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41. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1855 » pp. 77-117

C’était sa vie passée qui lui repassait sous les yeux… elle savait par cœur les cheveux de tous ces gens-là. […] Il vit un petit homme rondelet, aux jolis yeux noirs, au nez retroussé, un peu cassé, parlant beaucoup et très fort. […] Un œil qui ne se décourage pas, est, décidément, irrésistible. […] » Et il disait cela, les yeux clignotants avec dedans un regard blessé — et triste comme la mort. […] Hippolyte Passy, un vieillard chauve, quelques cheveux blancs aux tempes, un petit œil, vif, brillant, allègre.

42. (1857) Cours familier de littérature. III « XVe entretien. Épisode » pp. 161-239

ô douces veillées Dont les images mouillées Flottent dans l’eau de nos yeux ! […] On n’a pendant longtemps devant les yeux d’autre horizon que des croupes de montagnes confuses, noires de sapins, ici ébréchées, là amoindries et comme usées par le frôlement des vents et des pluies. […] Il avait dès ce temps-là les yeux chassieux ; ma mère lui donnait, pour fortifier sa vue, de petites fioles où elle recueillait les pleurs de la vigne, sève du cep qui sue au printemps une sueur balsamique ayant, dit-on, la vertu sans avoir les vices du vin. […] J’ai des yeux dans les oreilles », continua-t-il en souriant ; « j’en ai sur les mains, j’en ai sous les pieds. […] l’hiver », me répondit-il, « il y a le feu dans le foyer, le bruit des sabots des enfants dans la maison, les châtaignes qu’on écorce, les pois qu’on écosse, le maïs qu’on égrène, le chanvre qu’on file : tous ces travaux n’ont pas besoin des yeux.

43. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1860 » pp. 303-358

» Il vient jeter les yeux sur les modes nouvelles de la mascarade. […] Puis quand il a tout le bal dans les yeux, je le ramène coucher chez nous. […] Puis, en bas du tribunal, la face plate et les yeux bordés de jambon, l’huissier avec son petit manteau noir qui pend à son habit, comme une aile cassée de chauve-souris. […] Lentement s’est approché un petit vieillard, le collet de son paletot gras et lustré, remonté jusqu’aux yeux, un misérable chapeau lui tressautant aux mains. Il a de longs et rares cheveux blancs, la figure osseuse et décharnée, les yeux tout caves et au fond une petite lueur.

44. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Le théâtre annamite »

Un autre magot, non moins férocement peinturluré, avec des boules en cuivre collées sur les yeux, et je ne sais quoi sous sa robe, qui le fait ressembler à une naine enceinte. […] Mais il y a, chez ces hommes jaunes, quelque chose qui serait risible si leur vue ne serrait le cœur et n’emplissait les yeux d’épouvante. […] Oui, ils sont couverts de lourds tissus chatoyants et dont l’éclat accroche les yeux, bon gré mal gré. […] Je revois toujours la bouche grande ouverte de celui qui portait sur ses yeux des boules de cuivre avec une fente de grelot ou de tirelire ; et j’entends le cri mauvais, indéfinissable, le cri de xylophone exaspéré qui jaillissait entre ces deux rangées de dents noires, comme d’une bouche de poisson… Je n’ai jamais senti un plus vaste, un plus infranchissable abîme entre une autre créature et moi  Ça, mes frères ? […] Mon chien a des yeux intelligents et bons, et quand d’aventure il hurle à la lune, c’est sans doute assez désagréable à entendre, mais il y a encore je ne sais quoi d’humain dans sa plainte.

45. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque » pp. 2-79

Je ne m’en glorifie pas, car il n’y a point de gloire dans le hasard ; mais je m’en suis toujours félicité, car la poésie et la beauté ont été toujours à mes yeux les vraies noblesses des femmes. […] Jacques Colonna osa se rendre à Rome et y afficher la bulle d’excommunication, sous les yeux des Allemands et du faux pontife. […] Pour accroître sa popularité, il employait l’éloquence des yeux autant que celle des paroles. […] Sujet irréprochable aux yeux du pape, dont il affectait de rétablir l’autorité sur les princes romains ; citoyen libérateur aux yeux du peuple, dont il prenait en main les droits et les intérêts, cette double politique l’éleva bientôt au rôle d’arbitre et de dictateur de Rome. […] « Pourquoi te consumer avant le temps, me dit-elle avec une tendre compassion, et pourquoi ce fleuve de douleurs coule-t-il sans cesse de tes yeux ?

