Ceux qui ont eu une enfance pénible et qui ont fait de la vie un rude apprentissage, ne lui pardonneront jamais, ils conservent contre elle une sorte de rancune ; la vie aura beau, plus tard, leur prodiguer ses satisfactions, jamais ils n’oublieront les humiliations et les souffrances des débuts. […] Un rien les irrite, un souffle les abat ; un sourire qu’ils ont recueilli en passant suffit pour les faire mourir de joie ; un sourire qui a oublié de luire pour eux suffit pour qu’ils s’en aillent mourir de douleur. […] C’est de se soumettre aux choses, de tâcher de se transformer en elles, de s’oublier soi-même. […] Nous voudrions oublier tous les détails qu’on a donnés et nous souvenir seulement que, à la suite de cette grande épreuve de sa vie, Alfred de Musset a écrit les très beaux vers que l’on trouve dans Les Nuits et dans Les Souvenirs. […] Antoine et Cléopâtre, c’est la bataille d’Actium : c’est Antoine battu par Octave, parce qu’il s’est oublié auprès de Cléopâtre ; Cléopâtre étant la cause de la ruine définitive d’Antoine.
Seulement, n’oublions pas que toutes ces combinaisons sont soumises à l’éternelle Logique de la Nature ; c’est de leur plus ou moins de conformité à elle que résulte leur valeur esthétique. […] Voilà ce que le comte Tolstoï semble avoir oublié et de là résulte le vague de ses déductions. […] Qu’alors une mélodie aimée, souvent une mélodie oubliée, ou quelque harmonie douce frappe nos oreilles, soudain, nous serons pour ainsi dire consolés et nous retrouverons l’équilibre perdu de notre Moi. […] C’est de la musique éteinte, si même elle n’est pas oubliée. […] Il faut tirer de pair Félix Mendelssohn, ce maître alcyonien qui, à cause de son âme plus légère, plus pure et plus heureuse, fut oublié aussi vite qu’il avait été admiré : comme un bel intermède dans la musique allemande.
Tout est oublié maintenant ; une heure radieuse a tout emporté. […] L’heureuse occasion d’oublier ce qui divise ! […] Il ne faut pas oublier Homère dont l’océan de l’idée lave les pieds nus avec un flot d’éternité. […] Beaucoup sont oubliés ; plusieurs, et des plus illustres, sont à peine nommés. […] mes chers concitoyens, n’oubliez pas combien ce mot dévouement peut cacher d’ambition.
Mais, si je suis sensible à la grâce et à la ferveur de la Danse devant l’Arche, c’est qu’elle me mène à plaindre Henri Franck de n’avoir pas atteint le palier d’où il aurait souhaité qu’elle fût oubliée, s’il ne l’avait déjà lui-même oubliée. […] Lemaître a donné à son anecdote un tour généreux et délicat, ne se permet pas d’oublier que Corneille est Corneille. […] Aussi ce genre de production reste-t-il ordinairement dans certaines limbes et s’oublie-t-il avec la culotte courte. […] N’oublions pas que l’année même qui précéda la guerre on appelait une renaissance du roman d’aventures. […] On oublie que, d’après un calcul approximatif, dix-sept millions d’Anglais sur quarante lisent au moins un volume de fiction par mois.
Mais cette vérité, si tant est que c’en soit une, d’autres que tu oublies l’avaient apportée avant toi. […] Ceux-là aussi oublièrent que Gaud était de famille, et quelques-uns s’enhardirent à lui demander sa main. […] Nous ne t’oublions pas. […] Au rebours, il est marri qu’il ne soit double, triple, ou quadruple, et qu’il n’ait plusieurs volontés pour les conférer toutes à ce sujet. » Vous n’avez pas oublié non plus les exemples fameux tirés de l’histoire grecque ou latine. […] Pourtant il serait dommage d’oublier « l’histoire du monsieur qui a la diarrhée ».
Celle-ci a eu Rousseau, sans doute ; comment l’oublier ? […] Il oublie l’heure ; les portes de la ville se ferment, et il est obligé de passer la nuit entière en proie aux terreurs. […] Charles rêve, il rêve beaucoup plus depuis quelque temps ; il aime Louise, la fille du chantre, et s’il en croit de chers indices, une main donnée et oubliée dans la sienne à une certaine descente de montagne, Louise tout bas le lui rend.
