Bien des opinions considérables et plausibles sont différentes de celles de l’auteur sur l’aspect de ces guerres entre le sacerdoce et l’empire, entre Simon de Montfort et les Albigeois. Son opinion, à lui, est dominée, et, en quelque sorte, donnée par sa croyance. L’étude, qui vient à l’appui, a pu vérifier pour lui cette opinion, mais elle n’a pas contribué seule à la faire naître. […] J’aimerais assez, si c’était possible, qu’on fît pour l’étude de l’histoire ce que Descartes a tenté de faire pour l’étude de soi-même, table rase de ses opinions antérieures.
Toutes les âmes jeunes, vives, nationales, naturellement françaises, y trouvèrent l’expression éloquente et harmonieuse de leurs douleurs, de leurs regrets, de leurs vœux ; tout y est honnête, avouable, et respire la fleur des bons sentiments : Casimir Delavigne s’y montra tout d’abord l’organe de ces opinions mixtes, sensées, aisément communicables, et si bien baptisées par un grand écrivain, le mieux fait pour les comprendre et les décorer, par M. de Chateaubriand, de ce nom de libérales qui leur est resté. […] L’opinion de quelques bons juges est que nulle part peut-être Casimir Delavigne n’a si bien rencontré pour l’entrain natif de son talent et pour le courant direct de sa veine. […] Toutes les opinions s’inclinaient devant son talent ; il échangeait vers ce temps avec le plus célèbre poëte de l’autre parti (il y avait encore des partis en ce temps-là), avec M. de Lamartine, des félicitations poétiques, pleines de bon goût, de bonne grâce, et dignes de tous deux. […] Certaines personnes ont cru voir dans cette opinion hautement proclamée une concession, une rétractation presque ; ces personnes-là ne se sont pas donné la peine de bien comprendre ma vraie pensée, et ce qui suit y suppléera. — Voir l’Appendice, à la fin du volume.)
MADAME DE DURAS La Restauration, qui, dans son cercle de quinze années, enferme une époque bien circonscrite et un champ-clos si défini, offre à l’œil certains accidents, certains groupes d’opinions et de personnes, certaines figures, qui ont pu se produire avec avantage sous les conditions d’alors, et que, même sans en adopter le cadre, on se surprend fréquemment à regretter, comme tout ce qui a eu son brillant ingénieux, son harmonie passagère. […] Villemain vers qui elle se sentait portée, tant à cause de son prodigieux esprit de conversation qu’en faveur de ses opinions politiques modérées, aux confins du seul libéralisme qu’elle pût admettre. […] Tandis que, dans l’extérieur du monde, Mme de Duras ne se présentait que par l’accord convenable et l’accommodement des opinions, là, dans ses écrits, elle se plaît à retracer l’antagonisme douloureux et le déchirement. […] On lui en voulait en certains cercles fanatiques pour l’éclat de son salon, pour ses opinions libérales, pour l’espèce de gens, disait-on, qu’elle voyait : ses amis recevaient quelquefois d’odieuses lettres anonymes.
Son règne dans l’opinion finit véritablement à ce moment-là (1785-1786). […] Mais l’opinion était si bizarre que, cette fois, lasse à la fin de suivre si longtemps Beaumarchais, elle se retourna vivement contre lui, et se prit à l’insulter. […] Cela peint l’esprit de Paris, où le mépris et l’opinion sont impuissants ; où il suffit d’amuser pour couvrir tout. […] La famille et les amis ont démenti ce bruit et cette opinion qui avait trouvé dans le temps assez de crédit.
N’y ayant point de conseil si judicieux, pense-t-il, qui ne puisse avoir une mauvaise issue, on est souvent obligé de suivre les opinions qu’on approuve le moins ». […] Il ne saurait admettre que, dans un État, tout le monde indifféremment soit élevé pour être savant : « Ainsi qu’un corps qui aurait des yeux en toutes ses parties serait monstrueux, dit-il, de même un État le serait-il, si tous ses sujets étaient savants ; on y verrait aussi peu d’obéissance que l’orgueil et la présomption y seraient ordinaires. » Et encore : « Si les lettres étaient profanées à toutes sortes d’esprits, on verrait plus de gens capables de former des doutes que de les résoudre, et beaucoup seraient plus propres à s’opposer aux vérités qu’à les défendre. » Il cite à l’appui de son opinion le cardinal Du Perron, si ami de la belle littérature, lequel aurait voulu voir établir en France un moindre nombre de collèges, à condition qu’ils fussent meilleurs, munis de professeurs excellents, et qu’ils ne se remplissent que de dignes sujets, propres à conserver dans sa pureté le feu du temple. […] Cette opinion de Richelieu, qui vient après le débordement du xvie siècle et avant le déluge du xviiie , est du Bonald de première qualité, et, de quelque côté qu’on l’envisage, exprimée à cette date et avec cette précision, elle atteste la vue profonde de l’homme d’État. […] Sans la modestie, les grands esprits sont si amateurs de leurs opinions, qu’ils condamnent toutes les autres, bien qu’elles soient meilleures ; et l’orgueil de leur constitution naturelle, joint à leur autorité les rend tout à fait insupportables.
