Il avait beau dire du mal des Français ; quand il y avait longtemps qu’il n’en avait vu un, et que le nouveau débarqué à Civitavecchia s’adressait à lui (s’il le trouvait homme d’esprit), combien il était heureux de se dédommager de son abstinence forcée par des conversations sans fin ! […] La duchesse de Duras avait récemment composé d’agréables romans ou nouvelles qui avaient été très goûtés dans le grand monde ; elle avait de plus fait lecture, dans son salon, d’un petit récit non publié qui avait pour titre Olivier. […] Dans les nouvelles ou romans qui ont des sujets italiens, il a mieux réussi. […] Quand je serai de nouveau pauvre diable, vivant au quatrième étage, je traduirai cela fidèlement ; la fidélité, suivant moi, en fait tout le mérite. […] Vers ce temps, Beyle vendait à la Revue des deux mondes une série de nouvelles italiennes qu’il se proposait de faire et dont il n’y eut qu’une ou deux d’achevées.
Lui-même, d’ailleurs, dans une des lettres les plus jolies du nouveau recueil, et qui est de son meilleur entrain, il a réduit à sa valeur cette réputation exagérée d’universalité qu’on se plaisait à lui faire : Je viens de lire un morceau, écrivait-il à M. […] Il nous suffit de dire que, dans le nouveau recueil, ce côté n’est pas celui qui domine. […] Je vous assure qu’il n’en est rien ; il ne lui manquait que ce nouveau ridicule. […] D’intéressantes lettres du nouveau recueil adressées à Tronchin de Lyon pour être lues du cardinal de Tencin, et dont je me suis servi dans mon étude sur la margrave de Baireuth, ont fait dire que Voltaire, si habile à ménager et à nouer une négociation, aurait pu faire un ministre. […] Le nouveau recueil de lettres dessine très bien ce vieillard de quatre-vingts ans qui tout d’un coup rajeunit, qui se multiplie pour écrire au ministre réformateur et à ceux qui le servent, aux Trudaine, aux de Vaisnes, aux Dupont de Nemours, et s’écrie gaiement : « Nous sommes dans l’âge d’or jusqu’au cou. » Il était arrivé à Voltaire ce qui arrive naturellement à toute grande renommée littéraire qui est jointe à une existence sociale considérable, mais ce qui devait lui arriver à lui plus qu’à un autre, à cause de son activité prodigieuse et des preuves éclatantes qu’il en avait données.
Et cependant, avec « cette humeur avide de choses nouvelles et inconnues », il ne poussait pas son désir jusqu’à la passion et jusqu’à y sacrifier le repos. […] Et quant à Rome où les autres visaient, il la désirait d’autant moins voir que les autres lieux, qu’elle était connue d’un chacun, et qu’il n’y avait laquais qui ne leur pût dire nouvelles de Florence et de Ferrare. […] Montaigne voyage pour apprendre du nouveau et pour regarder sans cesse ; et il regarde en effet, il retient tout, depuis les beaux et riants aspects et les jolis fonds de paysage jusqu’à la manière de tourner la broche. […] Il remarque un air de dissipation pendant l’office : « Il lui sembla nouveau, et en cette messe et autres, que le Pape et cardinaux et autres prélats y sont assis, et quasi tout le long de la messe couverts, devisant et parlant ensemble. […] Quelques jours après, le Pape passe à cheval sous les fenêtres du logis de Montaigne : nouveau portrait et description exacte du costume, des mouvements et du cortège.
Et que d’ecclesiastiques méritants, obscurs, avaient révélé leurs vertus modestes dans ces nouvelles catacombes ! […] Ce fut un beau moment dont rien ne saurait effacer l’éclat dans cette première splendeur de l’inauguration du siècle : « Ils ne sont pas encore assez loin pour être oubliés, s’écriait en 1818 un des témoins émus, ces jours alors si nouveaux et si sereins, si inattendus et si consolants, dans lesquels, après tant d’années d’interruption et d’outrages, on vit le culte catholique ramené en pompe dans le même temple où il avait reçu les plus graves insultes, — ramené par la main d’un jeune guerrier qui semblait jusque-là aussi étranger aux choses religieuses qu’il était familiarisé avec la victoire. […] Cependant des esprits courageux dans le Clergé, et M. de Lamennais en tête (rien ne saurait lui retirer l’honneur de cette initiative), ne désespérèrent pas de la situation si mauvaise qui leur était faite, qu’ils s’étaient faite eux-mêmes, et comme ils n’avaient point trempé du moins dans les ruses et les tortuosités du précédent régime, ils crurent qu’ils pouvaient affronter la lutte au grand jour sous un régime nouveau (1831). […] Bénédictins de Solesmes, nouveaux Oratoriens, Jésuites fidèles à leur passé s’évertuèrent avec émulation. […] Certains corps religieux ont eu, de tout temps, l’art d’élever et de captiver les jeunes esprits : ils ne négligent rien pour cela, ni les méthodes nouvelles, ni les études variées, ni même l’agrément et les grâces : tout est bon pour prendre les enfants du siècle.
