Voilà, nous en devons convenir, ce qu’on n’oserait ni représenter ni traduire devant des Français, et ce qui fait pourtant fondre en larmes les habitués de Covent-Garden. […] laissons aux poètes le droit d’oser tout ce qui doit nous émouvoir et nous instruire, de trouver dans leur imagination, dans leur génie, ce qui achèvera l’histoire par une parfaite représentation des mœurs. […] S’il veut peindre une âme dépravée, il ose en exposer à nos yeux jusqu’à l’ignoble enveloppe ; et, sauf quelques adoucissements, son Richard III vient de se produire, difforme et terrible, infâme et non ridicule, sur notre théâtre même. […] Si vous n’osez suivre un si bel exemple, c’est que vous sentez qu’il y a des conventions dans les beaux-arts et qu’elles forment une partie essentielle de la théorie des grands artistes.
On n’eût pas encore osé le prendre à la théologie, qui en avait le privilège exclusif. […] Déjà la fureur en était allée si loin, que la fille adoptive de Montaigne, Mlle de Gournay, qui en 1626, et plus tard, en 1634, avait lancé l’anathème contre quiconque oserait, après sa mort, « ajouter, diminuer, ou changer jamais aucune chose, dans les Essais, soit aux mots ou en la substance », en donnait, en 1635, une édition châtiée, pour obéir aux libraires, complaisants intéressés du goût public. […] On n’en a pas imaginé depuis lors une autre définition, ou si quelques-uns l’ont osé, il leur en est arrivé mal. […] « J’ai reçu, dit-il, le discours latin que vous avez fait : je n’oserais l’appeler votre jugement sur mes écrits, parce qu’il m’est trop avantageux et que peut-être votre affection a corrompu votre intégrité. » Dans cette lettre, Balzac rappelle à Descartes L’Histoire de son esprit.
Examinons avec quels succès, en défiant quiconque d'oser nous taxer avec fondement de méconnoître ce qu'il y a de bon dans cet Ecrivain, ou d'outrer la censure contre ce qu'il y a de mauvais. […] Et véritablement il faudroit plus que de la confiance pour oser célébrer M. […] entre les sentences, les maximes, les tours fins & délicats, les expressions ingénieuses, les beaux sentimens qu’il exprime si énergiquement dans plusieurs endroits de ses Ouvrages, & ce débordement de fiel & de malignité, ce tissu d’indécences, de mensonges, de calomnies, répandues sur tant d’Ecrivains de mérite, Etrangers, Nationaux, Prélats, Militaires, de tous les Ordres & de tous les Etats, qui n’ont eu d’autre tort, à son égard, que de n’avoir pas pensé comme lui, & d’avoir osé l’écrire ! […] Pourquoi le Professeur en vérités, par excellence, n'a-t-il osé paroître que sous la sauvegarde des Vadé, des Carré, des Akakia, des Zapata, des Bazin, des Escarbotier, des Rustan, des Ramponneau, & d'une infinité d'autres noms, dont le burlesque annonce plutôt l'Histrion, que le Dissertateur éclairé ?
En un mot, j’ai pénétré dans le secret de Sieyès, et c’est pourquoi j’ose en venir parler. […] Son orgueil et sa conviction d’inventeur, et j’ose ajouter, son amour du bien public à ce début, l’auraient bien vite fait sauter à pieds joints sur cette difficulté-là. […] [NdA] Si j’osais dire une chose singulière, j’avancerais que Buffon est à la fois spiritualiste et athée. […] Ce sont là ces mots décisifs qui nomment et, si j’ose dire, qui baptisent chaque situation.
Il n’est pas le plus osé de cette école-trumeau, que nous vous donnons aujourd’hui pour le plus bas côté de l’histoire contemporaine. […] Capefigue, qui a montré, dans quelques-uns de ses ouvrages, le don précieux et rare de l’initiative ; qui a souvent touché le premier, quand personne n’y pensait ou n’osait, à des réhabilitations d’hommes ou de choses qui se sont achevées depuis, sous des plumes plus creusantes que la sienne, n’a même pas songé à justifier, par une discussion préalable, tout ce qu’il nous dit de Louis XV et de la société du xviiie siècle. […] Pour eux et pour leur infortunée descendance, 93 n’aurait pas moins sonné, et il importe de le crier aux esprits imbéciles qui croient qu’on paradoxe contre les grands hommes de la France, parce qu’on ose embrasser et juger leur vie ! […] il a osé comparer cette dépravante courtisane, qui a coûté trente-six millions à la France, trente-six millions d’écus et de hontes, à la grande reine, sous couronne de marquise, qui fut la femme légitime et voilée de Louis XIV et sauva l’honneur de sa vieillesse.
Renan, mais jamais, nulle part, il n’avait osé les exprimer avec cet épanouissement, avec cette largeur fastueuse d’absurdité contente d’elle-même, et l’on en est surpris. […] Car ils n’osent pas dire : un grand écrivain ! Ils n’osent pas aller, pour le payer du mal qu’il a fait, jusqu’au terme de grand, quand il s’agit de caractériser, sous sa double face d’écrivain et de philosophe, cet esprit sans force, sans décision, sans héroïsme, même dans le mal. […] … Sceptique enchanté, d’ailleurs, qui va jusqu’à faire la poésie de son scepticisme : « Un trait, — dit-il encore, dans ce livre de l’Antechrist ; — un trait qui caractérise les grands hommes européens, — (il se nommerait, s’il osait !)
La vérité ressemble à ces personnes qu’on estime & qu’on néglige ; elle n’ose guere se produire que sous les auspices de la fiction. […] Il pleure moins de ce qu’elle lui est ravie, que de ce qu’on a osé la lui ravir. […] Après avoir détaillé tout ce que doit être un Roman, je n’oserai guere détailler ce qu’est celui-ci. […] Tout n’est pas d’invention, il s’en faut de beaucoup ; j’ai plutôt déguisé certains faits que je ne les ai changés : mais j’ose dire que rien n’y choque la vraisemblance.
Ont-elles osé leur faire face, avec le Hongrois timide, et dans la guerre de la Dalmatie et de Rhodes ? […] Ils ont osé promettre d’incendier nos frontières, de mettre à mort par l’épée notre jeunesse, de prendre nos jeunes enfants et nos vierges, et de souiller la gloire, la pureté de celles-ci. […] Que n’eût-elle pas osé, sans la victoire de Lépante, ce premier exemple de nos journées modernes de Tchesmé et de Navarin ? […] La science partout éveillait l’émulation, et pouvait parfois tromperie talent sur le moment venu d’oser en poésie, et sur l’audace permise à notre langue.
Paul Bourget et à qui on pardonne tout, même d’avoir fait souffrir un poète : Édel, je vois en toi, Danoise aux yeux si doux, Cette amante qu’en rêve on adore à genoux, Devant qui le désir reste muet et grave, Tant du plus chaste amour on craint de la meurtrir, Et qui semble une fleur exotique et suave Qu’on n’ose point toucher, de peur de la flétrir.
Quel poète, vraiment poète, a jamais pu réaliser ce qu’il avait dans l’âme, et comparant son œuvre à sa pensée, s’est osé rendre ce témoignage proféré par Dieu seul, lorsqu’au milieu des splendeurs naissantes de l’univers, il vit que ce qu’il avait fait était bon ? […] Racine lui-même, j’oserai l’affirmer, Racine, dans les chœurs d’Esther et d’Athalie, n’a pas fait passer tout ce que son âme avait conçu de mélodie céleste et d’onction sacrée.