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1610. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

Il ne fait d’ailleurs mention ni du cardinal de Retz, ni de Mme de Sévigné, ni naturellement de Saint-Simon ; auteurs de Mémoires ou de Correspondances, tous les trois écrivent dans l’ombre, et le dernier dans le mystère même. […] Qui de nous, en effet, ne serait curieux de ce qui se passe dans ces intérieurs si bien clos, où chacun — quand le soir arrive, et que la nuit, de ses ombres et de son silence a enveloppé la grande ville — dépouille son visage officiel, son personnage avec son costume, et redevient jusqu’au lendemain ce que la nature l’a fait ? […] Le choix lui seul du sujet et la manière de le traiter — gravement, sérieusement, sans ombre d’ironie ou de satire — expliquent assez pourquoi le Paysan parvenu, dont le succès au xviiie  siècle semble avoir été plus vif que celui de Marianne, est moins lu de nos jours et moins souvent cité. […] Nulle trace d’affectation, pas ombre de rhétorique, aucun tour de métier, les plus grands effets obtenus par les moyens les plus simples, ou quelquefois les plus vulgaires, et ce que l’on pourrait enfin appeler l’évanouissement du style dans la sincérité du fond.

1611. (1894) Les maîtres de l’histoire : Renan, Taine, Michelet pp. -312

Il était trop modeste, trop ennemi de toute ombre de pose et de pharisaïsme pour se proposer en exemple et en règle, pour vanter, comme une supériorité, les vertus et les principes de morale qui faisaient la base même de sa vie. […] Il en a les accumulations de touches successives, les oppositions d’ombres et de lumières, les empâtements ; son imagination n’a rien de rêveur, elle est concrète et colorée. […] Il a marqué tous les sujets qu’il a traités d’une empreinte ineffaçable ; il est impossible à ceux qui s’en occupent après lui de négliger ce qu’il a dit, et il est bien rare qu’il n’ait pas éclairé d’un trait de flamme quelque point obscur qui sans lui serait resté dans l’ombre.

1612. (1905) Promenades philosophiques. Première série

Nous pouvons alors, et grâce aussi à l’observation du jeu d’opposition de l’ombre et de la lumière, rendre à cette vaine image sa position vraie dans l’espace. […] Il y eut l’homme qui avait perdu son ombre ; M.  […] Les petits chemins de France sont un des délices de France, et un des plaisirs les plus charmants de l’été est de se promener le long des allées de ce grand parc où les bêtes et les hommes mangent et travaillent fraternellement à la lumière du soleil ou à l’ombre des beaux arbres.

1613. (1774) Correspondance générale

Mais une chose dont vous ne me parlez point et qui est pour moi le mérite incroyable de la pièce, ce qui me fait tomber les bras, me décourage, me dispense d’écrire de ma vie et m’excusera solidement au jugement dernier, c’est le naturel sans aucun apprêt, c’est l’éloquence la plus vigoureuse sans l’ombre d’effort ni de rhétorique. […] Convenez, mon ami, que je suis au moins traité très-légèrement, convenez qu’il n’y a dans cette conduite pas une ombre de délicatesse. […] Mais, mon ami, je sais bien ce qu’elle prétend ; reste à savoir s’il y a l’ombre de sens commun dans ses prétentions.

1614. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre I. Les personnages »

Ils sont toujours logés à la troisième chambre, Vêtus au mois de juin comme au mois de décembre, Ayant pour tout laquais leur ombre seulement.

1615. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre III. La nouvelle langue. » pp. 165-234

Mais les yeux s’oublient à suivre les ondoiements et les enroulements de sa filigrane infinie ; la rose flamboyante du portail et les vitraux peints versent une lumière diaprée sur les stalles sculptées du chœur, sur l’orfévrerie de l’autel, sur les processions de chappes damasquinées et rayonnantes, sur le fourmillement des statues étagées ; et dans ce jour violet, sous cette pourpre vacillante, parmi ces flèches d’or qui percent l’ombre, l’édifice entier ressemble à la queue d’un paon mystique.

1616. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxvie entretien. L’ami Fritz »

De petits coups de vent tiède soulevaient les rideaux de Fritz et les laissaient retomber ; puis, aussitôt après, le souffle de la montagne, refroidi par les glaces qui s’écoulent lentement à l’ombre des ravines, remplissaient de nouveau la chambre.

1617. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Toute louange non rapportée à Dieu est vaine ; et tout le bien qui ne vient pas de lui n’est qu’une ombre de bien.

1618. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1895 » pp. 297-383

Dans l’intervalle de tous ces petits chemins, il s’étendait par places, de l’herbe, mais une herbe écrasée, desséchée et morte, éparpillée comme une litière jaune, et dont les brins, couleur de paille, s’emmêlaient de tous côtés aux broussailles, entre le vert triste des orties… Des arbres s’espaçaient tordus et mal venus, de petits ormes au tronc gris, tachés d’une lèpre jaunâtre, des chênes malingres mangés de chenilles, et n’ayant plus que la dentelle de leurs feuilles… De volantes poussières de grandes routes enveloppaient de gris les fonds… Tout avait la misère et la maigreur d’une végétation foulée, la tristesse de la verdure de la barrière… Point de chants d’oiseaux dans les branches, point de parcours d’insectes sur le sol battu… Un bois à la façon de l’ancien bois de Boulogne, poudreux et grillé, une promenade banale et violée, un de ces endroits d’ombre avare, où le peuple va se ballader à la porte des capitales : parodies de forêts, pleines de bouchons, où l’on trouve dans les taillis des côtes de melons et des pendus ! 

1619. (1895) La science et la religion. Réponse à quelques objections

Là travaillaient des êtres humains, étendus sur le flanc, abattant le charbon, qui leur tombait sur la face, et le remplaçant au fur et à mesure par des rondins pour n’être pas écrasés par le plafond… Glissant je ne sais comment, j’arrivai à un carrefour où des masses noires, silencieuses, avec des gestes d’ombre, s’occupaient à couper menu quelque chose de tout point semblable au charbon sur lequel elles gisaient : « Les voilà qui dînent, les gaillards, nous dit l’ingénieur aimable qui nous guidait.

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