Ainsi nulle trace de rouille municipale dans cette vie d’Auvergne, mais l’étendue et l’aisance des relations, en même temps qu’une atmosphère morale et préservée. […] Il touchait à sa vingtième année ; un voyage qu’il fit à cette époque en Auvergne, et durant lequel il perdit sa mère, apporta une impression décisive dans sa vie morale, et détermina l’homme en lui. […] Cette règle morale qu’on ne craindrait pas de dire qu’il observa jusque dans le sentiment, nous la retrouvons nettement traduite dans son expression d’écrivain. […] En venant plaider dans sa préface contre l’histoire officielle et oratoire, il n’a jamais demandé, il n’a pu demander que l’histoire vraiment philosophique fût supprimée ; il n’a pas dit, à le bien entendre, il n’a pas cru que l’histoire morale, celle des Tacite, des Salluste et des grands historiens d’Italie, dût cesser d’avoir ses applications diverses, surtout à des époques moins extérieures et plus politiques, aux époques d’intrigue et de cabinet : mais, ce jour-là, il demandait pour le genre qui était le sien, pour cette méthode appliquée une fois à une époque particulière qui y prêtait, il demandait place au soleil et admission légitime, et, en homme d’esprit, il a trouvé à ce propos toutes sortes de raisons et de motifs qu’il a déduits ; et il en a su trouver un si grand nombre là même où l’on s’était dit qu’il y avait objection, qu’on a pu croire que les conclusions chez lui dépassaient le but. […] Toutes les fois qu’il a dû prendre la parole dans des solennités publiques (et il l’a fait récemment en plusieurs occasions), on a retrouvé avec plaisir son esprit ingénieux et grave ; l’idée morale, la disposition religieuse, qu’il a témoignée de tout temps, semble même prévaloir en lui avec les années, et rien n’altère cette sorte d’autorité légitime qu’on accorde volontiers, en l’écoutant, à l’écrivain éclairé, à l’homme de goût et à l’homme de bien.
Il avait l’esprit très philosophique, et peu de connaissances ou de curiosité philosophiques ; il n’avait en morale qu’une science commune et superficielle, et ni théoriquement ni pratiquement il n’avait de grandes lumières sur la vie de l’âme humaine : il fait exception dans le xviie siècle par son manque de sens psychologique. […] Il l’a aimée uniquement ; mais il y a trouvé pour lui, il y a placé pour les autres un principe de noblesse morale, un engagement à se mettre au-dessus de tous les sentiments mesquins. […] Le quatrième chant tout entier est un appendice dont on ne sent pas d’abord l’utilité : il n’y est pas question de littérature, mais de morale. […] Si la vérité, la sincérité sont les lois suprêmes de l’art, il n’y a plus lieu, dès que l’artiste est honnête homme, d’exiger qu’il ait le dessein formel et particulier de faire une œuvre morale : quoi qu’il fasse, il la fera morale, en vertu de sa nature.
Il avait des préjugés, des manies de romantique échevelé : cet excellent homme professait candidement, avec une féroce truculence de paroles, la haine du bourgeois, de la vie et de la morale bourgeoises ; il avait soif d’étrangeté, d’énormité, d’exotisme. […] Cette hallucination fantastique est sortie tout entière d’une patiente étude de documents ; de là, justement, la froideur de l’œuvre, et la fatigue qu’elle laisse : tellement l’auteur s’est mis en dehors de la vie contemporaine, tellement il a éliminé toute idée personnelle, toute conception philosophique, morale ou religieuse, qui eussent donné direction, sens et portée à ce splendide cauchemar. […] Défenseur du devoir, de la vieille morale chrétienne, avocat de la femme à qui la société, l’homme rendent la vertu difficile et lourde, amateur de combinaisons romanesques, arrangeur d’accidents tragiques, Feuillet est précieux par son expérience du monde : certaines parties aristocratiques de notre société n’ont été vues et bien rendues que par lui. […] Le jeu raffiné de l’esprit autour de la foi et de la morale évangéliques, ce goût intellectuel pour la simplicité du cœur qui n’est encore qu’une perversion de plus dans nos incohérentes natures, ont trouvé en M. […] Là, le roman redevient vraiment ce que Taine souhaitait, un document d’histoire morale.