46. (1856) Cours familier de littérature. II « XIe entretien. Job lu dans le désert » pp. 329-408

le doute, cette nuit qui n’est pas dans l’air, mais dans l’œil ! […] … Que les yeux tombent de leurs orbites ; ils ne servent plus à rien ! […] Ce supplice est sous vos yeux, peut-être même dans votre âme. […] Ils ont déliré faute d’horizon dans les yeux, d’espace dans leurs idées. […] « Est-ce l’œil, ou l’oreille, ou la bouche, ou la main ?

47. (1884) Les problèmes de l’esthétique contemporaine pp. -257

Sous ce rapport il peut suppléer l’œil en grande partie. […] est-ce parce qu’il représente à nos yeux une force de la nature, l’élasticité ? […] Ce n’est pas seulement la chose vue qui a une « valeur objective », c’est l’œil même qui voit. […] L’exactitude de la rime semble devenir assez peu de chose, aux yeux mêmes de V.  […] En somme, et quoi qu’on en ait dit, la rime regarde l’oreille beaucoup plus que les yeux.

48. (1868) Curiosités esthétiques « V. Salon de 1859 » pp. 245-358

C…, dont j’attirai les yeux sur cette production si humble et si pénétrante. […] Mais qu’il loge dans l’œil bleu de Bélinda, ah ! […] À leurs yeux, une étude est un tableau. […] Quel regard dans ces yeux sans prunelle ! […] Ce qui avait d’abord enchanté vos yeux, c’était un masque, c’était le masque universel, votre masque, mon masque, joli éventail dont une main habile se sert pour voiler aux yeux du monde la douleur ou le remords.

49. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre III. La notion d’espace. »

C’est parce que je puis suivre l’objet de l’œil et, par un déplacement de l’œil volontaire et accompagné de sensations musculaires, ramener l’image au centre de la rétine et rétablir la sensation primitive. […] parce que, dans un cas comme dans l’autre, j’aurai pu rétablir la sensation primitive, et que pour cela j’aurai dû exécuter le même mouvement de l’œil, et je saurai que mon œil a exécuté le même mouvement parce que j’ai éprouvé les mêmes sensations musculaires. […] Si donc la position relative de mon œil par rapport à mon doigt a changé, je pourrai bien ramener l’œil dans sa situation relative initiale par rapport à l’objet et rétablir ainsi les sensations visuelles primitives, mais alors la position relative du doigt par rapport à l’objet aura changé et les sensations tactiles ne seront pas rétablies. […] Or, d’après les considérations exposées dans le paragraphe précédent, nous n’avons pu le reconnaître que par les mouvements de l’œil et les observations auxquelles ils ont donné lieu. […] Je n’y aurais jamais songé, si je n’avais pas appris d’avance, par le moyen que nous venons de voir, à distinguer les changements d’état des changements de position, c’est-à-dire si mon œil était immobile.

50. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Ce que tout le monde sait sur l’expression, et quelque chose que tout le monde ne sait pas » pp. 39-53

Sur sa bouche, sur ses joues, dans ses yeux, en chaque partie de son visage. L’œil s’allume, s’éteint, languit, s’égare, se fixe ; et une grande imagination de peintre est un recueil immense de toutes ces expressions. […] Relevez les deux coins de la bouche en même temps, et tenez les yeux bien ouverts ; vous aurez une physionomie cynique, et vous craindrez pour votre fille si vous êtes père. […] Faites que je ne puisse ni arrêter mes yeux, ni les arracher de dessus votre toile. […] Les cheveux blonds s’accorderont mieux avec la langueur, la paresse, la nonchalance, les peaux transparentes et fines, les yeux humides, tendres et bleus.

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