Vicovaro ; le torrent de la Digentia qui écume encore sous les chênes disséminés au fond de la vallée d’Ustica ; le site parsemé de débris de briques de la maison rurale du poète ; Rocca-Giovanni qui s’élève avec ses ruines de forteresse féodale comme une sentinelle à l’ouverture de la vallée ; la plaine de Mandéla fumante çà et là au soleil ; des feux d’herbes sèches allumés et oubliés par les bergers ; la grotte des nymphes au bord de laquelle rêve le poète endormi dont on voit danser les songes sous la figure des femmes qu’il aima ; la fontaine de Blandusie en Calabre, qui a changé tant de fois de nom depuis Horace, et à laquelle un vers du lyrique rend éternellement son premier nom ; la barque pleine de musique et pavoisée de voiles qui portait Mécène, Horace et leurs amis pendant le voyage de Brindes ; la treille de Tibur entre deux colonnes à l’ombre desquelles le nonchalant ami de Mécène écrit une strophe entre deux sommeils ; l’entretien du maître d’Ustica avec son métayer, au milieu de ses troupeaux de chèvres ; Horace, ses tablettes sur ses genoux dans sa bibliothèque de Tibur, écrivant au milieu de ses rouleaux de livres grecs les préceptes de son épître aux Pisons, chacun de ces tableaux est une évocation vivante d’un passé de deux mille ans, mais auquel ces deux mille ans n’ont enlevé ni un rocher, ni une source, ni un arbre aux paysages, ni un vers au génie aimable du poète. […] Qui n’oublierait dans ces délassements les soucis importuns des passions ? […] Le voici : Est-ce un de ces poètes confident du cœur, consolateur de l’âme, conseiller des mauvais jours, que les hommes de tous les âges peuvent emporter avec eux dans l’exil, dans l’amour, dans le recueillement de la solitude, dans la douleur des éternelles séparations, dans l’intimité religieuse de leur conversation à voix basse avec le ciel, pour oublier la patrie, pour nourrir les chastes tendresses, pour s’envelopper du mystère des pensées infinies, pour donner des larmes sympathiques à leurs yeux, pour prêter des prières à leurs invocations secrètes, pour verser en eux dans des vers sacrés la foi et l’espérance des réunions éternelles ?
C’est une comédie où on n’oublie pas l’heure du dîner, où un amant éconduit, sans se tuer ni perdre l’esprit, s’en va faire un tour de six mois en Italie. […] Mais, d’abord, le succès l’a justifié, et, sans lui, on ne saurait guère si Boisrobert ou Cyrano ont écrit des scènes si plaisantes : c’est à lui qu’ils doivent de n’être pas plus oubliés qu’ils ne sont. […] Regardez le Joueur : il est naturel qu’un joueur oublie sa maîtresse, quand la chance le favorise, naturel aussi qu’il se retourne avec attendrissement vers elle, quand il est décavé, en jurant de ne plus jouer.
Aussi bien, s’il laissait derrière lui, oubliée ou surprise, cette raison superbe, qui empêcherait qu’elle ne vînt le troubler dans sa possession prématurée ? […] Telle est la force de cette logique, qu’elle nous engage invinciblement dans la situation de celui qui prie ; on oublie l’écrivain sublime pour le chrétien convaincu, et si l’on résiste à le suivre, ce n’est pas sans une secrète inquiétude. […] Et le père de le prendre comme un bon conseil, et de se promettre de ne pas l’oublier.
Or, de même qu’à côté de la science des organes et de leurs opérations, il y en a une autre qui embrasse l’histoire de leur formation et de leur développement, de même à côté de la psychologie qui décrit et classifie les phénomènes et les fonctions de l’âme, il y aurait une embryogénie de l’esprit humain, qui étudierait l’apparition et le premier exercice de ces facultés dont l’action, maintenant si régulière, nous fait presque oublier qu’elles n’ont été d’abord que rudimentaires. […] L’homme et la nature créèrent, tandis qu’il y eut un vide dans le plan des choses ; ils oublièrent de créer, sitôt qu’aucun besoin ne les y força. […] Parmi les œuvres de Voltaire, celles-là sont bien oubliées où il a copié les formes du passé.