(suite) Ses œuvres nouvelles. — D’après nature. — Œuvres choisies. — Le diable à Paris […] Mais enfin abondance de preuves ne nuit pas, surtout quand elles sont d’un genre, nouveau, imprévu, et qu’elles se produisent en un langage que chacun comprend à l’égal au moins de celui du dessin et des images : je veux parler des preuves écrites et littéraires. […] Un aigre coup sonna, et l’aiguille de fer dut marquer sur le cadran un voyageur nouveau : c’était le conducteur stupéfait. […] Y eut-il, au jour dit, un billet moqueur apporté par un petit commissionnaire au quai d’Orsay, lieu indiqué pour le rendez-vous, un billet mignon qui sentait l’iris, dont le cachet avait des armes, — couronne de duchesse ou de comtesse, — et contenant ces seuls mots à l’adresse de Michel : « Un des plus doux plaisirs d’une femme est de faire un regret » ; et ne fut-ce que plus tard, par l’effet d’un hasard nouveau, que Michel retrouva la belle inconnue et reconquit l’occasion ? […] La première lecture, un drame, un roman nouveau, va derechef tout gâter en elle et tout assombrir : « Nous nous étions quittés si bons amis !
Il publiait ses Nouvelles en 1613, des Comédies et intermèdes en 1615 ; il donnait en 1614 son Voyage au Parnasse, satire en vers imitée de l’italien, et qui n’a d’intérêt pour nous qu’au point de vue biographique. […] Si estimé pour sa prose, soit dans ses nouvelles, soit dans son incomparable roman, Cervantes, moins goûté du public pour ses vers, eut toujours un faible pour la poésie pure : c’est ainsi que le grand comique Molière avait, on le sait, un penchant tout particulier et assez malheureux pour le genre noble et romanesque. […] Dans la préface de ses Nouvelles, supposant qu’un de ses amis aurait bien pu faire graver son portrait pour le placer en tête du livre, il donne de lui-même, et de ce portrait absent, la description suivante, quand il avait soixante-six ans (1613) : « Celui que vous voyez ici à la mine d’aigle, les cheveux châtains, le front uni et ouvert, les yeux gais, le nez courbé, quoique bien proportionné, la barbe d’argent (il n’y a pas vingt ans qu’elle était d’or), la moustache grande, la bouche petite, les dents pas plus qu’il n’en faut, puisqu’il n’en a que six, et celles-ci en mauvais état et encore plus mal placées, puisqu’elles ne correspondent pas les unes aux autres ; la taille entre les deux, ni grande ni petite, le teint vif, plutôt blanc que brun ; un peu haut des épaules sans en être plus léger des pieds ; celui-là, je dis que c’est l’auteur de la Galatée, de Don Quichotte de la Manche, le même qui a fait le Voyage du Parnasse et d’autres ouvrages qui courent le monde de çà de là, peut-être sans le nom de leur maître. […] On a souvent raconté l’anecdote suivante : on était en 1615 ; une ambassade française venait d’arriver à Madrid ; le cardinal-archevêque de Tolède rendait sa visite à l’ambassadeur ; dans la conversation qui s’engagea entre les gentilshommes français et les gens de la suite du Cardinal, il fut question des livres nouveaux, et le nom de Cervantes fut prononcé. […] Tout un ordre de considérations nouvelles s’ouvre devant nous et se développe comme à l’infini ; on a élargi de toutes parts ses horizons ; on ne parle de Don Quichotte qu’au sortir de la lecture de Dante, de la chanson de Roland, du poëme du Cid et de tant d’autres œuvres poétiques antérieures qui donnent lieu à des comparaisons, à des contrastes.
Puis de nouveaux fragments furent publiés, le recueil se grossit par degrés, et l’on put craindre de voir s’étendre indéfiniment l’héritage d’une destinée poétique dont le fil avait été sitôt tranché. […] remy a depuis éprouvé moins de joie que de regret chaque fois qu’un zèle curieux est venu ajouter au premier recueil du poëte quelques pièces nouvelles : on a pu craindre, dit-il, d’en voir le nombre s’accroître indéfiniment ; il trouvait qu’il y en avait bien assez sans cela. […] remy dans ces préambules assez tortueux ; il ne manque pas de décocher au passage bon nombre d’épigrammes sourdes contre les inventeurs de rhythmes nouveaux, qui, en ce temps-là, se prévalurent de l’autorité d’André Chénier ; ce sont déjà de bien vieilles querelles, dans lesquelles les épigrammes elles-mêmes ont le tort d’être devenues fort surannées. […] Tantôt chez un auteur j’adopte une pensée, Mais qui revêt chez moi, souvent entrelacée, Mes images, mes tours, jeune et frais ornement ; Tantôt je ne retiens que les mots seulement ; J’en détourne le sens, et l’art sait les contraindre Vers des objets nouveaux qu’ils s’étonnent de peindre. […] De ce mélange heureux l’insensible douceur Donne à mes fruits nouveaux une antique saveur.