Il est, pour tout esprit qui se forme, un régime et un climat qui lui conviennent : évidemment l’Empire n’était pas le climat le plus favorable et le plus propice à la tournure d’esprit morale et un peu idéologique du jeune Victor de Broglie. […] Le monde nouveau, la famille dans laquelle il entrait, le trouva singulièrement disposé à élever son libéralisme d’un cran si je puis dire, à lui trouver des raisons plus fines, plus neuves, plus distinguées, plus d’accord avec l’idée morale qu’on s’y faisait de la nature humaine. […] Les plus beaux souvenirs de la race humaine se rattachent à ces époques glorieuses où les peuples qui ont civilisé le monde, et qui n’ont point consenti de passer sur cette terre en s’ignorant eux-mêmes, et comme des instruments inertes entre les mains de la Providence, ont brisé leurs fers, attesté leur grandeur morale, et laissé à la postérité de magnifiques exemples de liberté et de vertu. […] En les proposant, M. de Broglie faisait évidemment violence à ses théories antérieures, à ses combinaisons constitutionnelles les plus chères, à ses vues bienveillantes de morale sociale et humaine ; mais cette fois, en face d’un forfait immense, il vit la réalité à nu, et, en homme de bien courageux, il n’hésita pas. […] Il était arrivé à ce jour où l’on reconnaît, bon gré, mal gré (et dût-on le lendemain tâcher de l’oublier encore), que la morale humaine n’est pas ce que les sages et les nobles esprits se la font dans les spéculations de l’étude et du loisir, au haut du cap Sunium ou dans les jardins de l’Académie.
Je voudrais seulement que vous missiez dans votre cœur le demi-quart de la morale et de la philosophie qu’ils contiennent. […] Il faut une morale à tout ; il en faut surtout à un point d’étude qui est si affligeant et qui a pour résultat d’étaler à nu les laideurs et les vices de l’âme, associables avec les plus beaux dons de l’esprit. Ma morale serait donc (et je ne sais si, en la dégageant, je ne songe pas involontairement à quelques-uns des beaux esprits d’un temps plus voisin, à quelques-uns des héritiers mêmes de Voltaire), ma morale, c’est qu’en ayant tous nos défauts, le pire de tous encore est de ne pas être sincère, véridique, et de se rompre à mentir. […] Quant à Voltaire, il est impossible, lorsqu’on le connaît bien et qu’on l’a vu en ses divers accès, de le prendre pour autre chose que pour un démon de grâce, d’esprit, et bien souvent aussi (il faut le dire) de bon sens et de raison, pour un élément aveugle et brillant, souvent lumineux, un météore qui ne se conduit pas, plutôt que pour une personne humaine et morale.
Lebrun en a jugé bravement, et, tout en désapprouvant la crudité de quelques couleurs, il n’a pas hésité à louer l’idée même, à l’absoudre au nom de la morale. On est très prompt, dans notre pays, à faire intervenir la morale dans les questions d’art : le jugement public, porté par M.
C’est le ton et la coutume de La Fontaine de placer la morale dans le tissu de la narration, par l’art dont il fait son récit. […] La Fontaine se met ici à côté d’une grande question, savoir jusqu’à quel point la morale peut s’associer avec la politique.
Il était le livre saint, où l’on puise la santé morale. […] On ne peut plus inventer la morale, ni en morale. […] Un honnête homme ne peut écrire un livre de morale qu’en acceptant courageusement d’être banal. […] » Il faudrait dire, selon moi : « Quand donc enseignera-t-on que la force se fait une morale, et que la morale de la force est une morale forte et non une morale craintive et veule ? […] Buisson, parlant sur le Devoir présent de la Jeunesse, s’exprime ainsi, d’après un compte rendu analytique : “La poésie du régime républicain est faite de force morale, d’énergie morale, de vie morale…”, et cela dura deux heures, et, comme un glas de naufrage, on n’entendait plus que “morale, morale, morale”, tombant toutes les dix secondes dans le vide des cervelles abruties.
On ne se passe pas plus de morale dans la vie que de boussole sur la mer. Ajoutons que les gens peu moraux, c’est-à-dire modérément intéressés par ces questions, adoptent machinalement et par souci du moindre effort la morale courante ; l’immoraliste au contraire, ainsi nommé parce qu’il a répudié la morale de tout le monde, est précisément un homme si enragé de morale qu’à force d’y penser uniquement et d’en être obsédé il a fini par s’en inventer une. […] Magnifique stoïcisme intellectuel, d’une qualité morale bien supérieure aux fameux « orages désirés » de René. […] C’est cette morale de Philoctète qui a toutes les sympathies de notre auteur, foncièrement individualiste, mais idéaliste aussi. […] Gide pouvait souhaiter, dans l’intérêt de la morale, qu’on n’attirât pas l’attention sur ces deux ouvrages-là.
Ensuite, on éprouve fréquemment, le travail accompli, une sorte de satisfaction, analogue à la satisfaction morale. […] On trouverait une assez curieuse illustration de ces principes en examinant l’état présent de la morale sexuelle. […] Morale ou immorale, cela n’a ici aucune importance, elle devra, si elle est exacte, se lire au premier coup d’œil dans les faits. […] Et pourquoi enfin l’hygiène ne serait-elle pas codifiée comme la morale ? […] Le motif initial de la nouvelle morale sexuelle agit toujours à notre insu.