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321. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre III. Les immoralités de la morale » pp. 81-134

Cependant, si cette société, quoique meilleure qu’une bande de brigands, est pire que d’autres contre qui elle lutte, il peut être mauvais qu’une cause de faiblesse vienne à disparaître pour elle. […] Ces instincts se soumettent, quand ils ne sont pas les plus forts, ou qu’ils sont dupés par l’âme sociale, mais ils subsistent, se défendent, rusent aussi, toujours prêts à reprendre l’offensive et au moins à tirer le meilleur parti de la situation qui leur est faite. […] Dans une humanité, je ne dis point parfaite, mais meilleure que la nôtre, elle se transformerait. […] Elle aura illuminé, ravagé ou charmé le monde, elle servira peut-être longtemps de guide, ou d’épouvantail, mais elle mourra en dehors de la voie qui mène à de meilleures destinées. […] Les meilleures recettes qu’on peut imaginer pour construire une voiture, que vaudraient-elles, industriellement, si l’on ne faisait pas de voitures ?

322. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre III. Le Petit Séminaire Saint-Nicolas du Chardonnet (1880) »

J’appris plus tard des choses qui me firent renoncer aux croyances chrétiennes ; mais il faut profondément ignorer l’histoire et l’esprit humain pour ne pas savoir quelle chaîne ces simples, fortes et honnêtes disciplines créaient pour les meilleurs esprits. […] Ma fille, Henriette, Ernest, qui a passé une bien meilleure nuit, se rappellent à votre souvenir, ainsi que Clara. […] Mais en avons-nous de meilleures à offrir à une personne atteinte d’un cancer ? […] J’avais un oncle voltairien, le meilleur des hommes, qui voyait cela de mauvais œil. […] Mon meilleur ami, un jeune homme de Coutances, je crois, transporté comme moi, excellent cœur, s’isola, ne voulut rien voir, mourut.

323. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mai 1886. »

Il faut donc la recréer : il faut, au-dessus de ce monde des apparences habituelles profanées, bâtir le monde saint d’une meilleure vie : meilleur par ce que nous le pouvons créer volontairement, et savoir que nous le créons. […] Ainsi s’explique la nécessité du Réalisme dans l’art : mais non point d’un réalisme transcrivant, sans autre but, les apparences que nous croyons réelles : d’un réalisme artistique, arrachant ces apparences à la fausse réalité intéressée où nous les percevons, pour les transporter dans la réalité meilleure d’une vie désintéressée. […] Notre presse — musicale ou non — se hâta d’écrire des articles très fins sur Wagner : un homme qui disait savoir plus en musique que nos meilleurs professeurs ; un homme qui avait annoncé son intention de détruire l’opéra et de le reconstruire à neuf d’après un système nouveau. […] C’est pour cette raison que hors d’Angleterre les noms de nos meilleurs maîtres ne sont pas même connus. […] L’art Wagnérien hors le théâtre n’est qu’une chose incomplète ; et l’œuvre que la Société Wagnérienne devrait, ce me semble, se proposer, serait d’acquérir grâce à ses moyens croissants un théâtre, si petit qu’il fût, avec ses membres (parmi lesquels j’ai déjà autrefois signalé nos meilleurs artistes) de constituer une troupe modèle, et de donner des représentations.

324. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « H. Forneron » pp. 149-199

C’est, dans le meilleur sens d’un mot que je n’aime point : « un libre esprit », mais ce libre esprit a ses dominations que j’aime. […] Il est bien Français avant d’être catholique, et il n’a pas l’air de se douter qu’être catholique, dans cette monarchie fondée par les Évêques, — a dit Gibbon, mais qui s’est arrêté là, et qui n’a pas dit que tous ces Évêques étaient des Saints, — c’est encore la meilleure manière d’être Français et la meilleure raison pour l’être… Homme moderne, — mais plus élevé et plus étendu que l’esprit moderne, puisqu’il se croise, dans son livre, en l’honneur de l’unité de pouvoir si haïe de l’esprit moderne, qui ne veut que des pouvoirs multiples et des gouvernements qui ressemblent à des peuples, — l’auteur des Ducs de Guise, qui sait assez d’histoire pour ne jamais séparer la Royauté de la France, — l’ennemi de la Féodalité, mais, pour les mêmes raisons, l’ennemi de la Démocratie, parce que, ici ou là, c’est le pouvoir multiple, éparpillé, croulant en anarchie toujours, — l’auteur des Ducs de Guise croit justement que cette unité de pouvoir à conserver, ou à refaire quand elle a été défaite, fut la gloire de tout ce qui fut grand et sera la gloire de tout ce qui doit le redevenir dans notre histoire, mais il ne croit pas que cette gloire ne soit que la seconde. […] Cette faute, qui tenait pourtant au meilleur de l’âme de Philippe II, c’est-à-dire à son zèle pour la religion et la foi, cette faute immanente, que nous, catholiques, nous nous sentons la force de reprocher à sa mémoire, il est impossible que Forneron, malgré la modernité de ses opinions, ne l’ait pas, de son pénétrant regard, aperçue. […] Très au-dessous de Charles-Quint, son père, dont il n’avait, si on en croit ses portraits, que la mâchoire lourde et les poils roux dans une face inanimée et pâle, ce Scribe qui écrivait ses ordres, défiant qu’il était jusque de l’écho de sa voix, ce Solitaire, noir de costume, de solitude et de silence, et qui cachait le roi net, le rey netto, au fond de l’Escurial, comme s’il eût voulu y cacher la netteté de sa médiocrité royale, Philippe II, ingrat pour ses meilleurs serviteurs, jaloux de son frère don Juan, le vainqueur de Lépante, jaloux d’Alexandre Farnèse, jaloux de tout homme supérieur comme d’un despote qui menaçait son despotisme, Forneron l’a très bien jugé, réduit à sa personne humaine, dans le dernier chapitre de son ouvrage, — résumé dont la forte empreinte restera marquée sur sa mémoire, — comme il a bien jugé aussi Élisabeth, plus difficile à juger encore parce qu’elle eut le succès pour elle et qu’on ne la voit qu’à travers le préjugé de sa gloire. […] Taine, a compris que la masse de faits accumulés dans son histoire était la meilleure massue dont on pût se servir contre la Révolution française et les histoires qui la glorifient, et qui, d’ailleurs, ne s’accordent pas plus entre elles que les révolutionnaires qui l’ont faite.