De même que du sein des rangs royalistes une voix éloquente s’élevait par accès, qui conviait à une chevaleresque alliance la légitimité et la liberté, et qui, dans l’ordre politique, invoquait un idéal de monarchie selon la Charte, de même, tout à côté, et avec plus de réussite, dans la haute compagnie, il se trouvait une femme rare, qui opérait naturellement autour d’elle un compromis merveilleux entre le goût, le ton d’autrefois et les puissances nouvelles. […] Ses sentiments affectifs trouvèrent à s’employer sans contrainte dans le foyer domestique ; les événements de la Révolution commencèrent bientôt de les distraire et d’y introduire des émotions nouvelles. […] Dans Édouard on voit deux siècles, deux sociétés aux prises, et le malheur qui frappe les amants devient le présage d’un avénement nouveau. […] L’attrait d’un intérêt nouveau, le changement des cœurs, l’inconstance, l’ingratitude, la mort, dépeuplent peu à peu ce monde enchanté dont la jeunesse faisait son idole…Aimer Dieu, c’est adorer à leur source les perfections que nous espérions trouver dans les créatures et que nous y avons vainement cherchées. […] Ainsi se couronne une des vies les plus brillantes, les plus complètes, les plus décemment mélangées qu’on puisse imaginer, où concourent la Révolution et l’ancien régime, où la naissance, et l’esprit, et la générosité, forment un charme ; une vie de simplicité, de grand ton, de monde et d’ardeur sincère ; une vie passionnée et pure, avec une fin admirablement chrétienne, comme on en lit dans les histoires de femmes illustres au dix-septième siècle ; un harmonieux reflet des talents délicats, naturels, et des morts édifiantes de ce temps-là, mais avec un caractère nouveau qui tient aux orages de nos jours, et qui donne un prix singulier à tout l’ensemble.
Comme avec les nobles il comprend les anoblis, et que depuis deux siècles les magistrats, depuis un siècle les financiers ont acquis ou acheté la noblesse, il est clair qu’on y trouve presque toutes les grandes fortunes de France, anciennes ou nouvelles, transmises par héritage, obtenues par des grâces de cour, acquises dans les affaires ; quand une classe est au sommet, elle se recrute de tout ce qui monte ou grimpe. […] Ainsi, après quatre cent cinquante ans d’assaut, la taille, ce premier engin du fisc, le plus lourd de tous, a laissé presque intacte la propriété féodale33 Depuis un siècle, deux nouvelles machines, la capitation et les vingtièmes, semblent plus efficaces et ne le sont guère davantage D’abord, par un chef-d’œuvre de diplomatie ecclésiastique, le clergé a détourné, émoussé leur choc. […] En effet, le chef local qui ne remplit plus son ancien office peut remplir en échange un office nouveau. […] Jadis capitaine du district et gendarme en permanence, il doit devenir propriétaire résidant et bienfaisant, promoteur volontaire de toutes les entreprises utiles, tuteur obligé des pauvres, administrateur et juge gratuit du canton, député sans traitement auprès du roi, c’est-à-dire conducteur et protecteur comme autrefois, par un patronage nouveau accommodé aux circonstances nouvelles.
Plus tard, dans sa vieillesse, on la voit, jusqu’à la fin, faire tant qu’elle peut de nouvelles connaissances pour combler les vides ou diversifier le goût des anciennes : elle dut faire à plus forte raison la même chose en amour durant la première moitié de sa vie. […] Il lui donne les nouvelles de la Cour et de ses propres soupers : Notre souper fut excellent, et, ce qui vous surprendra, nous nous divertîmes. […] Elle va à l’Opéra, à la Comédie, aux soupers et à Versailles ; elle donne à souper deux fois la semaine ; elle se fait lire toutes les nouveautés ; elle fait de nouvelles chansons et des épigrammes, en vérité admirables, et se ressouvient de tout ce qu’on a fait en ce genre depuis quatre-vingts ans22. […] mon tuteur, prenez vite un flacon, vous êtes prêt à vous évanouir ; voilà pourtant ce qui vous arrivera, si je n’ai pas de vos nouvelles deux fois la semaine. […] Walpole, en bon Anglais qu’il est malgré ses traits d’esprit à la française, lui a fait lire Shakespeare ; elle l’a aussitôt goûté, elle s’est récriée comme à la découverte d’un monde nouveau : « Oh !