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437. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « J. de Maistre » pp. 81-108

» Tel est l’accent de Joseph de Maistre, en ses œuvres, quand il y parle pour le propre compte de sa pensée. […] Ce n’est pas un livre organisé, mais c’est comme le chantier des idées mises depuis en œuvre par un homme qui va de pair avec les plus forts. […] Dans un temps qui, comme le nôtre, affecte de ne plus croire à rien qu’à l’Histoire, on devrait, si on était conséquent, honorer profondément ce Joseph de Maistre, dont on a fait un utopiste de surnaturalité religieuse, comme l’esprit qui a le plus développé et approfondi dans ses œuvres le sens de l’Histoire. […] Dans le volume des œuvres inédites se trouve précisément un examen de la philosophie de Rousseau, qui pourrait s’appeler : Une mise en charpie. […] Par la forme comme par le fond, cet écrit est donc bien, celui-là aussi, authentiquement et intégralement l’œuvre du comte de Maistre.

438. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « III. Quelques mots sur l’explication de textes »

Il tend à les rendre capables de trouver dans une page ou une œuvre d’un écrivain ce qui y est, tout ce qui y est, rien que ce qui y est. […] Cela ne veut pas dire que chacun de nous, en présence d’une œuvre littéraire, et d’autant plus qu’elle s’éloigne de la science pour s’approcher de la musique, ne puisse avoir sa réaction individuelle, toute singulière et parfaitement légitime. […] On ne doit jamais négliger l’explication grammaticale ni l’explication historique ; mais on peut n’y voir qu’une préparation, n’y prendre que des points d’appui, soit pour une étude de goût, une analyse de sensations esthétiques, soit pour une recherche de l’usage et des applications actuelles de l’œuvre étudiée. […] On appuiera plus ou moins sur certains rapports des œuvres françaises avec les modèles anciens, selon que les auditeurs seront capables de connaître ceux-ci dans l’original ou seulement par des traductions. Je n’en conclus pas du tout qu’on soit moins capable de comprendre et de sentir les œuvres françaises quand on ne sait pas le grec et le latin.

439. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre II. Le lyrisme bourgeois »

Car ce sont leurs sentiments, leurs affections, leurs haines, leurs prospérités et plus souvent leurs malheurs, dont les poètes bourgeois font la matière de leurs vers : et ainsi leur œuvre est lyrique, par accident, peu ou prou, juste dans la mesure où leur tempérament est capable d’émotion lyrique. […] Sa science n’est pas cléricale : il sait le roman de Renart et l’œuvre de G. de Lorris85. […] Il s’est fait un art, des procédés : il a ses figures, ses allusions, ses comparaisons, ses allégories favorites, qui sont comme sa marque et sa signature dans ses œuvres. […] Avec tous ses procédés et parfois ses artifices, Rutebeuf a fait une œuvre sincère. […] La prédication de la croisade, sur un ton tour à tour passionné et satirique, est une notable partie de l’inspiration et de l’œuvre de Rutebeuf.

440. (1888) Demain : questions d’esthétique pp. 5-30

que je voudrais être en communion avec la littérature nouvelle, en sympathie avec les œuvres futures ! […] Je n’ai foi qu’aux œuvres. […] Il me semble qu’à grands traits l’histoire de la littérature moderne pourrait se résumer de la sorte que voici : À la grande différence des païens, pour qui la Forme, sans proscrire l’Idée, la primait, pour les modernes l’Idée, ou plutôt l’Ame Spirituelle, est l’objet principal de l’œuvre littéraire. […] Son génie l’emportait naturellement aux œuvres absolues où tout l’homme peut se réaliser dans ses pensées, dans ses sentiments, dans ses sensations  à Salammbô et surtout à la Tentation. […] C’est qu’il restait, en effet, à étudier, à analyser le « corps social », à mettre en mouvement dans les œuvres littéraires les foules, qui sont toutes physiques, aussi bien dans l’unité de leur ensemble que dans leurs individus.

441. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Raymond Brucker. Les Docteurs du jour devant la Famille » pp. 149-165

ils n’en ont jamais dit un mot, — un seul mot dans leurs œuvres ! […] moi, d’abord, — le premier en date 2, dans mon livre : Les Œuvres et les Hommes, et, depuis ce livre, partout, toutes les fois que j’ai trouvé l’occasion d’y écrire ce nom de Brucker. […] Au lieu de travailler dans le recueillement à des œuvres de longue haleine, Brucker inventait sur place, dans des merveilles d’improvisation, et profondes comme des improvisations ne le sont jamais ! […] Du reste, quels que soient les défauts de cet ouvrage, qui a la vigueur d’un acte et le mérite d’une vertu, ce n’en est pas moins une œuvre exceptionnelle, de la polémique la plus redoutable et de la plus écrasante discussion. […] Voir Les Œuvres et les Hommes, ive  volume, 1re série : Les Romanciers, chapitre 3e.

442. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Prosper Mérimée. » pp. 323-336

Metteur en œuvre d’une très-remarquable vigueur de main, il n’en était pas moins un esprit privé de toute grande puissance spontanée. […] Colomba et la Chronique de Charles IX, qui sont ses œuvres les plus longues, ne dépassent pas un volume. […] La double Méprise, Le Vase étrusque (l’œuvre que je préfère parmi toutes les œuvres de M.  […] Mérimée arrive, sans sourciller, aux résultats quelconques, immoraux ou criminels, de la passion, mais vous en chercheriez en vain dans ses œuvres les cris, les bouillonnements et les larmes. […] Il faudrait peut-être rappeler ici que nous avons mis le nom du xixe  siècle à la tête du livre intitulé : Les Œuvres et les hommes.

443. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre I. Influence de la Révolution sur la littérature »

La littérature de la Révolution et de l’Empire appartient au xviiie  siècle, par toutes ses basses œuvres : par tout ce qu’elle a de considérable, c’est le xixe  siècle qui s’ouvre. […] L’imitation classique des œuvres grecques ou latines n’a plus de raison d’être : un écrivain perdrait son temps à se donner des mérites que presque personne ne sentirait. […] Les œuvres où se continuait la précédente époque nous apparaissent noyées au milieu du fatras, des platitudes, des grossièretés, des violences sans caractère et sans décence, par où toute sorte d’écrivassiers flattèrent les passions du peuple, et les entretinrent honteusement sous prétexte de se mettre à sa portée. […] Il fait une effroyable consommation de talents, qui pourraient s’employer à des œuvres durables. […] Il fut guillotiné le 5 avril 1794, avec Danton et ses amis ; — OEuvres, 1828, 2 vol. in-8.

444. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Dante »

Que n’a-t-on pas vu dans ses œuvres ! […] Les uns voyaient dans l’œuvre du poète florentin encore plus l’Histoire que la Poésie ; les autres y voyaient encore plus la Philosophie que l’Histoire. […] Ce qu’il fallait voir, avant tout, dans le Dante, c’est le poète, la profonde individualité du poète et l’originalité de son œuvre. […] Individuelle, l’œuvre du Dante ? […] Dans les appréciations très multipliées de l’œuvre du Dante, le théologien, le philosophe, l’historien, l’homme politique, le savant, l’encyclopédie vivante du xiiie  siècle, ont passé bien avant le poète, selon la petite spécialité de chaque commentateur, qui avait la faiblesse — ah !

445. (1874) Portraits contemporains : littérateurs, peintres, sculpteurs, artistes dramatiques

On voit bien à nos œuvres que nous n’avons pas suivi ce plan d’études si sage. […] Balzac avait peur de la facilité, et il ne croyait pas qu’une œuvre rapide pût être bonne. […] Là est la véritable œuvre de Philoxène Boyer ; là il fut original et puissant, et l’on peut dire sans rival. […] Souvent un auteur, une œuvre, sont appréciés d’un mot, mais ce mot est décisif et porte coup. […] En effet, c’est une œuvre facile et commode que le feuilleton de théâtre !

446. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « SUR ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 497-504

S’il avait survécu à la Terreur, c’était bien différent : il est à croire que le côté politique, qui fait la moindre portion et comme un accident de son œuvre actuelle, se fût de beaucoup accru et développé ; que nous aurions eu de lui plus d’ïambes et de nobles invectives, des hymnes guerrières et tyrtéennes, quelque grande et romaine poésie du Consulat. […] La poésie, en se faisant simple auxiliaire à la suite des idées philosophiques, avait perdu ses qualités éminentes les plus énergiques et les plus châtiées ; Voltaire, son dernier représentant illustre, avait été son plus grand corrupteur L’entreprise de Chénier fut une œuvre d’étude et de long silence, pleine de secrets labeurs au sein d’une vie de plaisirs, et animée d’un profond amour de cette France, qu’il voulait doter de palmes plus rares. […] Les nobles et vigoureux talents s’en sauveront ; les œuvres nombreuses, que leur virile jeunesse promet à l’avenir, se remettront en harmonie avec une époque dont le sens plus diffus et plus immense est aussi plus glorieux à comprendre. […] Et puis, comme l’art a mille faces possibles, et qu’aucune n’est à supprimer quand elle correspond à la nature, il y aura toujours lieu à des talents et à des œuvres qui exprimeront des sentiments plus isolés, plus à part des questions flagrantes, et s’inquiéteront, en les exprimant, de la beauté calme et juste, de la perfection de la pensée et de l’excellence étudiée du langage : ce seront ceux de la même famille qu’André. […] (Je ne le trouve pas recueilli dans les Œuvres politiques et littéraires d’Armand Carrel, dont tous les soins des éditeurs ne sont parvenus qu’à faire un recueil ennuyeux.)

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