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1286. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

Elles ont une autre unité, celle de la méthode, et, dans la mesure où l’esprit reste pareil à travers les années, celle de la conclusion. […] Il est certain, en effet, que la vérité n’a pas pour mesure l’utilité. […] Mais Sainte-Beuve, et ici se marque la qualité rare de son génie, a su garder sur ce point encore une mesure que ses deux grands disciples ont dépassée. […] Une première sélection s’esquissait, dont on mesure la valeur, quand on parcourt les annales de ces concours. […] À mesure que j’en suivais le détail, une évidence s’imposait à moi avec une force extraordinaire, celle de la différence entre les deux guerres.

1287. (1901) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Deuxième série

Elle n’aura jamais mesure comble. […] Non seulement la critique a le pouvoir de fonder une grande réputation, quand l’objet de ses éloges les justifie en quelque mesure ; elle peut encore créer de toutes pièces une gloire dont le héros est un pur néant. […] ils ont été cités par de grandes autorités en critique, et Voltaire leur a fait une place dans son Temple du goût ; leur forme alerte, leur mesure peu usitée les grave aisément dans la mémoire, et leur puérilité même a servi leur popularité. […] Nous nous appliquons à nos phrases, soucieux de leur construction élégante, de leur mesure variée, de leurs mouvements souples et de leur cadence harmonieuse. […] Il a fallu que sa pensée, resserrée dans la stricte mesure du mètre et obéissant aux lois de la cadence, fût menée, comme un chien en laisse, par la rime.

1288. (1923) Nouvelles études et autres figures

Hésiode sent, pense, agit en paysan ; mais ce paysan a le don de rendre exactement, sobrement, avec une puissance faite de mesure, ce qu’il a observé. […] Le Purgatoire de Dante est une montagne divisée en sept régions où les âmes montent de l’une à l’autre à mesure qu’elles se purifient. […] Il est sincère dans la mesure où le sont toutes les apologies écrites contre des hommes ou des institutions. […] Dans quelle mesure le système de Hegel a pesé sur lui. […] J’ai remarqué que ceux qui ont été élevés ainsi, à mesure qu’ils avancent dans la vie, parlent plus complaisamment de leurs éducateurs.

1289. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Werther. Correspondance de Goethe et de Kestner, traduite par M. L. Poley » pp. 289-315

Les lettres qu’on a de Goethe, adressées à Kesfner pendant les mois qui suivent l’instant de la séparation, nous le prouvent aussi, tout en nous donnant assez bien la mesure de cette espèce de culte d’imagination et de tendresse idéale, mystique, pourtant domestique et familière, mêlée de détails du coin du feu. […] Werther une fois fait, et même à mesure qu’il le conçoit et le compose, Goethe retrouve sa sérénité ; il a triomphé de ses sentiments puisqu’il les a magnifiquement exprimés.

1290. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. (Suite et fin.) »

Malherbe, qui a si bien montré dans ses vers « le pouvoir d’un mot mis en sa place », n’a pas le même soin dans sa prose, et il n’a jamais connu la netteté du style, soit pour la situation des mots, soit pour la forme et la mesure des périodes. […]  » On l’y voit blâmant l’excès de la recherche et de la curiosité, observant d’ailleurs la mesure, conseillant aux bons écrivains un peu faibles par la pensée de s’adonner aux traductions comme à de beaux thèmes où ils pourront acquérir beaucoup d’honneur, maintenant et défendant l’usage des citations en langue latine (il y est intéressé) dans tout discours qui ne s’adresse pas au peuple et à une majorité d’ignorants.

1291. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « L’Académie française »

L’autorité de l’Académie, dans la mesure très douce, presque toute honorifique et rémunératoire, où elle est appelée à s’exercer, ne pourrait donner d’ombrage que si une démocratie toute radicale venait à triompher. […] Elle ne s’aventure point sans doute et ne se hâte pas outre mesure ; mais elle recueille à temps, dans le domaine de la création et même de la fantaisie poétique, dans la littérature d’imagination et d’agrément, ce que l’opinion publique lui désigne à l’avance et lui défère.

1292. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Mémoires »

Et puis, comme dans le Louis XIV, un fonds de droit sens mêlé même au faste, de la mesure et de la proportion dans la grandeur. […] Certes, nulle vie n’a été plus traversée, semée sur plus de mers, sillonnée de plus de sortes d’orages ; et quand, après tant d’incomparables vicissitudes, on porte sa douleur sans fléchir, comme ces personnages de rois et d’empereurs qui, outre leur diadème de gloire au front, portent un globe dans la main, on en mesure mieux tout le poids.

1293. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Diderot »

Seulement l’art, dans la force de génération qui lui est propre, a quelque chose de fixe, d’accompli, de définitif, qui crée à un moment donné et dont le produit ne meurt plus ; qui ne varie pas avec les niveaux ; qui n’expire ni ne grossit avec les vagues ; qui ne se mesure ni au poids ni à la brasse, et qui, au sein des courants les plus mobiles, organise une certaine quantité de touts, grands et petits, dont les plus choisis et les mieux venus, une fois extraits de la masse flottante, n’y peuvent jamais rentrer. […] Sans doute l’idée de morale le préoccupa outre mesure ; il y subordonna le reste, et en général, dans toute son esthétique, il méconnut les limites, les ressources propres et la circonscription des beaux-arts ; il concevait trop le drame en moraliste, la statuaire et la peinture en littérateur ; le style essentiel, l’exécution mystérieuse, la touche sacrée, ce je ne sais quoi d’accompli, d’achevé, qui est à la fois l’indispensable, ce sine qua non de confection dans chaque œuvre d’art pour qu’elle parvienne à l’adresse de la postérité, — sans doute ce coin précieux lui a échappé souvent ; il a tâtonné alentour, et n’y a pas toujours posé le doigt avec justesse ; Falconnet et Sedaine lui ont causé de ces éblouissements d’enthousiasme que nous ne pouvons lui passer que pour Térence, pour Richardson et pour Greuze : voilà les défauts.

1294. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Bruyère »

Il sait la mesure qu’il faut tenir et le point où il faut frapper. […] Il paraît qu’une première fois, en 1691, et sans le solliciter, La Bruyère avait obtenu sept voix pour l’Académie par le bon office de Bussy, dont ainsi la chatouilleuse prudence (il est permis de le croire) prenait les devants et se mettait en mesure avec l’auteur des Caractères.

1295. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « François Ier, poëte. Poésies et correspondance recueillies et publiées par M. Aimé Champollion-Figeac, 1 vol. in-4°, Paris, 1847. »

Les Bonaventure des Periers, les Marot, les Saint-Gelais, les Amyot, étaient en mesure de prêter plus d’un trait à un canevas auguste, et de mettre la main à la demande en même temps qu’à la réponse. […] Quoi qu’il en soit, une honnête mesure d’exactitude et de finesse suffirait à l’œuvre.

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