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1875. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Charles Dickens »

Cette perpétuelle intervention des sentiments de l’écrivain ne se marque nulle part d’une manière plus nette qu’en ses descriptions de paysages ou d’intérieurs qui, fort peu graphiques et distinctes, consistent plutôt dans le développement d’une opinion, d’une impression morale, d’une manière de voir, que dans énumération et la recomposition d’une série d’images visuelles. […] Quand il lui faudra donc représenter ses semblables, il les décrira par leurs gros côtés, des tics, des grimaces, des paroles, et outrera immanquablement ce par quoi ils l’ont attiré ou repoussé, s’arrangeant d’ailleurs de façon qu’on ne puisse se tromper sur le jugement que l’auteur porte sur eux et qu’ainsi le lecteur s’en forme une opinion aussitôt qu’il les aperçoit. […] Il fut libéral, presque radical dans ses opinions politiques, à une époque où cela était moins commun et moins avantageux qu’aujourd’hui ; il témoigna à plusieurs reprises dans ses discours de peu de vénération pour les institutions monarchiques, de peu de respect pour les classes dirigeantes et le régime parlementaire.

1876. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Edgar Poe »

Baudelaire, qui a pris possession du poète et du conteur américain par sa manière de le traduire, doit nous donner successivement, ses œuvres complètes : d’abord la suite des Contes dont nous avons le commencement, et qu’il fera précéder de l’analyse des opinions littéraires et philosophiques de l’auteur, puis le poème d’Eureka et le roman d’Arthur Gordon Pym, et enfin, pour le petit nombre d’esprits à qui la poésie est encore chère dans sa forme et dans son essence, des poésies individuelles. […] J’accepte avec reconnaissance la triste publication des Contes grotesques, en considération de la vie d’Edgar Poe qu’Émile Hennequin y a jointe, comme introduction, parce que cette vie, qui a saigné toujours, le temps qu’elle dura, et que voilà racontée pour la première fois et ressuscitée, retournera l’opinion sur Edgar Poe, comme on retournerait un cercueil. L’opinion, trompée jusqu’ici, avait, en effet, pris Edgar Poe pour ce qu’il n’était pas.

1877. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — II » pp. 57-80

Vous avez trop bonne opinion de la nation pour ne pas croire qu’elle puisse produire des gens qui, soutenus uniquement par leur zèle, osent penser noblement… Trop heureux s’ils peuvent être bien connus, et si des ministres éclairés, attentifs, justes, sans humeur et sans passion (avis à Chamillart !) […] Après avoir rejoint Catinat, Villars diffère encore d’opinion avec lui dans la supposition d’une retraite prochaine : quand l’ennemi ferait un mouvement dans la Haute-Alsace, il est d’avis qu’on n’abandonne pas Saverne, et qu’on se poste vers la montagne, assurant sa communication avec la Lorraine ; au lieu que Catinat, qui craint pour le pays plat d’Alsace, veut tenir sur le Rhin.

1878. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Appendice. Discours sur les prix de vertu »

Je ne voudrais pas faire de fausse sensibilité, mais je défie des personnes, fussent-elles d’opinion, de point de départ et de doctrines les plus opposées, qui se sont rencontrées une fois dans une même œuvre de charité active, au lit d’un malade, d’un mourant, de se haïr, de se dédaigner, de se rejeter. […] Ceux-là, ils ressemblent à de sages diplomates qui savent concéder ce qui convient à l’esprit d’une époque, ce que l’opinion réclame, et qui estiment après tout qu’une trêve à très longue échéance équivaut à une bonne paix.

1879. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville (suite et fin.) »

Il ne parvint pas dans la presse plus qu’à la tribune à trouver une base, une représentation un peu large et distincte aux opinions particulières qu’il apportait dans l’Opposition. […] Vous êtes du nombre de ceux que le public aime à voir devant lui, pour lui tracer la route d’opinion qu’il doit suivre.

1880. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. VINET. » pp. 1-32

Mais les idées morales, religieuses, chrétiennes, eurent toujours le pas dans son esprit sur les opinions purement littéraires. […] Vinet dans cette controverse : 1° une brochure intitulée Du Respect des Opinions (Bâle, 1824) ; 2° le Mémoire couronné et ici connu (1826) ; 3° Lettre à un Ami, ou Examen des Principes soutenus dans le Mémoire (Lausanne, 1827) ; 4° Observations sur l’Article sur les Sectaires inséré dans la Gazette de Lausanne du 13 mars 1829, et Nouvelles Observations sur un nouvel Article du 27 mars (Lausanne, 1829).

1881. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre II. Deuxième élément, l’esprit classique. »

Au dix-septième siècle, on les appelle « les honnêtes gens », et c’est à eux désormais que s’adresse l’écrivain, même le plus abstrait. « L’honnête homme, dit Descartes, n’a pas besoin d’avoir lu tous les livres ni d’avoir appris soigneusement tout ce qu’on enseigne dans les écoles » ; et il intitule son dernier traité « Recherche de la vérité selon les lumières naturelles qui, à elles seules et sans le secours de la religion et de la philosophie, déterminent les opinions que doit avoir un honnête homme sur toutes les choses qui doivent faire l’objet de ses pensées349 ». […] Celle des Sciences ne signifiait rien dans l’opinion, non plus que celle des Inscriptions… Les langues sont la science des sots.

1882. (1868) Alexandre Pouchkine pp. 1-34

Je n’ose avoir une opinion, moi profane ; mais il me semble que le poète sera trop souvent tenté de sacrifier le fond à la forme. […] Il est étrange que ceux qui déclament à tout propos contre les vices de leur siècle, s’attaquent avec tant d’acharnement aux ouvrages des auteurs qui n’ont pas une meilleure opinion qu’eux de la nature humaine.

1883. (1890) L’avenir de la science « XVIII »

Pour moi, j’adopterais, volontiers comme formule de mon opinion à cet égard ce que dit M.  […] Autrefois, la question était bien simple : l’opinion la plus avancée, par cela seul qu’elle était la plus avancée, pouvait être jugée la meilleure.

1884. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Discours préliminaire, au lecteur citoyen. » pp. 55-106

Où a-t-on pu prendre une si haute opinion de leur excellence ? […] Que ces Apôtres de la tolérance & de la sublime politesse me déchirent* tant qu’ils voudront dans leurs Libelles & dans les Cercles où ils président, leurs calomnies ne m’enleveront jamais l’estime des personnes qui me connoissent ; & l’opinion de quiconque ne me jugeroit que d’après leurs imputations, doit m’être trop indifférente.

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