S’il n’a pas de métaphysique bien et dûment articulée, et qui donne à toutes ses opinions le timbre imposant que les opinions d’un homme doivent avoir ; s’il n’a pas, qu’on me passe le mot ! […] Ainsi, en restant sur le fond des choses et dans les généralités d’opinion, la critique de Xavier Aubryet a, dès son premier pas, pris une forte avance sur les autres critiques contemporaines, mais en continuant dans le sens de son premier mouvement, elle les distancerait tout à fait. […] La supériorité, démontrée avec éclat et profondeur à plus d’une place, du roman et du livre sur l’œuvre théâtrale, opinion si peu française, mais si vraie, nous dit de reste comme Aubryet met son chapeau.
je ne demande pas à Lord Macaulay, le protestant anglais, et qui veut être conséquent en avant comme en arrière aux principes de la Constitution de 1688, d’avoir sur la souveraineté les opinions de Joseph de Maistre, mais pourtant il y a autre chose de plus noble et de plus chrétien, et, si nous sortons de l’ordre sentimental pour entrer dans l’ordre rationnel, de plus mâle et de plus profond à invoquer contre un Roi, même coupable, que la loi du talion et l’utilité, qui composent, à peu près, toute la morale de Lord Macaulay sur cette question et sur toutes les autres. […] , et n’affirme-t-il pas qu’elle n’est rien de plus qu’une opinion égarée, c’est-à-dire, si cela veut dire quelque chose, qu’elle n’est pas le mal absolu qu’implique en soi, pour nous, toute erreur, dans sa quantité déterminée ! […] tout ce que j’ai exposé dans ce chapitre n’a pas changé l’opinion que j’exprimais en le commençant. […] Intérieur et extérieur, également embrassés, de l’ouvrage qu’il veut faire connaître, influences subies ou repoussées, époques reproduites à grands traits, individualités pénétrées, manière toute-puissante et presque magique de grouper les faits dans laquelle il est passé maître, vues ingénieuses et profondes, preuves historiques resplendissant d’exemples à l’appui de ses opinions, et, quand il n’est pas dans la vérité absolue, mirages historiques si bien faits que les plus savants peuvent y être pris, voilà les forces vives du genre de critique qui est la gloire de Macaulay !
C’est ce qu’un autre savant écrivait à Wolf après l’avoir lu : « Tant que je vous lis, je suis d’accord avec vous ; dès que je pose le livre, tout cet assentiment s’évanouit. » Les philologues, les érudits positifs ont beau faire assez peu de cas des considérations générales et des raisons puisées dans le sens intime ; ici eux-mêmes sont forcés de raisonner pour étayer leur système, et ils n’arrivent à leurs résultats que par voie d’induction ; car, s’ils s’en tenaient purement au fait transmis, à l’opinion constamment exprimée par les Anciens, ils croiraient à Homère nonobstant les difficultés qu’après tout les Anciens aussi n’ont pas été sans se poser. […] Sans entrer dans un détail ici impossible, il semble qu’on revient aujourd’hui des deux côtés à une opinion moins absolue, à une sorte d’opinion moyenne dont M.
Ce n’est pas faire violence à ses opinions et à ses sentiments que de le réclamer comme un politique spiritualiste et comme un politique philosophe. […] Mais dans ces limites, que de variétés d’opinions ! […] Mais tandis que les sectes et les écoles se partageaient comme je viens de le dire, quelques esprits élevés et indépendants cherchaient la vérité à leurs risques et périls, dans des voies libres et particulières, auxiliaires plutôt que soldats des différentes opinions que nous venons de résumer.
Voici, par exemple, ce qu’écrit un missionnaire sur l’opinion qu’on a des asnes en certaines contrées des Indes orientales. […] Les hommes le sçavent bien, et l’on n’ébranlera jamais la foi humaine, ou l’opinion prise sur le rapport uniforme des sens des autres. On ne sçauroit donc, sans une témerité inexcusable, dire avec confiance lorsqu’il est question d’un poëme qu’on n’entend pas : que l’opinion que les hommes ont qu’il est excellent, n’est qu’un préjugé d’éducation fondé sur des applaudissemens, … etc. et c’est être encore plus témeraire que de composer l’histoire imaginaire de ce préjugé.