325. (1925) Comment on devient écrivain

Nos meilleurs écrivains aujourd’hui ne s’expriment guère autrement. […] Quels sont les meilleurs romans à lire ? […] Les meilleurs écrivains ont pris Tacite pour modèle. […] Un jour qu’on lui demandait : « Quel est votre meilleur sermon ?  […] Le meilleur discours du monde, s’il est mal dit, ne produit aucun effet.

326. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre V. De la lecture. — Son importance pour le développement général des facultés intellectuelles. — Comment il faut lire »

L’utilité intellectuelle est nulle, ou plutôt il y a dommage manifeste ; il est meilleur à tous égards d’entretenir soigneusement sur ces choses l’ignorance naturelle : au moins la curiosité reste-t-elle aussi. […] Pascal, La Bruyère, Fénelon sont de meilleurs maîtres de style et en donnent mieux la théorie que Buffon et Marmontel, où l’on vous ramène sans cesse. […] Il n’est pas de mauvais livre pour un bon liseur, et le meilleur ne vaut rien si on ne sait pas l’exploiter.

327. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre I. Les théories de la Pléiade »

Il fallait jeter bien des mots dans la langue ; les meilleurs resteraient, élus par l’usage ; une sorte de concurrence et de sélection naturelle déblaierait le vocabulaire peu à peu. […] 4° On ne craindrait pas de mêler au langage courtisan les meilleurs mots de tous dialectes et patois français, « principalement ceux du langage wallon et picard, lequel nous reste par tant de siècles l’exemple naïf de la langue française ». […] La poésie devient comme un magasin de bric-à-brac gréco-romain, où sont entassés pêle-mêle toute sorte d’oripeaux et d’accessoires : et il est étrange que Ronsard, qui avait le bon goût d’aimer « la naïve facilité d’Homère », n’ait pas vu que le meilleur moyen de ne pas ressembler à Homère était précisément, pour un homme du xvie  siècle… de s’habiller, de parler, de marcher comme le lointain aède des temps héroïques.

328. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Joséphin Soulary »

Vous entendez bien, c’est une jeune fille qui a des ailerons, et non point par métaphore, comme quand on dit à une femme du meilleur monde en lui offrant son bras : « Madame, vous offrirai-je mon aileron ?  […] Et puis, à Paris, la lutte pour la vie et pour la gloire est d’une extrême âpreté : il y a des petits jeunes gens qui égorgeraient leur meilleur ami — surtout leur meilleur ami — pour arriver plus vite à la « notoriété » ou à la fortune.

329. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Chefs-d’œuvre de la littérature française (Collection Didot). Hamilton. » pp. 92-107

« Notre prose, dit Lemontey, s’arrêta au point où, n’étant ni hachée ni périodique, elle devint l’instrument de la pensée le plus souple et le plus élégant. » On peut assurément préférer, comme amateur, d’autres époques de prose à celle-là ; il ne serait pas difficile d’indiquer des moments où cette prose a paru revêtir plus de grandeur ou d’ampleur, et réfléchir plus d’éclat ; mais, pour l’usage habituel et général, je ne sais rien de plus parfait, rien de plus commode ni d’un meilleur commerce que la langue de cette date. […] Venu en France à la révolution de 1688, à la suite de son roi légitime, il y vécut dans le meilleur monde, se dédommageant des ennuis de la petite cour dévote de Saint-Germain par des séjours chez les Berwick et chez les Grammont. […] Ceux-là, par leur sœur, étaient fort mêlés dans la meilleure compagnie de notre Cour ; ils étaient pauvres et avaient leur bon coin de singularité.

330. (1761) Apologie de l’étude

Et qu’y a-t-il de plus propre que l’étude à nous consoler, à nous instruire, à nous rendre meilleurs et plus heureux ? […] Si c’est se montrer l’ennemi des gens de lettres, que de leur parler avec intérêt des peines de leur était, ceux qui prendraient si légèrement l’alarme pour nous accuser, pourraient faire le procès, sans le savoir, à leurs meilleurs amis. […] Il m’est revenu dans l’esprit, après tant de lectures inutiles et fatigantes, qu’il y avait des livres qu’on appelle journaux, destinés à recueillir ce qu’il y a de meilleur dans les autres.

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