que le déplorable auteur, en parcourant sa méconnaissable production, était incessamment livré au supplice d’un père auquel on rendrait son enfant mutilé et tatoué par la main d’un iroquois du lac Ontario. […] Quelqu’un l’exhortait encore — car il doit tout dire ingénument à ses lecteurs — à placer son nom sur le titre de ce roman, jusqu’ici enfant abandonné d’un père inconnu.

/ 2203